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Il y a un niveau élevé de satisfaction et d'engagement au travail parmi les catégories de la fonction publique, notamment dans le domaine de l'enseignement.
Il y a un niveau élevé de satisfaction et d'engagement au travail parmi les catégories de la fonction publique, notamment dans le domaine de l'enseignement.
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Bien-être au travail

Le CEPREMAP vient de publier une étude qui mesure ce que chacun trouve comme satisfaction ou comme frustration selon la catégorie socioprofessionnelle à laquelle il appartient.

Mathieu Perona

Mathieu Perona

Mathieu Perona est Directeur exécutif de l’Observatoire du Bien-être du CEPREMAP (Centre pour la recherche économique et ses applications).

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Atlantico : Il semble que l’évolution des représentations des conditions d’exercice de certains métiers, conduisant à une réduction du surplus de satisfaction attaché à leur exercice ait accéléré ces dernières années. Comment expliquer ce phénomène et quels en sont les causes ?

Mathieu Perona : Le point de départ de cette situation est que, selon les enquêtes menées jusqu'en 2019 au moins, on constate un niveau élevé de satisfaction et d'engagement au travail parmi les catégories de la fonction publique, notamment dans le domaine de l'enseignement. Cependant, les mesures mises en place depuis lors semblent avoir été insuffisantes. En particulier, le baromètre du bien-être des enseignants révèle des niveaux beaucoup plus bas de satisfaction, ce qui crée un écart significatif entre les deux périodes. Il est donc naturel de supposer qu'il s'est passé quelque chose entre-temps, et il est fort probable que cela soit dû à la pandémie de COVID-19.

Cependant, il est difficile de distinguer complètement les autres facteurs, tels que la réforme du baccalauréat ou le recours croissant à des enseignants contractuels. Ce sont davantage des éléments qui ont contribué à une situation déjà délicate. En réalité, depuis des années, il existe des pratiques de supervision et de gestion dans la fonction publique qui ont tendance à sous-estimer le travail des enseignants. Leur rémunération réelle a connu une baisse à long terme, sur une période d'environ 20 ans, dans l'indifférence générale. Un discours sur la prétendue rigidité des enseignants a été propagé, ajoutant des tâches supplémentaires sans aucune compensation.

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Il existe également des facteurs conjoncturels, comme le fait d'avoir laissé les enseignants sans équipement de protection face aux élèves pendant la crise du COVID-19, malgré les promesses faites par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle selon lesquelles chaque classe serait équipée d'un purificateur d'air. Six mois après son élection, ces purificateurs ne sont jamais arrivés.

En résumé, un ensemble de facteurs a pu contribuer à l'accélération du sentiment de dévalorisation de la profession, non seulement dans la société en général, mais plus spécifiquement de la part de l'employeur lui-même, à savoir l'État.

Comment s'articule satisfaction au travail et satisfaction dans la vie ?

Pour de nombreuses professions, les deux aspects sont assez similaires. Si l'on examine les graphiques croisés, on constate une certaine cohérence, c'est-à-dire que les données sont généralement réparties autour de la diagonale. Cependant, il y a quelques professions où l'écart est assez marquant. Par exemple, les artisans affichent une satisfaction de vie moyenne, mais sont très satisfaits de leur travail. En revanche, les ouvriers se situent systématiquement en dessous de la diagonale. Une autre situation notable concerne les employés de la fonction publique, qui affichent une satisfaction de vie relativement basse, mais une satisfaction au travail plus élevée par rapport aux employés du secteur privé.

Quelles sont les professions les plus touchées par cette baisse de satisfaction, y a-t-il une différence entre le secteur public et privé ?

Si l'on examine les données en référence aux employés du secteur privé, on constate que les professions qui se situent en dessous de la moyenne sont toutes des professions du secteur privé, telles que les employés de commerce, les vendeuses, les caissières, etc. Il est documenté que les conditions d'exercice de ces métiers deviennent de plus en plus difficiles, tant en termes d'organisation du travail, de pression et de performance, que dans les relations avec la clientèle qui se détériorent.

D'autre part, il y a le monde ouvrier, notamment les ouvriers non qualifiés et les ouvriers industriels. Ils sont confrontés à de nombreux facteurs de pénibilité, ce qui entraîne un sentiment de perte de leur travail et de leur dignité.

À l’inverse, ou est-ce que la satisfaction est la plus haute et pourquoi ? 

Lorsque l'on neutralise l'effet du revenu, on observe une satisfaction élevée dans trois principaux blocs, voire quatre si l'on souhaite affiner davantage. Tout d'abord, il y a les cadres de la fonction publique, c'est-à-dire les catégories A, comprenant notamment les cadres et les enseignants du secondaire (professeurs des écoles). On peut penser que cela est lié au fait que ces professions sont marquées par l'idée de faire un métier ayant du sens et étant au service de l'intérêt commun.

Ensuite, on trouve les artistes et les journalistes. Ce sont des métiers traditionnellement associés à des vocations et les professions libérales qui bénéficient à la fois d'un niveau de revenu satisfaisant, mais également d'une considération sociale élevée. Les médecins et les avocats, par exemple, sont des figures notables qui jouissent d'une certaine autonomie et dont le développement des compétences est essentiel pour leur satisfaction au travail.

Ces catégories mettent en évidence le rôle crucial de l'autonomie et du développement des compétences dans la satisfaction professionnelle, en plus du niveau de revenu.

Est-ce que la donnée monétaire a un impact sur la satisfaction des salariés au travail ? 

Si vous examinez le deuxième graphique de la note, représenté par la courbe grise, vous remarquerez qu'elle est légèrement courbée. Cela signifie que plus vous augmentez le salaire, moins cela a d'impact sur la satisfaction au travail. En d'autres termes, il y a une diminution de rendement marginal pour chaque supplément de salaire. Pour illustrer cela, prenons l'exemple d'une augmentation de salaire de 10%. Pour un ouvrier rémunéré au salaire minimum, cette augmentation (de 170 € / mois) se traduirait par une augmentation de 0,044 point de satisfaction dans leur vie. Cependant, pour un ingénieur en entreprise, il faudrait plus du double de cette augmentation (400 € /mois pour un salaire net de 4 000 €) pour obtenir la même augmentation de satisfaction. Ainsi, on constate que la même augmentation salariale n'a pas le même impact sur la satisfaction au travail en fonction du niveau de rémunération initial.

Outre la donnée du salaire, quels sont les autres facteurs qui influent sur la satisfaction au travail ?

Je peux vous recommander l'ouvrage de Claudia Senik intitulé "Bien-être au travail" pour une référence sur ce sujet. Selon cet ouvrage, les principaux facteurs contribuant au bien-être au travail sont l'autonomie, c'est-à-dire la capacité d'organiser son propre travail, ce qui explique en grande partie la plus grande satisfaction au travail des professions libérales, des cadres et des enseignants qui conservent une certaine liberté pédagogique. Un autre facteur important est le développement des compétences, où encore une fois les cadres et les enseignants sont favorisés car cela fait normalement partie intégrante de leur métier. La reconnaissance individuelle et sociale du travail est également un élément clé, avec la reconnaissance des pairs et de la hiérarchie ainsi que la reconnaissance sociale de l'utilité du travail pour la collectivité.

Il est important de souligner que ce supplément de satisfaction observé dans la fonction publique est lié à des éléments qui ont été fragilisés ces dernières années. Il est donc possible que cela s'amenuise rapidement, voire disparaisse, ce qui pourrait entraîner des crises profondes de recrutement dans de nombreuses fonctions du service public, comme on peut le constater dans l'enseignement ou dans les professions de la santé et du soin.

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