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Pourquoi la baisse du chômage ne doit pas faire oublier la catastrophe économique et humaine du nombre record de chômeurs de longue durée
©Reuters

Constat déplorable

Alors que le nombre de chômeurs de catégorie A a une nouvelle fois diminué au mois de novembre, et ce pour le troisième mois consécutif, cette bonne nouvelle sur le marché de l'emploi ne doit pas faire oublier les chiffres de l'ensemble du quinquennat de François Hollande, et notamment la situation des chômeurs de longue durée.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Ce lundi, la révélation des derniers chiffres du chômage selon Pôle Emploi témoigne d'une nouvelle baisse du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A en France, et ce pour le troisième trimestre consécutif (une première depuis 2008). Comment peut-on interpréter ces chiffres à l'aune de la fin du quinquennat de François Hollande ? Sont-ils révélateurs de la situation sur le front de l'emploi ces cinq dernières années ?

Pierre-François Gouiffès : On ne peut que se réjouir de la séquence de baisse qui se confirme avec la publication des chiffres à fin novembre. Comme l’indique le tableau ci-dessous, l’année 2016 constitue une rupture claire par rapport aux données constatée depuis la crise financière puis économique puis sociale mondiale qui fait suite à l’affaire des subprime aux USA. Il n’y avait pas eu d’année de baisse du nombre de DEFM A (aucune activité) et ABC (sans activité ou avec activité) depuis 2008.

L’amélioration doit toutefois être relativisée. Tout d’abord les baisses constatées en 2016 n’effacent qu’une toute petite partie de la hausse massive des DEFM : seulement 8 % des 1,7 millions DEFM A supplémentaires enregistrés entre 2008 et 2015… et 0,2% (!) des 2,5 millions de DEFM ABC supplémentaires. En effet un trait persistant des baisses enregistrées en 2016 concerne le fait que les DEFM A (aucune activité) baissent de façon significative tandis que les DEFM B et surtout C (demandeurs d'emploi tenus de rechercher un emploi et plus de 78 heures travaillées dans le mois) augmentent quasiment dans les mêmes proportions, d’où l’absence de baisse des DEFM ABC, ce qui pourrait s’apparenter à des vases communicants : on passe du chômage total à une activité plus ou moins réduite… tout en restant demandeur d’emploi.

On constate enfin une augmentation significative de la catégorie D (personnes sans emploi inscrites à Pôle emploi sans être tenues de rechercher un emploi) en lien avec le programme de placement en stage, à un plus haut historique (349 000 personnes, +23 % à un an) : les entrées en stage représentent d’ailleurs 15 % des sorties des listes de Pôle Emploi depuis plusieurs mois, contre 10% fin 2015. Ils n’expliquent pas l’essentiel de la baisse, liée à un dynamisme de l’emploi privé, mais la question est de savoir si ce programme génère ou non une employabilité à moyen et long terme de ses bénéficiaires.

Si l’on analyse ensuite la performance constatée durant le présent quinquennat, la vision est très différente suivant la date de référence prise en compte pour comparer avec la situation actuelle. En effet la séquence est bonne pour les DEFM A depuis l’été 2015, mais cela n’empêche pas une progression de 17 % de cette catégorie (+543 500) depuis le printemps 2012, tandis que les ABC ont augmenté de 25% (+1,1 million) et sont seulement stabilisés en fin de séquence.

Enfin en comparaison internationale en suivant la méthodologie Eurostat, la France (taux de chômage de 10,4 % fin 2015) demeure très loin de l’Allemagne (4,6 %) et du Royaume-Uni (5,3%) et ne connaît pas une baisse récente aussi forte qu’en Italie (11,9 %) ou le gouvernement Renzi a mené une puissante réforme du marché du travail.

>>>> A lire aussi : Première baisse consécutive du chômage pour trois mois consécutifs depuis 2008 : la grande crise est-elle enfin derrière nous ?

En rentrant un peu plus dans les détails, que peut-on dire notamment de la situation des chômeurs de longue durée ? Dans quelle mesure les politiques de l'emploi mises en œuvre ces dernières années ont-elles pu ignorer le problème du chômage de longue durée, extrêmement handicapant pour de nombreux Français ?

Pierre-François Gouiffès : Les bons chiffres globaux constatés sur le front des DEFM A depuis quelques mois ne doivent en effet pas cacher une double évolution particulièrement inquiétante voire navrante.

D’abord le chômage des personnes de plus de cinquante ans. On a battu un nouveau record fin novembre 2016 (898 000 A et 1 329 000 ABC), la hausse annuelle demeurant seulement de 5% contre une longue période de saignées à +15 %, avec une progression de moitié depuis l’élection de François Hollande. C’est un sujet critique pour viabiliser les réformes des retraites et éviter le basculement des seniors dans la pauvreté et l’exclusion.

Ensuite il y le sujet des chômeurs de longue durée (1 an de chômage et plus). Depuis l’été 2015, ces chômeurs de longue durée représente toujours autour de 2,4 millions de personnes : il y en avait moins de un million avant la crise subprime et 1,6 million au printemps 2012. Presque un DEFM ABC sur deux est un chômeur de longue durée ce qui constitue un drame à la fois social et économique (destruction de capital humain, économie souterraine…). D’où les limites d’une réflexion centrée sur le mono indicateur des DEFM A.

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