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Les politiques, des top-models comme les autres
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Zone franche

La politique gagnée par le placement de produit : le nettoyeur haute-pression ou la voiture de sport, c'est tout de même ceux qui s'en servent vraiment qui en parlent le mieux!

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Dans « La famille Jones », un film  de Derrick Borte (2009), une boîte de marketing implante des familles modèles dans les banlieues prospères des États-Unis, histoire d’influencer les comportements d’achats des indigènes.

Il faut dire qu’elle est top, la famille éponyme : Demi Moore, David Duchovny et leurs deux ados sont beaux, sportifs, brillants… Qui ne rêverait de leur ressembler, avec leurs superbes autos, leurs grosses télés à écran plasma, leurs équipements de golf, leurs vêtements de marque et leur sourire Ultra-Brite ?

Bon, le film démarre bien mais manque passablement de cynisme. Il finit même par se transformer en une bluette lénifiante, lorsque les deux personnages principaux réalisent à quel point tout ça est vain et prennent la poudre d’escampette à bord de leur Crossover Q5 Audi Hybrid Quattro. On aurait préféré qu’ils explosent au contraire leurs objectifs de vente et transforment leur quartier en succursale des Galeries Lafayette, mais Hollywood loupe souvent le coche lorsqu’il mélange satire sociale et romance…

Gérard D. et Élisabeth H. déjeunent en ville

De fait, j’avais moi-même eu une idée du même genre bien avant le réalisateur mais, m’en étant ouvert à quelques publicitaires de mon entourage, je n’avais récolté que des sarcasmes. Mon projet, installer des pipoles ― acteurs, chanteurs, stars de la télé ― à une table stratégique dans un grand restaurant et leur demander de passer tout le repas à évoquer à voix haute les qualités de leur montre, de leur four à micro-ondes ou de leur téléphone portable :

― Gérard Depardieu (enthousiaste) : Tu vois, depuis que j’ai le nouvel iPhone 4, je peux faire tous mes achats sur Amazon quand je veux et où je veux. Encore l’autre jour, j’ai téléchargé le dernier album de Nolwen Leroy pendant que je sirotais un Rémy Martin en attendant mon avion dans la Business lounge d’Air France… C’est dingue !

― Élisabeth Huppert (étonnée) : Tu veux dire qu’il est encore mieux que le 3GS, qui permettait déjà les achats en ligne ? Moi, de toute manière, je préfère acheter des CD au Virgin Mégastore des Champs-Elysées car les vendeurs y sont très compétents. Chaque fois que je déjeune chez Flora Danica, j’y fais un saut…

― Gérard Depardieu (ironique) : Tss, toi les nouvelles technologies, tu n’y comprends pas grand chose. Tu ne réponds jamais aux mails… C’était bien la peine de t’offrir ce Sony Vaio !

― Élisabeth Huppert (faussement agacée) : C’est parce que je préfère mon MacBook Air, enfin ! Et je te signale que j’étais sur Google Mail bien avant que tu ne saches te servir de ta WiiFit, alors hein…

Bah, moi, je reste persuadé que ça marcherait. Mais les pubeux n’aiment pas que les non-spécialistes aient des idées à leur place : je l’ai souvent vérifié en regardant MadMen sur mon écran HD Sony Bravia.

Rendre ses lettres de noblesse au clientélisme !

Pour autant, mieux que ces concepts gagne-petit (Gérard Depardieu demanderait certainement pas mal d’argent et, même s’il est vraisemblablement capable de faire sept ou huit repas par jour, son potentiel reste limité), l’affaire de la Porsche DSK vient de m’inspirer une nouvelle idée : le « placement naturel » de produit chez les politiques.

Car enfin, s’il est difficile de gober que l’illustre interprète des « Valseuses»  soit vraiment capable de tapoter sur l’écran tactile d’un iPhone avec ses gros doigts boudinés qui, mieux qu’un homme (ou une femme) politique, est par nature entièrement focalisé sur l’expression publique de « valeurs » et de « convictions » ?

Oui, un politique exsude littéralement l’adhésion et la fidélité à des principes. Il ne promeut pas un style de vie, il l’incarne. Et si la famille Jones est capable de convertir un quartier à telle ou telle pratique, c’est un pays tout entier que le politique peut transformer en client !

Hé quoi, le  « clientélisme », ça n'est pas une tradition déjà bien ancrée ?

Les communicants commencent d’ailleurs à s’en rendre compte et, là où Kärcher hésitait encore à développer ses ventes de nettoyeurs haute-pression en surfant sur la vague Sarkozy, Porsche n’hésite plus à détourner le récent trajet de DSK en Panamera. Demain, peut-être, Borloo vendra-t-il des liqueurs, Estrosi des motos, Hollande des plats cuisinés Weight Watchers, Mélenchon des soins dentaires, Wauquiez de l’assistance médicale, Lefebvre des fringues branchées (ah, il le fait déjà en fait) et Hulot du shampooing (ah ben lui aussi, il le fait déjà).

Et, ultime beauté du concept, quand le placement de produit au cinéma est simultanément dispendieux et inefficace, il n’est même pas nécessaire de les rémunérer, les politiques. Il suffit tout juste de les laisser vivre leur vie et de réagir au moment clé avec une campagne sur Twitter et Facebook dont un « community manager » boutonneux à 1 000 euros par mois s’occupera avec compétence et enthousiasme !

Oh pétard, vivement la présidentielle, que la consommation reparte !

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