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Pourquoi la baisse de la CSG proposée par Arnaud Montebourg pourrait ne jamais voir le jour
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En proposant une baisse de la CSG pour les classes populaires et les classes moyennes, l'ancien ministre du Redressement productif pourrait être confronté à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel pour cause de rupture d'équité

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier est Avocat, fondateur & coordinateur pédagogique du diplôme Start-up Santé (bac+5) à l'Université Paris Cité. Il est également Président de l'UNPI 95, une association de propriétaires qui intervient dans le Val d'Oise. Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Atlantico : Ce mardi 3 Janvier, Arnaud Montebourg a pu déclarer "La première des décisions que je voudrais prendre, c'est d'abord de diminuer la CSG sur tous les salariés qui aujourd'hui sont en situation d'être entre 1,0 smic ou 1,3 smic c'est-à-dire jusqu'à 1.500 euros net, ce que moi j'appelle les classes moyennes et les classes populaires". Quels sont les risques de voir une telle mesure être censurée par le conseil constitutionnel pour rupture d'égalité ? Quels seraient les fondements juridiques d'une telle décision ?

Thomas Carbonnier : en 2015, la réponse était aisée ou presque. Aujourd'hui, le contexte ayant changé, la réponse paraît juridique pourrait ne pas l'être. Pour cerner les enjeux de cette mesure, il est nécessaire de dresser un court historique.

Par le passé, il y eut plusieurs tentatives identiques. Toutes ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Toutefois, aujourd'hui le contexte semble un peu différent.

Jusqu'en 2016, la CSG avait pour objet de participer au financement de la sécurité sociale. C'est pour cette raison que les non-résidents n'y étaient pas assujettis sur les revenus de leur patrimoine de source française. Toutefois, l'État en quête de nouvelles ressources financières avait décidé de faire fi de toute logique et avaient assujettis les non-résidents à la CSG.

Cet assujettissement des non-résidents avait naturellement provoqué un certain mécontentement : les non-résidents devaient participer au financement d'un régime de sécurité sociale sans pour autant en bénéficier ! C'est dans ce contexte qu'était intervenue l'affaire "De Ruyter" (CJUE, février 2015). Le gouvernement, fort peu enclin à laisser s'évaporer une partie non négligeable de ses recettes, s'empressa alors de modifier les règles du jeu lors du vote au parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Désormais, la CSG ne bénéficie plus à la sécurité sociale. La loi affecte dorénavant la CSG à la solidarité afin de pouvoir continuer à la prélever, conformément avec la jurisprudence européenne. 

Pour autant, est-ce une raison suffisante pour exclure une censure de la part du conseil des sages ?

En 2015, l'amendement Ayrault sur la CSG dégressive avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Les requérants s'étaient alors fondés sur la décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2000 qui avait censuré une précédente tentative d’instaurer une ristourne dégressive de la CSG. Suivant le conseil des sages, l’introduction d’une dose de progressivité dans un impôt strictement proportionnel impliquait de raisonner comme en matière d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire par foyer fiscal.

L'amendement Ayrault introduisait des disparités entre salariés et non-salariés (travailleurs dits indépendants ou libéraux selon que la profession exercée est réglementée ou non). Les travailleurs indépendants et libéraux étant exclus du bénéfice de la réduction de CSG alors qu’ils sont éligibles à la prime d’activité. Enfin, les allocations familiales et les aides au logement – dispositifs qui ne sont pas assujettis à la CSG – sont prises en compte dans la "base ressources" de la prime d’activité. Il en résultait donc qu'une rupture d'égalité entre les contribuables. En effet, deux contribuables dans une situation identique, bénéficiant d’un montant identique de prime d’activité, pourraient avoir à acquitter un montant différent de CSG.

En définitive, que la CSG serve à financer un régime de sécurité sociale ou non, le débat devrait rester intact et la censure encourue.

Plus largement, alors que la CSG est souvent considérée comme un impôt efficace, reposant sur une base large et un taux faible, Arnaud Montebourg ne risque t-il pas de porter un coup à un impôt "efficace" ? En baissant les recettes d'environ 6 milliards, faut-il voir ici un danger pour le financement de la protection sociale ?

La CSG est un impôt invisible pour les salariés. Leur salaire étant versé après retenue à la source de la CSG. Par ailleurs, l'intégralité de la CSG n'est pas déductible du salaire net imposable à l'IR. Pour schématiser, un salarié perçoit 1 000 euros net, le revenu fiscal ne sera pas de 1 000 euros mais, très approximativement et en faisant abstraction de l'ensemble des règles d'exonérations sur les bas salaires, de 1 050 euros nets. Pourtant, le salarié n'a perçu que 1 000 euros. Ainsi, les contribuables doivent payer de l'impôt sur des revenus qu'ils n'ont jamais perçus ! Ceci revient à dire que le contribuable paie de l'impôt sur de l'impôt !

L'idée d'Arnaud Montebourg, si elle n'était pas censurée par le Conseil constitutionnel, pourrait permettre de réduire voire de supprimer cette aberration fiscale et donner plus de pouvoir d'achat aux plus modestes. Toutefois, la classe moyenne ne serait pas vraiment concernée par la mesure et continuerait à être matraquée.

La baisse de recettes de 6 milliards ne devrait pas porter atteinte à notre système de sécurité sociale puisque la CSG n'a plus pour fonction de la financer depuis la loi de finance de sécurité sociale pour 2016...

En définitive, si la mesure va dans le bon sens, il y a lieu de croire qu'elle n'aura qu'un effet d'annonce. C'est l'ensemble du système fiscal français qu'il faudrait remettre à plat et repenser. Cette grande réforme d'ensemble ne semble toutefois pas être à l'ordre du jour.

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