Pourquoi François Hollande n’a aucune raison de recommencer à y croire<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande, Emmanuel Macron et Manuel Valls profitent tous les trois d'une remontée significative dans les enquêtes d'opinion.
François Hollande, Emmanuel Macron et Manuel Valls profitent tous les trois d'une remontée significative dans les enquêtes d'opinion.
©Reuters

Embellie mirage

François Hollande, Emmanuel Macron et Manuel Valls profitent tous les trois d'une remontée significative dans les enquêtes d'opinion. Leur attitude, depuis ces résultats, est de montrer un certain optimisme quant à la suite du quinquennat. Pourtant, les prévisions concernant la loi Macron, symbole de cette image de gauche responsable, s'accordent à interroger son effet sur la croissance. Alors que la réalité socio-économique demeure la première préoccupation des Français.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Tous les proches de François Hollande en font le constat, le président de la République irait "mieux". Il occupe de nouveau l'espace médiatique en s’affichant sur des sujets de société ou de vie quotidienne. Il a même ajouté mardi lors de son déplacement à Boulogne-sur-Mer que "Le quinquennat doit être organisé autour de l’égalité, autour de la réussite". Le contexte politique et l'opinion sont-ils enfin plus favorables au chef de l'Etat ? Cela va-t-il durer ou retomber comme un soufflet ?

Nicolas Goetzmann : Les différents sondages publiés au cours des derniers jours font bien état d’une amélioration de la popularité du Président, puisque 21% des personnes interrogées jugent qu’il est un bon Président (baromètre Odoxa-Oragne). C’est également le cas, avec une plus grande ampleur, pour Manuel Valls (45% jugent qu’il est un bon premier ministre), mais aussi pour le ministre de l’économie, Emmanuel Macron qui progresse de 9 points en un mois. La dernière séquence est donc bien une réussite, sur le plan de l’opinion. Concernant la réalité du terrain économique, c’est une autre histoire. La France est officiellement entrée en déflation le mois dernier, les prévisions de croissance de la zone euro ont été lourdement coupées pour 2015, passant de 1.6% à 1.0%, et le nombre de chômeurs en France continue de battre record sur record.

Mais le contexte politique a également changé en cela que désormais, François Hollande dispose d’une opposition incarnée par Nicolas Sarkozy. C’est-à-dire une opposition clivante qui permet au Président de reprendre son rôle du "recours anti-sarkozyste". Il ne s’agit pas d’un  programme en soi mais d’un dénominateur commun à la gauche, du moins plus large que le seul soutien au "hollandisme", qui est devenu un phénomène plutôt marginal.

Le gouvernement a-t-il réussi un tour de force communicationnel sur la loi Macron ? 

La progression de la popularité d’Emmanuel Macron en atteste. Pourtant, si cette loi est nommée "croissance et activité", sa réalité n’est qu’un potentiel. Il ne s’agit pas de "booster" la croissance au sens propre, mais bien de donner un potentiel plus important au pays. C’est tout l’objet d’une loi visant à réformer "l’offre" économique. En ce sens, le succès politique de cette loi a été de donner le sentiment d’un gouvernement réformiste et volontariste. Il y a des mécontents, des opposants à cette loi, ce qui démontre que finalement, quelque chose se passe. Et c’est là tout le piège de ce qui a été fait. Car si les résultats économiques tardent trop, le discours "réformiste" qui est aujourd’hui à l’honneur dans les enquêtes d’opinion pourrait en être affaibli. Depuis l’arrivée de Manuel Valls au poste de premier ministre, le slogan est "il n’y a pas d’alternative". Avec une telle affirmation, il est préférable d’obtenir des résultats rapidement.

Martine Aubry, en exploitant les mécontentements de l'extrême gauche, s'est-elle tirée une balle dans le pied ? De fait, a-t-elle plus servi que desservi le gouvernement ?  

