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Vincent Le Floch Prigent : pourquoi, du Quai d’Orsay à l’Elysée, le sort de Loïk Le Floch-Prigent n’intéresse-t-il personne ?
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Condamné par principe

Le fils de Loïk Le Floch-Prigent a réussi à mettre la main sur la plainte togolaise qui vaut à son père d'être emprisonné à Lomé depuis 4 mois. Il s'explique.

Vincent  Le Floch-Prigent

Vincent Le Floch-Prigent

Vincent Le Floch-Prigent est le fils de Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG de l'entreprise pétrolière Elf.

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Loïk Le Floch-Prigent, ex-PDG d’Elf condamné il y a dix ans dans le cadre de l’affaire éponyme, a été arrêté le 14 septembre à Abidjan, puis transféré à Lomé où il est actuellement détenu dans une affaire d’escroquerie aux contours flous. Arguant de la détérioration de son état de santé – il souffre d’un cancer de la peau –, ses avocats ont à plusieurs reprises demandé son rapatriement sanitaire, sans résultat. Les demandes adressées parallèlement par sa femme au président François Hollande n’ont pour le moment pas abouti. Sans préjuger de son innocence ou de sa culpabilité, on peut néanmoins s’interroger sur l’apparente indifférence d’une diplomatie française pourtant si prompte à soutenir le sort de tant d’autres ressortissants français détenus à l’étranger.

Le fils de Loïk Le Floch-Prigent a réussi à mettre la main sur la plainte togolaise qui vaut à son père d'être en prison. Il s'explique.

"Mon père est incarcéré depuis plus de quatre mois à Lomé sur la base d’accusations hallucinantes d’un homme d’affaires émirati, Youssef Abbas, qui l’accuse d’avoir été le complice d’une "arnaque nigériane" de 48 millions de dollars. Après de multiples requêtes, les avocats de mon père ont enfin pu avoir accès à cette plainte. Incohérences, scénarios dignes d’un mauvais James Bond, description détaillée d’un système de corruption… C’est avec effroi que nous avons découvert que mon père, qui souffre depuis des années d’une forme de cancer de la peau et qui doit être opéré d’urgence pour éviter l’amputation, était en danger de mort sur la base de ce témoignage.

Le récit vaudevillesque de la partie civile

L’histoire commence comme l’un de ces mails qu’on a tous reçu un jour sur nos boîtes Spam. Une pseudo-nièce d’un ancien dictateur africain qui a besoin de quelques milliers d’euros pour mettre la main sur une fortune placée dans une banque du continent. Promesse est faite en retour d’un partage à 50-50 des fonds.

Un brin plus sophistiqué (les arnaqueurs de Abbas Youssef l’auraient rencontré en personne dans un hôtel de Dubaï), le récit que fait l’homme d’affaires émirati ressemble à cet attrape-nigaud plus connu sous le nom "d’arnaque nigériane". Abbas Youssef, homme d’affaire des Emirats Arabes Unis, avec lequel avait travaillé mon père sur des contrats pétroliers en Afrique et au Canada affirme avoir été approché par des ressortissants ivoiriens se disant être les héritiers de l’ancien chef d’état Robert Gueï.

S’ensuit le déroulé hallucinant d’une escroquerie au long cours qui verra Abbas Youssef être pendant des mois la victime consentante d’une chasse au trésor fantôme à travers l’Afrique pour mettre la main sur la fortune présumée de Robert Gueï. Plus il donnait d’argent aux escrocs, plus ils en réclamaient et plus les mensonges qu’ils racontaient devenaient énormes. A en croire la déposition, ils inventèrent en cours de route un nouveau pactole de 1,8 milliard de dollars, censé avoir appartenu à un ancien dignitaire de Saddam Hussein.

Telle est en tout cas la version donnée par Youssef Abbas aux policiers togolais. L’homme d’affaires émirati a-t-il réellement été escroqué ? Je n’en sais rien. Si le nom de mon père revient régulièrement tout au long de la plainte (qui hélas comporte peu de précisions chronologiques qui permettraient de confronter les propos de M. Youssef à l’agenda de mon père), aucune somme d’argent ne lui est versée à aucun moment. Il est juste censé avoir été dans une banque parisienne récupérer 260 000 euros en liquide : Quelle banque ? A quelle date ? Vérifions-le !

Le récit de M. Youssef ne tient pas la route et les contradictions sont multiples, tant au niveau des sommes qu’il affirme avoir versé (il évoque en fin d’audition la somme de 48 millions de dollars mais la description qu’il fait révèle une somme légèrement inférieure à 61 millions de dollars), que sur le rôle de mon père qu’il accuse par moments d’escroquerie avant de solliciter à nouveau son aide.

Plus de 61 millions de dollars de corruptions diverses explicitées dans la plainte

Si le rôle de mon père n’est à aucun moment précisé dans la plainte qui lui vaut aujourd’hui de mourir à petit feu dans une prison de Lomé, il est très surprenant que la justice togolaise (et celles d’autres pays africains) ne s’intéresse à aucun moment au système de corruption mis en place par Abbas Youssef et qu’il décrit très ouvertement dans sa plainte.

A la lecture du document, on réalise que plus de 50 millions des 61 millions de dollars que Abbas Youssef assure s’être fait escroquer, étaient ouvertement destinés à corrompre des officiels des divers pays concernés (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo,…), notamment un membre du gouvernement ghanéen. Le reste aurait servi à payer entre autre l’avion du président du Burkina Faso, à soudoyer des pilotes d’avions de l’ONU puis de L’Union Européenne et à payer des frais d’entreposage.

Si les faits décrits par M. Youssef sont exacts, nous avons affaire à une drôle de victime, qui confesse par le détail tous les rouages d’une corruption systématisée des appareils d’Etat de plusieurs pays africains.

Une affaire rocambolesque qui condamne un homme

L’affaire racontée par M.Youssef n'est pas plausible, en tout cas dans le volet qui concerne mon père. De l’aveu même du plaignant il n’y a pas eu de versements de fonds en sa faveur (pour rappel mon père a été incarcéré 6 mois en janvier 2010 pour ne pas avoir été en mesure d’indemniser Elf ; s’il avait dans le même temps bénéficié des largesses de M.Youssef, ne l’aurait-il pas fait ?), les relations professionnelles qui unissaient mon père à M. Youssef n’ont jamais connu la proximité décrite dans la plainte, et surtout, selon toute vraisemblance, elles avaient cessé au moment des faits décrits

La vérité souffre dans cette affaire de l’opacité de la procédure togolaise. Mon père a été entendu seulement à trois reprises lors de sa première semaine de détention mais depuis le dossier traine en longueur. Comment peut-il se défendre s’il ne lui est pas possible de connaitre la chronologie des faits qui lui sont reprochés… et ainsi de pouvoir démontrer qu’il ne pouvait pas aux moments-clés de l’affaire se trouver là où M. Youssef assure qu’il se trouvait.

Il est assez grave qu’un homme soit détenu quatre mois et demi sans preuves significatives, mais cette arrestation est d’autant plus dramatique que l’état de santé de mon père est catastrophique. Chaque jour qui passe multiplie les risques de développement de métastases. Il doit de toute urgence être opéré : il en va de sa survie comme l’a confirmé le Quai d’Orsay qui a réclamé (en vain) son rapatriement sanitaire en France."

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