Plus de reconfinement en vue : le gouvernement fait-il montre d’une bouffée d’optimisme exagérée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Olivier Véran Jean Castex reconfinement stratégie contre la Covid-19 Zéro Covid
Olivier Véran Jean Castex reconfinement stratégie contre la Covid-19 Zéro Covid
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

SOS #ZéroCovid

Le gouvernement se félicite du "pari réussi" d’Emmanuel Macron de ne pas reconfiner le pays. Selon Olivier Véran, "il est évidemment possible qu'on ne soit jamais reconfinés". La France pourra-t-elle sortir de l'épidémie sans opter pour une stratégie Zéro Covid ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico.fr : Le gouvernement salue à l’unanimité le "pari réussi" d’Emmanuel Macron de ne pas reconfiner. Selon Olivier Véran, la France pourrait ne jamais devoir se reconfiner. Au vu des chiffres qui restent élevés, est-ce un excès d’optimisme mal placé ?

Antoine Flahault : A l’université de Genève, nous avons mis en place un dashboard pour suivre l’évolution épidémique dans 209 pays mais on ne prédit pas au-delà de sept jours. Donc je ne me permettrai pas de porter un jugement sur la situation telle qu’elle pourrait évoluer parce que l’on pense que personne n’est capable de prédire au-delà de ce délai. Ce que je peux dire c’est qu’en France, l’épidémie est en plateau élevé depuis début décembre. Cela ne régresse pas mais cela ne monte pas non plus. La question est de savoir si l’on vit avec cette situation qui n’engorge pas totalement les hôpitaux mais qui est associée à une forte mortalité quotidienne et de nombreux patients en réanimation. Le nombre de cas, même s’il n’augmente pas exponentiellement finit par saturer les hôpitaux. Donc il faut savoir si le pari que cela n’augmente pas est suffisant et satisfaisant. C’’est au pouvoir politique de le décider. Sur le plan épidémiologique, on ne peut pas dire que la situation flambe. Et jusqu’à présent la seule façon de réagir des Européens a été de le faire dans l’urgence. Et pour l’instant, en effet, il n’y en a pas. Il n’y a pas de courbe exponentielle qui amènerait immédiatement à la saturation des hôpitaux. Quand Boris Johnson, par exemple a reconfiné le Royaume-Uni c’était après un mois de taux de reproduction supérieur à 1.2. En France, il est autour de 1. Mais il semble que ce taux de reproduction soit lié à deux tendances. L’une au-dessous de 1 concernant les « anciennes » souches et une au-dessus de 1 pour la partie « nouvelles » souches. Il est possible que si le nouveau variant prend plus de place dans l’épidémiologie française alors il soit associé à une plus forte pression sur le système.

Des mesures qui s’inscriraient dans une dynamique de suppression virale, de Zéro Covid, sont-elles possibles sans confinement ?

On ne peut pas parler de stratégie Zéro Covid lorsqu’il y a 20.000 cas par jour. Il y a déjà des mesures de confinement, il y en a beaucoup. Certaines d’entre elles auraient pu être suffisantes dans un grand nombre de situations que nous avons connues jusqu’à présent avec les anciens variants mais qui semblent ne pas être suffisantes pour contrôler les nouveaux variants. Depuis décembre, nous n’avons pas de mesures suffisantes pour faire substantiellement baisser la circulation du virus. Il faut donc des mesures complémentaires. Ce n’est pas au niveau des gestes barrières, on ne peut pas reprocher aux Français de ne pas les appliquer. C’est peut-être en renforçant davantage le télétravail, en confinant ou en fermant les écoles que cela sera possible. C’est l’un des derniers foyers de circulation intense du virus. Si on veut reprendre la main et ne pas avoir de circulation du Covid il faut appliquer des mesures. Ce n’est qu’une fois que la circulation est faible que l’on peut prendre des mesures, non-confinantes, qui permettent de garder la main. C’est ce que font les Asiatiques et les pays du Pacifique. Le dépister et tracer est beaucoup plus agressif pour casser les chaînes de contamination. Le contrôle sanitaire aux frontières, l’isolement et les quarantaines sont beaucoup plus rigoureux. L’utilisation des traces digitales est aussi beaucoup plus intrusive.

Est-il possible de sortir de l’épidémie sans opter pour une stratégie Zéro Covid ? Quels sont les risques d’un tel choix ?

