PLF 2022 : Un budget de proclamations instables<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s'exprime à l'Assemblée nationale lors d'un débat dans le cadre du PLFR, le 17 avril 2020.
Le ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s'exprime à l'Assemblée nationale lors d'un débat dans le cadre du PLFR, le 17 avril 2020.
©THOMAS COEX / POOL / AFP

Exercice délicat

Les députés ont voté en première lecture la première partie du projet de loi de finances. Le PLF 2022 s'avère être un exercice de proclamations instables au regard de l'impact économique de la crise sanitaire et des annonces liées à la campagne présidentielle.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Le PLF, projet de Loi de finances, pour 2022 est un exercice délicat car l'impact de la crise du Covid-19 a lourdement modifié la trajectoire des finances publiques. Tout ceci relève de l'évidence.

Pour délicate que soit par conséquent l'élaboration de ce PLF, la bonne foi du lecteur indépendant conduit à constater que ce PLF 2022 est un exercice de proclamations instables plus qu'un travail crédible et réaliste.

Ce PLF 2022 a fait l'objet d'une innovation : jamais le HCFP ( Haut Conseil des Finances Publiques ) n'avait refusé de statuer sur le niveau de déficit affiché par le Gouvernement à – 4,8% du PIB.

Ce refus de cautionner le déficit provient, aux dires mêmes de l'avis du 17 Septembre 2021 du HCFP de l'incertitude qui entoure le chiffrage de mesures à venir. En clair, le Haut Conseil n'apprécie pas l'avalanche de mesures à visée électoraliste que l'Exécutif ne cesse d'annoncer.

Au moment de sa saisine, le HCFP ignorait le montant du revenu d'engagement ( désormais évalué à 500 millions d'€uros ) et le coût du grand plan d'investissement. ( plusieurs milliards selon des sources gouvernementales contradictoires ).

Ce type de désinvolture à l'égard des personnes qualifiées et nommées aux fins de statuer sur la plausibilité du scénario budgétaire est indigne d'une démocratie majeure. Trop de remises tardives des documents – ce dont le président Moscovici s'est plaint – et trop de flou ne sont pas des atouts pour le déroulé du futur budget.

D'autant que les dépenses pré-électorales continuent à s'empiler à chaque prise de parole du candidat virtuel qu'est ostensiblement Emmanuel Macron.

En-dehors de toute considération partisane, je reconnais bien volontiers que Valérie Pécresse, ancienne ministre du Budget de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, a eu le mot juste : " E Macron crame la caisse ! ".

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A cet égard, il va y avoir des tassements de recettes fiscales avec le plan énergie : chèque ou baisse de taxes sur l'essence, peu importe, cela sera autant de moins dans l'équation budgétaire. Ainsi, rappelons qu'un seul centime de baisse des taxes sur les produits pétroliers représente près de 500 millions d'€uros.

Le " bouclier " annoncé par Jean Castex en matière de gaz et d'électricité conduira le pays à honorer le différentiel avec les prix internationaux proposés à la France.

Au total, selon une étude conduite par Oxford Economics, le déficit serait ( sera au minimum ) de - 6,3% en 2022.

Cette différence de 1,5% du PIB représente une somme voisine de 34 Mds soit près de la moitié des rentrées fiscales issues de l'Impôt sur le revenu.

Autrement dit, du fait des louvoiements du pré-candidat Macron, la France creuse son déficit et donc sa dette à une allure et à une intensité éloignées de la rectitude requise en matière de finances publiques.

Sachant que la dette n'est rien d'autre que l'impôt de demain ( comme l'avait démontré David Ricardo dès 1810 ), nous n'aurons pas fini de connaître par cœur le goût amer des années de ce quinquennat qui a dérapé bien avant la crise hors-norme du Covid.

Auditionné par la Commission des Finances du Sénat, Pierre Moscovici a rappelé qu'il considérait qu'en cas de dérapage du déficit, il conviendrait que le HCFP soit à nouveau saisi.

Voilà un mystère car manifestement le trio Dussopt, Le Maire et Macron n'a pas retenu cette éventualité en violation des textes fondateurs du HCFP.

Pour conclure, il me semble opportun d'examiner les rentrées de TVA.

L'exemple de l'automobile qui souffre des hésitations d'achats tout autant que des manques de semi-conducteurs voient son chiffre d'affaires annuels en net recul : 23% pour les voitures neuves.

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Par ailleurs la crise de la logistique maritime accentue les pénuries dans de nombreux secteurs et induit une inflation dont nul ne peut affirmer mordicus qu'elle sera temporaire.

Le FMI vient d'abaisser, certes faiblement, le niveau anticipé de croissance en zone €uro et il est permis de doute des 6,3% affichés par le Gouvernement et repris par la Banque de France.

Ainsi, il est loin d'être irréaliste d'affirmer que la croissance au dernier trimestre ( T4 ) sera moindre que prévue ce qui nous fera démarrer l'exercice budgétaire 2022 avec un handicap.

Le Sénateur de l'Oise Jérôme Basher, membre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a ouvertement indiqué ( lors de l'audition Moscovici ) qu'il considérait ce budget insincère.

Comme il l'a indiqué, ultérieurement par écrit, le budget est insincère " lato sensu " et non pas " stricto sensu " . En effet, une exécution budgétaire peut être juridiquement insincère tandis qu'un PROJET de loi de finances ne peut qu'être qualifié d'irréaliste.

Plus précisément, l'électoralisme débridé du Chef de l'État rend ce PLF pour partie parcellaire, donc caduc et pour partie mensonger par dissimulation de la réalité exhaustive des dépenses.

Un point est donc acquis : il y aura avant l'été 2022 un PLFR ( rectificatif ) tant le PLF 2022 et ses fondements ne résisteront pas à six mois de calendrier électoral.

" La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur. " Albert Camus, La Chute.

Chaque objet ? Même un bulletin de vote ?  L'Histoire le dira tandis que les chiffres continueront à bouillonner dans le chaudron où se confectionnent nos feuilles d'impôts.

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