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Plan antidjihad de Manuel Valls : ces pièges qui compliquent la réflexion sur la mise en oeuvre d’une déradicalisation efficace
©Reuters

Idéologie partout, résultats nulle part

Alors que Manuel Valls a dévoilé de nombreuses mesures ce lundi pour lutter contre le djihad, le processus de déradicalisation de certains individus suscite toujours autant d'interrogations.

Malik Bezouh

Malik Bezouh

Malik Bezouh est président de l'association Mémoire et Renaissance, qui travaille à une meilleure connaissance de l'histoire de France à des fins intégrationnistes. Il est l'auteur des livres Crise de la conscience arabo-musulmane, pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol),  France-Islam le choc des préjugés (éditions Plon) et Je vais dire à tout le monde que tu es juif (Jourdan éditions, 2021). Physicien de formation, Malik Bezouh est un spécialiste de la question de l'islam de France, de ses représentations sociales dans la société française et des processus historiques à l’origine de l’émergence de l’islamisme.

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Atlantico : Ce lundi, Manuel Valls a présenté un grand plan de lutte contre le djihad avec 80 mesures pour contrer ce qu'il appelle "l'idéologie du chaos". Que penser de cette nouvelle annonce, qui inclut notamment des mesures destinées à déradicaliser certains individus ?

Malik Bezouh :A priori, on devrait accueillir avec satisfaction toute mesure censée endiguer un phénomène aussi dangereux que le terrorisme takfiriste de Daech, bien plus redoutable que le terrorisme islamiste classique déployé par Al Qaïda, et ce à cause de ses dimensions eschatologique et messianique… Pourtant, à y regarder de plus près, on ne peut que s’étonner de l’annonce de certaines mesures. En particulier celle ayant trait à la suppression des droits sociaux. Non pas que cette dernière serait discutable en soi, mais force est de constater qu’elle est totalement dérisoire au regard de l’enjeu et de la détermination des individus "djihadisés" qu’une telle considération ne peut arrêter. Concernant la surveillance de l’enseignement privé hors contrat, on est en droit de se poser, là encore, quelques questions lorsque l’on sait que la plupart de ceux qui sont rentrés dans un processus de théo-radicalisation ne fréquentaient guère, et c’est un euphémisme, les enseignes scolaires, qu’elles soient privées ou publiques du reste ; sauf à considérer là qu'il s'agit d'une mesure de prévention prise en amont. En revanche, cibler les sites sensibles va dans le bons sens. De la même façon, et cela fait longtemps que je le réclame, il conviendrait d’aller plus loin dans la lutte contre les associations qui font le lit du complotéisme en France. Car derrière cette "religion" de la suspicion se cache en réalité un antisémitisme qui ne dit pas son nom. A ce titre, il serait bon, peut-être, de se pencher enfin sur la dangerosité d’une association telle que Égalité&Réconciliation, dirigée par Alain Soral. D’autres structures à vocation complotéiste sont tout aussi néfastes.

En quoi la prépondérance de considérations idéologiques sur ce sujet nuit-elle en France à un débat pragmatique et sensé ?

La France, très divisée politiquement - fruit de son histoire tourmentée -, est le pays de la passion politique. Passion politique qui s’est emparée de ce sujet crucial, le théo-terrorisme d’essence islamiste, qui mériterait d’être traité avec une certaine hauteur de vue. Ce n’est pas toujours le cas. A droite, les adeptes du prêt-à-penser politique ont tendance à brandir des solutions clés en main marquées, parfois, au coin de la démagogie la plus éhontée. A gauche, ce n’est guère mieux. Les tenants du politiquement correct, tels des gardiens du Temple, aliènent le débat en lançant des anathèmes contre ceux et celles suspectés de marcher sur les plates-bandes du Front National. Oui, en effet, les considérations idéologiques ont tendance à réduire un débat qui pourtant est d’une importance cruciale puisqu’il porte sur notre sécurité collective. Si on ajoute à cela les considérations électoralistes, toujours à l’affut, quant elles ne dominent pas souvent les prises de positions des uns et des autres, alors oui, assurément, c’est le l’intelligence et la sérénité du débat que l’on assassine en France. C’est bien dommage.

Quels sont les arguments favorables et défavorables au regroupement de personnes radicalisées dans des centres fermés ?

A mon sens, je crois qu’il faut impérativement éviter de regrouper des personnes "djihadisées". En effet, des individus "djihadisés" réunis ont tendance à se remotiver. Si l’un commence à douter de ses actions menées au nom de Dieu, aussitôt son compagnon de fortune surgit pour le remettre dans le "droit chemin" en lui expliquant que c’est le Diable qui le pousse à remettre en cause son action djihadique. Notons bien que Daech est une secte d’essence islamique. A ce titre, ses membres se soutiennent, se réconfortent. Regrouper des individus "djihadisés" est le meilleur moyen de retarder la survenue du doute, qui est la première étape dans le processus de guérison...

Inclure des musulmans dans ce processus de déradicalisation est-il justifié selon vous ? Comprenez-vous les critiques formulées par certains sur ce point ?

C’est indispensable. Le processus de "dédjihadisation" nécessite la présence de personnes versées dans la théologie musulmane. C’est-à-dire d’imams ou de "laïcs" musulmans. En effet, pour distiller le doute dans l’esprit d’un élément "djihadisé", je ne vois pas d’autres solutions que l’intervention d’un théologien musulman. Un thé-terroriste est totalement rétif au discours humaniste porté par une modernité post-religieuse qu’il a en horreur. La seule façon d’atteindre son esprit critique groggy par la haine de l’altérité occidentale, c’est de l’inscrire dans un processus incluant des individualités musulmanes. De cela, j’en suis absolument convaincu. Question d’expérience…

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