Martine Aubry a également progressé dans les sondages d’opinion, avec 5 points gagnés et un total de 29% d’opinions favorables. Mais ses déclarations faites à propos de la Loi Macron dans le journal Le monde, évoquant un changement de civilisation à propos du travail le dimanche, ont offert une belle opportunité au gouvernement d’apparaître comme réformateur. En s’opposant à une gauche "ringarde", Manuel Valls et Emmanuel Macron passent pour la gauche "responsable". D’un côté, Nicolas Sarkozy absorbe les critiques d’ultralibéralisme, et de l’autre Martine Aubry se charge de récolter les attaques en "gauchisme", pour un résultat plutôt positif pour le gouvernement en termes d’image. Mais encore une fois, il s’agit bien plus d’une double définition négative et non pas d’un projet porteur qui pourrait permettre de fédérer les français.

Sur le plan économique, que peut-on attendre de la loi Macron ? Les impacts sur le retour de la croissance peuvent-ils être significatifs ?

Une telle loi a pour ambition de permettre au pays d’améliorer son potentiel de croissance. Ainsi, si nous imaginons que le potentiel actuel du pays est de 2.5% de croissance annuelle, une loi de ce type aurait alors vocation à permettre, par exemple, de faire évoluer ce potentiel de 2.5 à 2.6%. Ce qui est positif, mais il n’aura échappé à personne que le potentiel du pays n’a pas été atteint, globalement, depuis 2008. Et cela, la Loi macron n’y pourra rien, car elle n’agit que sur l’offre.

Les autres "bonnes nouvelles"  mentionnées ces derniers jours sont la baisse du pétrole, la baisse de l’euro, et la baisse des taux d’intérêts, qui sont autant de signes annonciateurs d’un retour de la croissance. Bien que la baisse du pétrole puisse avoir un effet positif, il ne s’agit que de facteurs exogènes marginaux qui ne correspondent en rien aux besoins actuels du pays. Pour "rebondir" et résorber le chômage, le pays aurait besoin de plusieurs années à 3% de croissance, comme cela peut être le cas aux Etats Unis. Et les hypothèses qui ont été formulées par rapport à la Loi Macron ne font que "gratter" quelques dixièmes de points de croissance par ici ou par- là sur plusieurs années. Le gouvernement se contente finalement de ce qu’il a, c’est-à-dire très peu.

La politique des cycles est donc une vue de l'esprit... Largement dépassée ?

Cette séquence de l’ "embellie" est un puissant révélateur de l’écart qui existe entre le diagnostic de François Hollande et la gravité de la crise. Le Président se réjouit du contexte qui se profile, car "la croissance" serait de retour de façon cyclique. En ce sens, il a raison. Mais là, il rate l’essentiel.  Sa vision de l’économie repose sur un niveau d’activité qui va varier plus ou moins par rapport à une tendance de base. Une fois que le cycle redevient positif, tout va mieux. C’est ici que l’erreur fondamentale a lieu. Parce que la crise de 2008 ne concerne pas les petits cycles, mais la tendance de base elle-même, cette tendance de fond du développement économique au sein de la zone euro. Cela fait 6 ans que cela dure, il est quand même compliqué de ne pas se rendre compte que quelque chose de plus "sérieux" que d’habitude est en train de se passer. Et bien non, il semblerait que ce questionnement n’ait pas véritablement eu lieu.

En conséquence, quelles réformes structurelles restent encore à engager ? 

La réforme structurelle principale est d’imposer à l’autorité monétaire européenne de suivre un objectif de plein emploi. Une fois cette idée mise sur la table, discutée, validée, les réformes de l’offre pourront reprendre de plus belle. Parce qu’une telle réforme monétaire a pour objectif de permettre à chaque pays d’atteindre chaque année son plein potentiel. Les réformes du type "Loi Macron", dans un tel contexte, auront pour effet d’améliorer ce potentiel.

Plus spécifiquement, et en admettant que le plein emploi est devenu un objectif, les réformes "utiles" en France concernent la retraite à 65 ans, le contrat de travail unique, une totale refonte et une baisse de la fiscalité, et un accent mis sur l’éducation dès le plus jeune âge. Il faut se concentrer sur des objectifs clairs, et sur les sujets qui ont la plus grande probabilité d’impacter positivement la vie des français.

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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