Pourquoi la baisse de l’immobilier à Paris n’est qu’un trompe-l'œil <!-- --> | Atlantico.fr
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La baisse de l’immobilier à Paris n’est qu’un trompe-l'œil.
La baisse de l’immobilier à Paris n’est qu’un trompe-l'œil.
©Reuters

On vous ment !

Récemment, il a été annoncé que les prix de l'immobilier avaient baissé sous les 8 000 euros du mètre carré. Pourtant, les méthodes statistiques employées sont biaisées, entre autres par l'atomisation des biens vendus.

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan est économiste et historien de la ville. Il est titulaire d'un Doctorat d’économie et d'une licence d’Histoire.

Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont Le Paris d’HaussmannLes passages couverts de ParisVilles utopiques et villes rêvéesÀ qui appartient la France, Il vient de publier avec Gilles Ricour de Bourgies Que vaut Paris ?, Histoire et analyse de la propriété immobilière aux Éditions du Mécène.

Il prépare actuellement une série d’ouvrages sur la propriété immobilière dans les grandes villes de France et leur valeur financière.

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Quand, dans les années 1950 et 1960, la France se reconstruisait et que la copropriété apparaissait, sur les panneaux de chantier des promoteurs, est apparu, à côté du nom de leur programme, le prix au mètre carré. Il s’agissait d’immeubles neufs vendus par appartements (une nouveauté alors !). Cet affichage avait un sens puisque, dans ces immeubles neufs, quelle que soit la taille du logement, on y trouvait des prestations et un niveau de confort identiques. Dans ces années-là, le marché du neuf représentait l’essentiel des transactions immobilières, (on construisait alors environ 500.000 logements par an). Il était possible d’analyser statistiquement les prix d’un mètre carré dans une même ville ou entre deux villes car on considérait des biens comparables

Est-ce par esprit de simplification que l’on a considéré depuis le prix du mètre carré comme une donnée statistique fiable, capable d’expliquer l’état et l’évolution du marché de l’immobilier ? Ceci pouvait paraître censé tant que le marché du neuf en était l’essentiel…

Mais très vite les choses ont changé.

Un marché d’occasion

Le marché de la transaction à la vente est, depuis les années 1980, devenu essentiellement un marché d’occasion. A Paris, par exemple, plus de 60 % des immeubles bâtis datent d’avant la première guerre mondiale, et plus de 80 % d’avant les années 1950. Et il en est de même dans toutes les grandes villes françaises.

Mais ce marché d’occasion-là est loin d’être comparable avec d’autres, et par exemple, celui de l’automobile. Les voitures sont construites de façon standardisée à des milliers d’exemplaires. Et quand elles sont vendues d’occasion, elles ont généralement moins de 10 ans ! En immobilier de quoi parle-t-on ? On parle d’immeubles uniques, pouvant avoir jusqu’à cent cinquante ans d’âge, et qui, au cours de leurs vies, ont été plus ou moins bien entretenus. Pour leurs appartements, il en va bien sûr de même. Sur le même palier, un logement peut être en excellent état tandis que son voisin n’a pas été rénové depuis 40 ou 50 ans. Leur mètre carré moyen devrait-il avoir une valeur identique ?

De même, dans une rue, deux immeubles mitoyens peuvent présenter des arguments très différents, suivant leurs niveaux d’entretien, les vues qu’ils offrent, l’agrément de leur architecture, ou leur situation :  sur les Champs-Elysées, à Paris, les numéros pairs (côté ensoleillé) valent 20 % plus chers que ceux qui leur font face (côté ombragé).

Mélanger des torchons et des serviettes

On l’a compris, le marché immobilier est tellement hétéroclite et atomisé, qu’annoncer un prix moyen du mètre carré, où que ce soit, revient à mélanger des torchons et des serviettes. Ces statistiques comparent, additionnent et divisent des produits totalement incomparables, qui n’ont aucune logique économique et statistique entre eux, ce qui empêche toute évaluation sérieuse.

Malgré cette incohérence, les statistiques produites de cette étrange manière, prétendent aussi  saisir l’évolution dans le temps du prix des mètres carrés moyens ! Pourtant, le propre d’un appartement vendu au temps T n’est-il pas de ne plus être sur le marché au temps T+1, puisque vendu auparavant ? Le panel statistique du temps T+1 diffère donc totalement de celui du temps T !

Pour pouvoir comparer malgré tout de façon à peu près cohérente ces prix, il faudrait au moins que le panel des ventes du temps T+1 correspondent physiquement à celui du temps T : même ratios de studios, de 2, 3 ou 4 pièces, situés dans des immeubles comparables, et situés dans les mêmes rues si possible ! Utopique !

Alors affirmer que la valeur moyenne d’un mètre carré à Paris ou ailleurs est de X euros ne correspond à pas grand-chose et ne peut être vraiment utile aux acquéreurs comme aux vendeurs… sinon pour les induire en erreur, vers le haut comme vers le bas !

Mais alors, que peuvent faire un vendeur ou un acquéreur pour connaître la véritable valeur d’un bien ?

Le juste prix en immobilier : l’accord des parties

Une seule méthode est fiable. Suivant le cas, ils devront visiter un maximum de logements en vente dans le secteur de leur recherche ou comparer le bien qu’ils désirent céder. Rapidement ils deviendront d’excellents experts immobiliers et se feront une idée juste de la valeur des choses… Accessoirement ils constateront que le prix moyen d’un mètre carré n’est pas une donnée fiable, et que le seul juste prix est celui qui fait l’accord des parties, c’est-à-dire "quand un acheteur acquiert un bien à un prix qu’il ne souhaitait pas payer à un vendeur qui voulait lui vendre plus cher".

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