Plan logement : quelques annonces et des grands flous <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Plan logement : quelques annonces et des grands flous
©Reuters

Avenir

Le domaine du logement n’a pas été un élément central du débat politique lors des élections d’avril à juin, mais quelques annonces ont déjà été faites.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

Voir la bio »

Alors que les orientations du Président et du gouvernement dans le champ de l’emploi et du travail ont fait l’objet d’une présentation structurée cohérente avec les propos tenus lors du débat électoral, on a plutôt droit à des touches successives dans le domaine du logement qui n’a de fait pas été un élément central du débat politique lors des élections d’avril à juin.

La stratégie logement de l’exécutif doit être présentée le vendredi 22 septembre (9 jours après la date initiale du 13 septembre repoussée notamment en lien avec l’ouragan Irma) mais il y a de fait des annonces multiples du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de la cohésion des territoires Jacques Mézard, de son secrétaire d’Etat Julien Denormandie ou bien du ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin.

On se propose ici de regarder ces annonces notamment au regard des quatre piliers traditionnels des politiques du logement en France : les aides à la personne (APL), le logement social, la résidence principale et le secteur locatif privé. Cela est d’importance puisque le logement est un secteur du long terme, avec une dimension cyclique de sa partie investissement qui représente en moyenne 6 % du PIB, et qu’il constitue à juste titre une préoccupation majeur des ménages français.

La baisse des aides à la personne

C’est clairement le sujet chaud. Le feu a été ouvert dès fin juillet avec la décision d’une baisse de 5€ des allocations logement. Cette solvabilisation publique des locataires (« aides à la personne » représentant le quart des loyers quittancés) représente la moitié des dépenses publiques au logement (40mds€ et 2 % du PIB), constitue le segment de dépense qui augmente le plus et est de fait devenue la principale prestation sociale française.

La demande adressée le 5 septembre d’Emmanuel Macron à tous les bailleurs de baisser leurs loyers a provoqué des commentaires outrés de la quasi-totalité des fédérations professionnelles, qu’ils soient privés (UNPI, FNAIM) ou sociaux (USH). Le gouvernement a ensuite décidé de se concentrer sur le secteur du logement social, mais en voulant organiser une compensation d’une baisse encore plus importante des APL par la baisse à due proportion des loyers comme l’a indiqué le Premier ministre sur France 2 le 13 septembre : « il n'y aura aucun impact pour ceux qui sont dans le logement social » a-t-il promis, avec les réactions qu’on imagine de la part des représentants des bailleurs sociaux en dépit de compensations promises par le gouvernement.

Secteur du logement social

La réflexion sur la baisse des APL est clairement l’annonce la plus spectaculaire et aussi la plus inédite de l’exécutif concernant le secteur du logement social. Ici il faut rappeler que ce secteur très important (près de 5 millions de logements représentant 18 % du parc total, 44 % des logements locatifs) est depuis longtemps un secteur « à la main de l’Etat » qui lui a fait porté les objectifs les plus divers : promotion de la mixité sociale, traitement de la pauvreté et de l’exclusion, hébergement et logement d’urgence, efficience énergétique, investissement contracyclique, relance de l’activité et de l’emploi dans le secteur de la construction…

Le débat chaud et inédit sur la baisse à court terme des loyers (quelque peu différent d’un objectif selon moi très louable d’une ambition de moyen terme portant sur un logement pas cher pour tous) fait passer dans l’ombre d’autres orientations importantes de l’exécutif sur le secteur du logement social. D’abord l’abandon de fait de l’ambition productiviste qui marquait le secteur depuis le passage de Jean-Louis Borloo au ministère du logement (cf. les 150 000 logements sociaux à produire du programme de François Hollande en 2012) : il est difficile de demander aux mêmes bailleurs sociaux de baisser leurs loyers tout en maintenant une ambition productive importante…Ensuite le recentrage du logement social « sur l’accueil des ménages défavorisés », soit l’évolution vers un modèle « résiduel » et le « logement d’abord » incarnée par exemple par les propos d’Emmanuel Macron le 11 septembre à Toulouse (production de 40 000 logements très sociaux par an sur tout le quinquennat, 40 000 places supplémentaires en intermédiation locative et 10 000 places supplémentaires en pension de famille…). En revanche et selon Jacques Mézard, le gouvernement n’envisage de modifier qu’à la marge la loi SRU (obligation des communes sur le stock de logements sociaux).

Accession à la propriété de la résidence principale  et investissement locatif privé

Le dispositif est complété par la volonté – regardée avec au moins de la méfiance par les professionnels de la construction – de recentrer (en français réduire) les deux dispositifs pour le secteur privés que sont le prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession à la propriété et le dispositif Pinel pour l’investissement locatif privé. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, a indiqué la concentration de ce dispositif sur les grandes métropoles.

Ces orientations posent une double question. D’abord celle de la politique fiscale du gouvernement concernant le logement et l’immobilier, pour lequel Emmanuel Macron avait annoncé la couleur pendant la campagne avec ses propos sur la « rente immobilière » et sa concentration de l’ISF sur l’immobilier via la transformation de l’ISF en « impôt sur la fortune immobilière » (IFI). Un point d’attention ici est le respect du « droit au rendement » des investisseurs qui sans cadre stable et avec des rendements insuffisants peuvent tout simplement décider d’arrêter d’investir voire liquider leurs actifs.

L’autre est celle des territoires. Les actions envisagées semblent se concentrer fortement sur les métropoles et les zones tendues dans lesquels il faut accélérer la production et baisser les prix via un désarmement normatif et la préservation des programmes de renouvellement urbain. Concernant « la France périphérique » - qui n’a pas nécessairement de problème de logement… mais souvent tous les autres -, Jacques Mézard a seulement mentionné la mise en place d’une agence de la cohésion des territoires tournée vers les territoires ruraux.

Voilà de ce que l’on peut dire à date des orientations gouvernementales sur le logement.

Affaire à suivre et rendez-vous le 22 pour la présentation de l’approche globale.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !