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Thierry Galineau : "Les riches s'unissent au-dessus des frontières"
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Rich United

Dans son roman "le Bal des importants", Thierry Galineau imagine que les riches de la planète se réunissent grâce à un réseau social. Une politique fiction, certes, mais que l'auteur considère comme plausible.

Thierry Galineau

Thierry Galineau

Thierry Galineau, est diplômé des Mines de Paris, consultant en stratégie et en organisation d’entreprises au sein de plusieurs cabinets de conseil internationaux, de grands groupes industriels et des fonds d’investissement.

 

Il a été aussi co-fondateur et président d’une entreprise dans le secteur des hautes technologies cotées à la Bourse de Paris. Il dirige actuellement un cabinet de conseil.

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Atlantico : D’où vous est venue l’idée de ce livre ?

Thierry Galineau : Très simplement : en lisant les journaux… Car bien qu’elle soit largement imaginaire, j’ai le sentiment que cette histoire se déroule sous nos yeux. Au départ je suis parti d’un constat devenu banal : l’argent gouverne le monde, avec ses marchés financiers, ses fonds d’investissement, ses agences de  notation, ses lobbies, ses think-tanks, ses paradis fiscaux, et maintenant ses fondations philanthropiques plus riches que des états. L’argent règne, donc. Au-dessus des nations, de plus en plus affranchis des Etats, des lois, des fiscalités. Les riches sont de plus en plus riches, et dans le même temps, l’Occident s’enfonce dans la crise. Où mène cette pente ?

Dans Le Bal des Importants, cette pente mène à un passage à l’acte, celui d’une immense communauté de riches, réunis par un réseau social, baptisé « Triple-A », une sorte de Facebook de millionnaires, qui grandit, s’organise, devient progressivement une puissance politique et financière, et qui va franchir le pas et transgresser le dernier tabou : essayer d’acheter un pays. Ce thriller est l’histoire de ce « coming-out » de riches. D’une certaine façon, jusque-là l’argent gouvernait le monde sans le dire. Avec l’opération Sanctuaire, les cartes sont sur table, les masques tombent, au grand jour.

Pourquoi ce divorce ? Les pauvres et les riches sont-ils condamnés à cette sorte de ségrégation ?

Oui, on est en train d’assister au grand retour de la lutte des classes, mais à l’envers : ce n’est pas l’internationale prolétaire cette fois, mais les riches qui s’unissent au-dessus des frontières pour former une superpuissance politique.

Pourquoi les riches se lanceraient dans une telle aventure ?

Parce que même si tout va bien pour les riches, ils ne peuvent plus ignorer qu’ils dansent sur le pont du Titanic. Le Bal des Importants est un roman sur les relations de plus en plus complexes entre les riches, qui vont bien, et les démocraties occidentales, qui ne vont pas bien du tout. Certes les riches s’en sortent bien dans le marasme occidental. Ils sont de plus en plus riches : en Occident 1% de la population possède plus d’un tiers des richesses et cette proportion ne cesse de croître. Au niveau mondial, la concentration est beaucoup plus forte encore : un millième de la population possède un tiers des richesses. Aux États-Unis, depuis 30 ans, 4/5e de l’augmentation des revenus est allée à 1% de la population. A croire que les crises leur profitent : l’industrie du luxe n’a jamais été si prospère. Les riches vont bien, donc. La mondialisation leur permet d’accumuler du capital en payant le travail toujours moins cher.

Bon, mais il y quand même un problème : en même temps que des millions de travailleurs des pays émergents sortent de la pauvreté grâce à la mondialisation, des millions d’Occidentaux y entrent. Et l’opinion publique est en train de prendre conscience du découplage radical entre le sort des masses et celui des riches. L’image des riches en Occident se dégrade dangereusement : ils sont de plus en plus regardés comme les responsables et les profiteurs de la mondialisation et de la spéculation financière. Une tribune du magazine The Economist titrait il n’y a pas longtemps : « Mon conseil aux riches : planquez-vous ! ». On voit le mouvement des indignés et la colère qui montent…

Et ce désamour  est  réciproque : les riches aussi sont fâchés avec l’Occident. Ils ressentent cette hostilité populaire, ils déplorent que l’Occident soit en déclin et ils y investissent de moins en moins. D’autant qu’avec des finances publiques aussi malades, ils savent bien que la pression fiscale va s’intensifier sur eux.

Bref, comme le leur dit sans ménagement Adrian (le fondateur du réseau social Triple-A) les riches réalisent que l’Occident va les entrainer dans sa chute. Donc ils vont réagir. C’est le sujet de ce thriller.

Et les réseaux sociaux vont jouer un rôle capital dans cette nouvelle bataille ?

Incontestablement. La puissance en devenir des réseaux sociaux me fascine. Plus d’un milliard d’humains les utilisent déjà. On a vu encore récemment leur importance dans les révolutions du monde arabe. Et pourtant on n’en est qu’à la préhistoire des réseaux sociaux. Il y a quelques années j’avais été frappé par l’épisode de l’élection d’un président de Facebook. On disait souvent que si Facebook était une nation ce serait la 3e plus peuplée du monde, et puis il y a eu cette élection. Ça avait fait sourire à l’époque, l’affaire était retombée comme un soufflet, mais j’avais gardé en tête cette idée intrigante : et si un réseau social s’organisait et devenait une quasi nation virtuelle ? Et si les riches, grâce à un réseau social, devenaient une nation ?

Ce livre est-il une illusion irréalisable ou une fiction (comme le meilleur des mondes d’Aldous Huxley) ?

Je crois que si je ne pensais pas ce scénario possible, je n’aurais pas écrit ce livre. En fait, la question que je me suis posée en l’écrivant c’est : comment faire pour l’éviter ?

Il suffit d’ouvrir les journaux pour constater le pouvoir implacable des marchés financiers, des agences de notation, des lobbies financiers, les fondations philanthropiques plus riches que des États qui privatisent la sphère publique, les grands groupes mondiaux qui traitent d’égal à égal avec les Etats, tiennent sommet en même temps que les dirigeants du G20 et considèrent désormais les pays comme des biens sur un marché… Quelle est la prochaine étape ? L’opération Sanctuaire - ce duel entre l’argent et la démocratie (dont l’épicentre est l’Europe) - n’est pas si loin. C’est plus qu’un scénario plausible, c’est un mouvement en marche sous nos yeux. Et j’ai peut-être écrit ce roman pour en conjurer le risque. Pour qu’on soit prêt le cas échéant.

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