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Le tâche du Premier ministre s'annonce difficile.
Le tâche du Premier ministre s'annonce difficile.
©Reuters

A quelques milliards près

Le tâche du Premier ministre s'annonce difficile, car il va devoir composer avec l'Europe - donc l'Allemagne - tout en s'efforçant de réduire nos dépenses. Dans cet objectif, les 50 milliards d'euros d'économies sont insuffisants.

Gérard Lignac

Gérard Lignac

Sciences Po, Droit, MBA Harvard, Gérard Lignac a d'abord fait carrière dans l'industrie, puis dans la presse comme Président de l'Est Républicain et Président du groupe EBRA.

Il est également actionnaire d'Atlantico.

Il a écrit La mondialisation pour une juste concurrence (Unicom, 2009).

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Il paraît courageux, et semble vouloir s’attaquer aux problèmes plutôt que de chercher avant tout à gagner et conserver un poste. Ceci dit, il est politique, il a été choisi par un Président, il repose sur une majorité à l’Assemblée nationale, il agit dans le cadre de règles fixées par 15 ou 27 pays européens ; il devra donc largement composer avec les uns et les autres. Cela peut lui rendre difficile d’atteindre un objectif déjà ardu en lui-même, qui consiste à relancer l’économie, tout en réduisant les frais généraux de la nation.

Pour mémoire, dans l’état où se trouve la France actuelle, il lui faudra, nous semble-t-il, agir sur deux plans, celui de la France dans l’Europe et celui de la France dans le monde.

Restaurer la compétitivité de la France se conçoit surtout sur le plan européen, et pour simplifier disons vis-à-vis de l’Allemagne. La tâche assignée au gouvernement est de réduire les frais généraux du pays qui pèsent sur les entreprises comme sur les contribuables. À travers le pacte dit de Solidarité, le Président a fixé l’objectif de 50 milliards d’euros.

Cet objectif est-il suffisant ? Si l’on considère le poids de la fonction publique en France et en Allemagne par rapport aux PIB, l’écart en faveur de l’Allemagne est de 8 %, soit 160 milliards à l’échelle française. L’objectif Hollande ne représenterait que le tiers du chemin à parcourir. En réalité, la part des activités manufacturières s’étant déjà anormalement réduite dans notre pays, ce chiffre doit être revu à la baisse, par exemple aux environs de 100 milliards. L’objectif de 50 reste donc néanmoins trop faible et, à l’image de ce qui a été fait au Canada ou en Allemagne, une action plus rigoureuse encore serait nécessaire.

Quelle que soit la méthode employée, on l’espère non pas globale, donc aveugle, mais résultant d’une mise à jour faite sur la base de l’utilité effective de chaque organisme étatique. À la mesure de sa vigueur, la réduction des dépenses publiques aura un effet déflationniste, entraînant une contraction à peu près identique à la demande. Nous sommes donc loin de l’objectif de relance de l’économie également important, socialement comme économiquement.

Il convient donc de prévoir parallèlement des mesures de relance. Le recours à une monétarisation par l’institut d’émission, en l’occurrence la BCE, va s’avérer indispensable et doit être préalablement préparé. Le Président Draghi s’étant dit prêt à "faire ce qu’il faudra", un tel accord, contrepartie du plan de Solidarité, ne paraît pas hors de portée.

Un deuxième volet de l’action gouvernementale consiste à rétablir les conditions d’une concurrence réelle avec les pays en développement. Si, en effet, restaurer la compétitivité française vis-à-vis de l’Allemagne et des autres pays à salaires élevés ne dépend que de nous, la tâche paraît impossible avec les pays en développement, dont cette fois nous prendrons la Chine comme pays archétype.

Les charges salariales de ce pays s’élèvent à 5 à 20 % des nôtres, selon qu’il s’agisse de la zone côtière ou de l’intérieur. Toute concurrence dans ces conditions est en réalité un jeu de massacre. C’est ainsi qu’ont successivement disparu d’Europe, de France en tous cas, les fabrications de textile et de chaussures, puis le jouet, la téléphonie, les appareils ménagers, puis l’électronique grand public. Il nous reste les domaines comme l’automobile, l’aéronautique et le nucléaire, où la Chine n’a pas encore atteint une maîtrise technologique suffisante. Cela ne durera à l’évidence qu’un temps.

Certes – et heureusement pour tous les intéressés, les salaires chinois augmentent chaque année, mais il faudra au moins 20 ans jusqu’à ce qu’ils atteignent à peu près les niveaux occidentaux. Quant au potentiel d’innovation de ces derniers, si souvent invoqué pour imaginer le maintien d’un écart technologique, il trouvera bien vite ses limites, aucune illusion ne doit être conservée.

Assimiler concurrence et libre échange et se refuser à tout contrôle du commerce international est certes une grande tentation. Dans certaines situations, cela peut toutefois mener à de grands dommages. Pour éviter à terme une quasi totale désindustrialisation de l’Europe – Allemagne comprise, des mesures s’imposent pour rétablir dans les secteurs jugés critiques les conditions d’une juste concurrence, pendant la durée et avec l’intensité appropriées.

Dès 1999, notre prix Nobel d’économie Maurice Allais alertait la France sur le poids croissant exercé sur notre économie par les transferts de fabrication vers la Chine. Il estimait à 60 % ce poids dans l’état de stagflation de l’époque. Aujourd'hui, et depuis déjà bien des années, ce sont 25 à 27 milliards d’euros, renouvelés chaque année, de déficit que nous supportons, 15 à 17 pour l’Allemagne, également déficitaire chronique.

Recevoir le Président chinois en grande pompe est une idée excellente. Ce pays mérite estime et considération. Lui poser le problème de l’effrayant déséquilibre de nos relations commerciales avec son pays – une hémorragie chaque année renouvelée – aurait ainsi été une bonne idée. Des remèdes existent et la menace de représailles, évidemment à prévoir dans une négociation, ne doit pas nous impressionner, l’étendue et la constance de notre déficit nous assurent une large marge de contreparties.

Le temps qui passe ne fait qu’aggraver les choses, pour tous sur la place européenne, quelles que soient les différences d’intérêt des uns et des autres. Et à terme une solution est clairement l’intérêt de tous les participants, le déclin des économies occidentales n’étant de l’avantage de personne.

Nous estimons donc que les deux volets d’action, au niveau de l’Europe et à celui du monde, conditionnent l’un comme l’autre le succès de notre Premier ministre.

Dans cette grande tâche, nos souhaits l’accompagnent, j’ose dire, ardemment.

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