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Plaidoyer pour une éducation à l’ancienne : l’Allemagne teste les crèches zéro jouet pour prévenir les comportements addictifs
©Reuters

Privés de jouets

Des garderies allemandes ont participé à une expérimentation de trois mois pendant lesquels tous les jouets ont été retirés. L'objectif était d'améliorer les compétences sociales des enfants pour les renforcer contre comportements addictifs de leur jeunesse future. Des liens sociaux solides seraient un rempart contre les conduites addictives.

Muriel  Grégoire

Muriel Grégoire

Muriel Grégoire est addictologue et psychiatre. Elle est responsable du CSAPA la ville Floreal à Aix-En-Provence. 

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Atlantico : Un article de The Atlantic relate une expérimentation menée dans des crèches en Allemagne. Tous les jouets ont été retirés pendant trois mois dans le but d'essayer d'améliorer les compétences sociales des enfants et de les renforcer contre les comportements addictifs du futur. En quoi le projet de retirer les jouets des enfants dans une garderie sur une période déterminée peut être efficace pour lutter contre les comportements addictifs ?

Muriel Grégoire : L'idée est de permettre aux enfants de ne pas toujours être en interaction avec des objets mais de créer plus d'interactions entre eux. Quand ils n'ont pas en permanence des jouets entre les mains ils peuvent plus développer leur imagination et leur créativité, ils peuvent fabriquer eux-mêmes leurs jouets et se confrontent à un peu plus de frustration et d'ennui qu'ils apprennent à gérer, ils améliorent aussi les interactions entre eux pour un peu plus de plaisir le plus souvent. Cela vaut aussi pour les adultes. On observe souvent dans une même pièce lorsque chacun son téléphone, de même avec une télévision allumée des interactions rares. Si la télévision est éteinte ou que l'on range les téléphones,  très rapidement de nouveaux échanges se créent. Les objets et jouets devraient ne rester que des outils. Ils ne sont pas délétères en tant que tel c'est l'usage que l'on en fait. Ils prennent une place très importante dans notre société. L'objet devient un Autre. On n'a pas la même interaction avec des objets qu'avec d'autres humains. L'objet peut rassurer dans le sens qu'on pense le maîtriser vu qu'il ne change pas d'attitude à l'inverse de l'humain.  L'objet peut rassurer et  annuler en quelque sorte les émotions.  Si les enfants n'ont qu'une interaction avec des objets, il sera plus difficile de pouvoir s'adapter aux différentes situations émotionnelles de la vie. Dès qu'il y a une émotion négative, un enfant peut sucer sa tétine ou son pouce, prendre un doudou c'est normal mais à un moment, il doit pouvoir s'en sevrer et parfois faire sans cet objet, le risque étant que plus grand il lui soit indispensable de faire appel à un objet pour se rassurer. Et à l'age adulte tous les objets possibles d'addiction pourront avoir cette fonction: écrans, produits...  

En quoi est-ce que cette technique est plus efficace pour prévenir l'apparition de comportement addictifs plutôt que des cours et des messages de sensibilisation dans les écoles ? Ce même article explique ces sensibilisations, aux dangers de la drogue notamment, ne sont pas suffisamment efficaces.

Les résultats par rapport aux campagnes de préventions ne sont pas très fiables, ni toujours très clairs, que ce soit aux Etats-Unis, en France ou ailleurs. On peut avoir des résultats très variables. Il y a les gens plus craintifs, qui n'auront pas envie d'essayer. Ils seront plus réceptifs aux message de prévention. Mais il a aussi ceux qui ont un tempérament à chercher plus la nouveauté, à être attiré par l'interdit, ceux là auront plus envie d'essayer. L'adolescence est une période où les jeunes s'autonomisent, ils vont être tentés par l'interdit et franchir les limites. C'est normal. Si on parle de produits interdits, il n'est pas surprenant qu'un certain nombre seront plus tentés par l'expérience que de les repousser.

Les enfants qui dès le plus jeune âge ont pu vivre leurs émotions, négatives et positives, en interaction notamment avec d'autres vont savoir plus facilement le faire à l'âge adulte. S'ils sont confrontés à une frustration, qu'on leur enlève leur tétine ou leur jouet, ils vont savoir faire avec, gérer cette frustration et ils n'auront pas autant de problèmes à gérer quand ces situations vont se reproduire. Ils seront préparés.

L'ennui, la frustration peuvent être des facteurs de comportements addictifs. Avoir appris au cours de sa jeunesse à gérer ces moments-là sera une aide pour ne pas tomber dans ces comportements ou des produits addictifs.

Il faut favoriser le lien social et les moments frustration et d'ennui, pour savoir les gérer, les dépasser pour faire face plus tard dans la vie quand ils surviennent. Quand un enfant pleure on lui donne sa tétine ou un dessin animé s'il s'ennuie, c'est le plus facile mais pas le plus efficace.  L'objet de cette expérimentation révèle que les objets ne sont pas une mauvaise chose, mais il faut simplement confronter les enfants à des situations nouvelles qu'ils ne connaissent pas, les laisser faire face.

Comment expliquer que les enfants qui n'ont pas appris à nouer des relations sociales soient plus exposés à des risques de tomber dans des comportements addictifs ?  

Les facteurs qui peuvent amener à des comportements addictifs peuvent être personnels ou contextuels. On peut prendre exemple avec les addictions à l'alcool. Dans une situation difficile, en période de deuil par exemple certains ne vont pas supporter la souffrance ou la solitude. Ils peuvent se tourner vers un produit licite ou non ou bien vers des comportements addictifs. Si dans leur enfance ou dans leur adolescence, ils ont pu se tourner vers quelqu'un d'autre dans un moment difficile, cela leur donnera d'autres outils que la solution de l'objet miracle et  simplifiera la gestion de cette émotion. Quand on se rend compte dès l'enfance que l'on peut se confier à quelqu'un, lui faire confiance, se faire confiance cela peut protéger des comportements addictifs.

Si dans son enfance, un individu a toujours eu recours à un" objet" et bien à 25 ans, pourquoi changer d'attitude, faire autrement. . Prendre un verre par exemple doit rester un moment de plaisir plus qu'un moyen de réconfort dans une période difficile.

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