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Pourquoi l'UMP ne faisait pas la promotion de la théorie du genre en 2011
©Reuters

CQFD

L'UMP proposait alors "d'introduire, dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect hommes-femmes". "Il n'a jamais été question d'enseigner le genre à l'école, mais au contraire de sensibiliser les enfants à l'altérité sexuelle et [...] à la complémentarité des différences entre les garçons et les filles", a expliqué Jean-François Copé.

Thibaud Collin

Thibaud Collin

Thibaud Collin enseigne la philosophie en classes préparatoires au collègue Stanislas à Paris. Il a consacré plusieurs ouvrages à des questions de philosophie morale et politique, dont un livre d’entretiens avec Nicolas Sarkozy La République, les religions, l’espérance (Cerf) et récemment Les lendemains du mariage gay (Salvator).

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Atlantico : Dans un rapport datant de 2011 sur la place de la femme dans la société française (voir ici), l'UMP envisageait "d'introduire, dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect hommes/femmes". Il était notamment question "d’amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des conduites non stéréotypées" et "à percevoir positivement leur genre et celui du sexe opposé". Peut-on réellement parler, comme certains pourraient être portés à le croire, de promotion de la théorie du genre ?

Thibaud Collin : Cela participe du même courant que Vincent Peillon, avec "l'ABCD de l'égalité", a introduit dans l'école. Il est clair qu'il y a une grande proximité entre ce rapport de l'UMP et "l'ABCD de l'égalité", même si on ne peut pas clairement parler de promotion de la « théorie » du genre. Toute la question ici est de savoir ce que l'on met derrière la notion de stéréotypes et quels sont les moyens, surtout, qui vont être utilisés pédagogiquement. Que l'UMP défende la notion de respect, pourquoi pas. Mais il me semble que la notion de respect est indifférente au sexe : je ne dois pas être respecté en tant qu'homme ou femme mais en tant qu'être humain. Le rapport de l'UMP introduit l'idée, très usitée aujourd'hui, qu'il faut respecter les gens parce qu'ils sont noirs, parce qu'ils sont homosexuels etc. C'est déjà un dévoiement de ce qu'est vraiment la civilité puisque la civilité est de respecter une personne en tant que personne et non en tant que membre d'un groupe. Il y a donc déjà un biais tendancieux qui est présent dans ce rapport comme dans la politique menée aujourd'hui par le gouvernement.

Après, il faut s'interroger sur les moyens. L'ABCD va simplement plus loin dans la déclinaison pédagogique que le rapport de l'UMP parce qu'il est expérimenté directement sur le terrain. L'ABCD de l'égalité propose, par exemple, de faire des contes pour enfants de manière parodique et outrancière pour que les enfants se rendent compte qu'être un homme ou une femme est une sorte de rôle qu'il s'agit d'apprendre. Je pense que, de cette façon, on dépasse une limite. Derrière cela, il y a le refus que les femmes et les hommes sont différents. Or ce n'est pas parce qu'ils sont différents qu'ils ne sont pas égaux.

>>>> Sur le même sujet et du même auteur : L'éducation à l'âge du "gender", et Sur la morale de Monsieur Peillon, aux éditions Salvator.

Toujours à l'école, l'UMP souhaitait "orienter davantage les jeunes filles vers les filières de formation scientifique, technique, industrielle et technologique, en levant les freins culturels liés aux choix d’orientation" et  "promouvoir la mixité dans les métiers et les qualifications au sein des entreprises". Peut-on, là-aussi, parler de promotion du genre à l'école ?

Ce passage est digne d'une proposition soviétique ! Je ne vois pas au nom de quoi on déciderait d'orienter les jeunes filles vers une filière plutôt qu'une autre. Il faut évidemment présenter et ouvrir les différentes filières. Mais il y a ici une sorte de dirigisme étatique bien-pensant. Que l'UMP s'approprie ce vocabulaire d'un État providence, dirigiste et paternaliste est révélateur de sa proximité avec le PS sur de tels sujets.

Il y a toujours derrière l'idée que si une femme est plus attentive aux personnes, elle va être discriminée et qu'un ingénieur est mieux considéré. Il y a donc une sorte de discrimination subtile car on continue à penser qu'il vaut mieux être ingénieur que sage-femme. Qu'on laisse les gens vivre et que l'on évite de plonger dans ce paternalisme. Clairement ici, on voit à l'oeuvre l'inspiration de ce qui a été fait en Suède, en Norvège.

Cela ne concernait pas que l'école. Dans le milieu professionnel également, l'UMP souhaitait "remettre en cause les stéréotypes de genre dans le cadre d'actions de sensibilisation". Est-ce de la promotion de la théorie du genre ?

On ne peut parler comme telle de la "théorie du genre" ; il existe des études de genre dont certains aspects peuvent être clairement idéologiques.  L'UMP laisse entendre que quand il y a de la parité, notamment dans le champ politique, cela change les choses, cela apporte quelque chose de nouveau ; cela présuppose l'idée que les femmes et les hommes sont différents. Il y a donc dans ce rapport une forme de contradiction. De deux choses l'une. Soit on considère que les hommes et les femmes sont identiques et dans ce cas-là ils sont totalement interchangeables. Soit, effectivement, un homme n'est pas une femme et réciproquement  et chacun peut avoir son apport propre. De fait, il y a une manière différente d'aborder les choses selon que l'on est un homme ou une femme. Il y a donc un véritable enrichissement dans cette diversité. Le tout est de faire sauter les barrières pour permettre à chacun d'accéder au poste qu'il souhaite.

Dans ce rapport, il y a vraiment cette idée que les barrières sont mentales et qu'il faut désaliéner les gens. C'est une vieille thèse marxiste : il faut « éduquer » le prolétariat qui est aliéné, pour qu'il prenne conscience qu'il est effectivement dominé afin qu'il puisse faire la révolution. Marx appliquait cela aux questions sociales ; on l'applique désormais aux questions d'identité sexuelles.

Que penser, dans la même idée, de cette volonté de "sensibiliser les jurys à l’égalité professionnelle et aux discriminations liées au genre" ?

Dans ce cas-là, il faudrait aller jusqu'au bout et faire des quotas. Mais au nom de quoi soutenir qu'il faut 50 % de femmes dans tous les métiers ? Qu'on laisse vivre les gens en paix sans vouloir perpétuellement rééduquer la société civile ! Si plus de femmes veulent prendre soin des personnes et plus d'hommes s'occuper d'ingénierie, est-ce nécessairement de la discrimination ? C'est plutôt l'idée sous-jacente qu'il est plus noble d'être ingénieur que puéricultrice qui est méprisante.

Dans le fond, la théorie du genre est-elle finalement moins dans les diagnostics que dans les solutions proposées ?

L'UMP avançait des solutions. Elles sont assez généralistes, évidemment, mais, dans le cadre de la mise en œuvre, on est assez proche de ce que fait le gouvernement actuellement. Diagnostic et solutions sont liés car le diagnostic établi présuppose un point de vue sur l'approche des relations entre les hommes et les femmes qui orientent, de fait, vers certaines applications. Je ne dis pas qu'il n'existe pas des solutions plus libérales, moins étatistes mais les objectifs sont assez proches. De fait, les propositions formulées par l'UMP dans le rapport de 2011 sont très dirigistes.

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