La question est difficile à partir du moment où nous ne sommes pas capables de prédire l'évolution. Peut-être qu'au mois de juin dernier, j'aurais dit qu'après l'été on aurait une chance que cela ne revienne pas, et puis c'est revenu. Donc aujourd'hui, je suis incapable de savoir si de nouveaux variants vont émerger et nous compliquer la vie. Si ces nouveaux variants sont des épidémies dans l'épidémie et que l'immunité même d'un ancien Covid ne nous protège pas, alors on n'en a pas terminé.

Dans ce cadre-là, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine ou Taïwan sont des pays dont la stratégie Zéro Covid a résisté à la fois à l'épreuve de la vague hivernale et des nouveaux variants. J'ai l'impression que c'est la stratégie gagnante qu'il convient, au minimum, de regarder de près.

Savez-vous si cette stratégie du Zéro Covid est beaucoup défendue par les scientifiques, notamment parmi ceux du Conseil scientifique ?

Je n'ai pas entendu parler de cette stratégie du côté du Conseil scientifique français. Je pense que les Allemands l'ont davantage défendue. En revanche, de nombreux épidémiologistes du Conseil scientifique plaident pour un reconfinement et évoquent les risques élevés de résurgence.

La stratégie Zéro Covid donne une perspective à ce reconfinement. Ce n'est pas confiner pour reconfiner, c'est dire comment on fait pour en sortir durablement. Cette stratégie Zéro Covid fait du chemin en Europe. Les choses pourraient se jouer dans les prochaines semaines lorsque des pays comme le Danemark, l'Irlande, le Portugal, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Finlande vont être dans une situation décrue suffisante pour se demander : est-ce qu'on applique une stratégie Zéro Covid ou est-ce qu'on repart comme l'été dernier ? En juin dernier, on s'est retrouvé dans l'ensemble de l'Europe dans une décrue très prononcée et on n'a pas choisi la stratégie Zéro Covid (qui n'était d’ailleurs pas autant théorisée à l'époque). Il y avait encore un espoir que l'épidémie ne reparte pas et on n'était pas encore certain qu'il y ait une seconde vague. Aujourd'hui avec les variants, on n'est pas sûr que la vaccination règle le problème. Car si la vaccination réglait complétement la crise, on n'aurait pas besoin du Zéro Covid et du reconfinement. On pourrait juste courber l'échine et attendre que ça passe. 

Est-on dans une stratégie de stop and go dans laquelle on ne veut plus faire de vrai stop (avec un confinement) ?

On est dans une stratégie de stop and go à partir du moment où l'on décide de ne reconfiner le pays que lorsqu'on est en phase exponentielle inquiétante et qu’on s’accommode d’une phase de plateau trop élevé.

C'est un stop and go compliqué car on n'est pas un "go" total. Nous ne sommes pas encore totalement déconfinés. De très lourdes mesures pèsent encore sur les libertés des Français et sur l'activité économique. On peut être inquiet car malgré ces mesures très fortes, la situation n'est pas sous contrôle.

Soit la situation va rester telle quelle pendant plusieurs semaines, et si ça n'évolue pas, qu'est-ce qu'on fait ? Soit la situation empire et on arrivera à un reconfinement. Soit elle va s'améliorer et le pari aura été gagné. C'est un pari très risqué.

"Macron s’est tellement intéressé au Covid qu’il peut challenger les scientifiques, poser la question qui les déstabilise", a glissé un conseiller du pouvoir en off à France Inter. Macron a-t-il choisi de se passer définitivement de l’avis de la communauté scientifique ?

Les scientifiques font des analyses fondées sur leurs recherches. Aucun n'est capable de prédire à long-terme la situation mais ils peuvent élaborer des scénarios aidant à anticiper.

Les politiques européennes sont le plus souvent fondées sur les données scientifiques du moment. Qu'Emmanuel Macron ait aujourd'hui une meilleure compréhension de l'épidémiologie, cela me paraît évident. Comme tous les Français à l'occasion de cette crise.

Cela étant, chacun reste dans son rôle. Le politique n'a pas que des éléments d'ordre scientifique à sa disposition. Il doit aussi tenir compte du contexte social et économique et du moral des Français. Est-ce qu'un fossé s'est creusé entre les scientifiques et les politiques en ce moment ? Il est en tout cas certain que ce n'est pas la période où les scientifiques et les politiques sont le plus main dans la main.

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