PLF 2018 : pourquoi Bruxelles ne croit pas du tout qu’Emmanuel Macron soit en voie de vaincre l’addiction française à la dépense publique <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
PLF 2018 : pourquoi Bruxelles ne croit pas du tout qu’Emmanuel Macron soit en voie de vaincre l’addiction française à la dépense publique
©Dimitar DILKOFF / AFP

Méfiance

Depuis son élection, Emmanuel Macron a fait le maximum pour tenter d'améliorer les comptes publics.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

Voir la bio »

Lui d'habitude si habile l'a parfois fait dans des conditions politiquement déplorables. Ainsi, l'opinion demeure marquée par le départ du Général de Villiers ( pour moins de 800 millions de désaccord sur un budget de 32 milliards ) et par l'histoire " croquignolesque " de la baisse de 5 euros des APL à répercuter sur les bailleurs.

Le budget a été adopté hier, en première lecture, à l'Assemblée nationale et il devrait permettre de tenir le seuil des 3% du déficit rapporté au PIB.

Donc, mer d'huile, navigation tranquille et cap droit devant ?

Hélas non, tant le Haut-Conseil des Finances publiques que des informations provenant de Bruxelles démontrent que la trajectoire budgétaire française est imparfaite.

Selon plusieurs sources, il serait difficile d'extirper la France de sa position d'infraction pour cause de déficit excessif selon les termes de la Commission européenne.

L'avis du HCFP 2017-6 du 10 novembre dernier est limpide : l'hypothèse de voir la France être en mesure de présenter un déficit budgétaire à hauteur de 2,9% provient essentiellement de la croissance des recettes fiscales. Autrement dit, le milliard d'euros additionnel de TVA et les quelques centaines de millions de rendement accru de l'impôt sur les sociétés représenteront les deux bouées d'un exercice instable.

D'ailleurs, le Haut-Conseil est affirmatif : " L'ajustement structurel, c'est-à-dire la variation du solde structurel, s'établirait en 2017 à 0,3 point de PIB contre 0,2 point en PLF 2018. Il n'est pas conforme aux règles du Pacte budgétaire européen, qui prévoient un ajustement supérieur à 0,5 point de PIB. "

C'est précisément ce point qui filtre du bureau du Commissaire Moscovici dont il n'est toutefois jamais inutile de rappeler la responsabilité dans le matraquage fiscal du début du quinquennat de François Hollande, lequel Hollande " savait " pour Thomas Thévenoud et ses démêlés avec le fisc avant qu'il ne rejoigne le Gouvernement…

Manifestement cette gauche-là, loin de la rectitude de Mendès-France, adore l'impôt mais pour les autres !

Le HCFP ajoute un peu plus loin dans son avis : " Le chemin à parcourir pour ramener le solde structurel à l'objectif de moyen terme reste important ".

La France va mieux grâce à l'embellie économique qui parcourt l'ensemble du Continent européen. Rien de plus. Rien de mieux.

Tous les analystes concluent sur une tendance haussière de notre dette ce qui est la meilleure preuve du caractère fragile de notre posture.

Pour le HCFP, " Le ratio de la dette publique a progressé de 32 points de PIB au cours des neuf dernières années, passant de 64,3% du PIB en 2007 à 96,3% en 2016. "

Le Haut-Conseil précise que " cette augmentation s'explique pour une grande partie par l'accumulation de déficits primaires et par l'effet boule de neige provenant de la différence entre le taux d'intérêt apparent sur la dette publique et le taux de croissance nominale ". Le chiffre de 97% de dette est hélas devant nous.

Il est probablement regrettable que le HCFP n'ait pas investigué davantage et ainsi souligné le rôle-clef de l'Agence France Trésor qui a pour mission de lever, cette année, dans les meilleures conditions, près de 190 milliards d'euros. Or, de ce côté-là, il y a eu des avancées techniques significatives.

En période de reprise, la France a une propension à importer qui est encore ravivée. Avec un déficit du commerce extérieur qui est passé de 48 mds en 2016 à plus de 62 mds estimés pour 2017.

Notre pays est dans une situation très tendue puisque nos exportations en volume progressent moins que nos importations stimulées par la demande intérieure.

Cet effet de ciseaux entre les bénéfices de la croissance ( emploi, marges, finances publiques ) et son aspect négatif sur le solde extérieur prouve que notre appareil de production répond avec difficultés à la demande à la fois en termes quantitatifs et aussi en termes qualitatifs.

Le pays achète ce dont les Français ont besoin et trop peu de " made in France ".

A ce sujet, il est sincèrement dommage que le HCFP n'ait pas estimé opportun de dédier plus d'analyse au commerce extérieur et se soit contenté d'un constat trop statique : " Au vu des trois premiers trimestres, la contribution des échanges extérieurs paraît plus défavorable que dans la prévision du Gouvernement, et l'activité davantage portée par la demande intérieure ".

Ainsi, je ne partage pas la vision du commerce extérieur que retient, en annexe 1 ( " Scénario macroéconomique associé au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017 " ) le HCFP et l'Etat.

Depuis les Douanes à la Coface, bien des acteurs terrains savent que le chiffre de freinage des importations ( de 4,2% à 3,6% ) et " en même temps " d'essor des exportations ( de 1,8% à 2,5% en 2017 ) est une chimère.

Pendant que le HCFP développe un argumentaire partiellement à œillères, il convient ici de citer une étude – du mois dernier - de la Commission européenne qui conclut que la France sortira de l'année 2017 avec une balance commerciale dégradée et un déficit de 2,9% en 2017 préalable à un déficit budgétaire de 3,1% en 2018.

Certains y verront la conséquence de l'effacement de certaines recettes fiscales ( PFU, IFI, etc ) d'autres relativiseront ce chiffre supérieur à 3% de déficit car cette prévision de la Commission n'a pas intégré la dynamique de la croissance.

Ainsi, il est retenu le chiffre de 1,7% pour 2018 qui sera – espérons-le - favorablement démenti par les faits comme l'estime à raison la députée Amélie de Montchalin ( " whip " de la Commission des finances ) qui milite de surcroit activement pour une véritable évaluation des politiques publiques conformément à l'article 24 de la Constitution modifié, en 2008, sous la présidence Sarkozy.

On l'a compris, seules les recettes fiscales accrues issues de la croissance sont notre planche de salut. C'est évidemment bon à prendre et laisse à la France un peu de temps pour réaliser des réformes structurelles.

Et du temps, chacun sait que le tandem Sapin et Eckert en aura eu pendant l'incroyable alignement des planètes ( parité euro, taux d'intérêt bas, prix du pétrole ).

Dans les agences de notation, le scepticisme est revenu autour de la France car notre addiction à la dépense publique est probablement plus tenace que ne le pensait, il y a quelques semaines, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Une certitude : le " dialogue " avec la Commission européenne va être tendu…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !