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Pourquoi l’armée française ne pourra pas accomplir le coeur même de ses missions avec les coupes budgétaires que lui impose le gouvernement
©REUTERS/Benoit Tessier

Impasse

Gérald Darmanin, ministre des comptes et de l'action publique souhaite réaliser des économies d'une valeur de 4 milliards d'euros dans les frais de fonctionnement du gouvernement. Chaque ministère devra faire des réductions budgétaires et la défense n'est pas épargnée.

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023). Michel Goya a publié avec Jean Lopez « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine aux éditions Perrin (2023).

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Atlantico : Dans quel état d'esprit se trouve l'armée dans ce contexte d'économies ? 

Michel Goya : Les militaires sont furieux. Ces coupes budgétaires sont la version récurrente du budget de la défense comme variable d'ajustement. Avec le discours du Président de la République à l'hôtel de Brienne on y ajoute aussi une couche des "militaires ça ferme sa gueule" et de fausses annonces. Le projet présenté dans le programme prévoyait d'atteindre un budget de 50 milliards en 2025, hors pensions et opérations extérieures. Cela fait 2,25 milliards par an et non une baisse de 900 millions pour cette année et seulement 1,5 l'an prochain. De plus annoncer un budget de 650 millions d'euros pour les opérations extérieures alors que la moyenne est d'un milliard, avec une tendance à la hausse ces dernières années, c'est malhonnête. De fait, comme il faudra au bout du compte financer la différence, cela signifie concrètement une réduction du budget d'au moins 350 millions d'euros et probablement plus. On sera donc plus près, pour peu qu'on ne nous ressorte pas le coup de "l'effort à fournir", d'un milliard d'euros que de 2, 25. Cet effort était par ailleurs prévu par le gouvernement précédent. On est très loin du compte. Tout cela n'est finalement guère surprenant, tous les gouvernements successifs ont procédé de la même façon, mais cela n'empêche pas de considérer tout cela comme exaspérant. 

L'armée française est très investie sur le terrain que ce soit avec l'opération Barkhane au Mali, Sangharis en Centre Afrique. Elle assure des missions de protection de la population avec l'opération Sentinelle. Quels sont les engagements qui pourraient être rompus ? 

On peut toujours mener des opérations et en faire même plus, il reste simplement à déterminer selon quel efficacité on  veut et on peut y avoir. Bien souvent, on n'y joue qu'un rôle subsidiaire au sein de coalitions dirigées par les Américains ou alors on déploie quelques milliers d'hommes et queiques aréonefs de combat. Cela peut suffire face à des adversaires simples. Maintenant, s'il y a bien une opération qui coûte cher pour une efficacité nulle c'est l'opération Sentinelle. Pour autant, les armées ne feraient strictement aucune opération qu'elles seraient quand même en crise de financement. Notre problème majeur est que nous n'avons pas les moyens de moderniser nos forces. Nos équipements usés coûtent chers à entretenir et disparaissent. En 2015, nous avons perdu 425 véhicules de l'avant blindés (VAB) et nous avons acquis en échange 21 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI). Nos armées fondent. La seule armée de terre a six fois moins de chars, quatre fois moins de canons et deux fois moins d'hélicoptères qu'en 1990. 

L'armée française doit-elle accepter de ne plus intervenir sur différents champs d'opérations au risque de voir sa puissance fléchir ? 

Nous perdons des capacités clés. Autour de l'excellent avion Rafale, les indispensables ravitailleurs en vol sont à bout de souffle ; notre capacité de transport aérien s'est effondré ; nous n'avons pas pu, faute de crédits suffisants mais pas seulement, développer une flotte de drones de combat performante, etc. Dans tous ces cas, pour faire quelque chose un tant soit peu importants nous sommes obligés de faire appel à d'autres, aux Américains en particulier. La réduction de crédits est aussi une réduction de souveraineté. Là encore, il y a des choix à faire. On peut continuer dans cette spirale de crise ou au contraire réagir. Ce n'est pas d'une réduction dont on avait besoin mais d'un effort d'investissement d'urgence qui, par ailleurs et incidemment, profiterait à toute l'économie et provoquerait des recettes fiscales in fine. 

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