Plafond de la dette publique : ces leçons que nous pourrions utilement importer du Danemark <!-- --> | Atlantico.fr
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La France aurait-elle intérêt à réfléchir à cette idée d’un plafond de dette utilisé au Danemark ?
La France aurait-elle intérêt à réfléchir à cette idée d’un plafond de dette utilisé au Danemark ?
©Jacob Batter/CC / Wikimedia commons / DR

Exemple danois

De nombreux pays songent à relever le plafond de leur dette. Au Danemark, il n’a été relevé qu’une seule fois, après la crise de 2008.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Certains pays discutent d’un relèvement du plafond de leur dette. C’est actuellement le cas des États-Unis, qui l’ont relevé à 78 reprises depuis 1960. Au Danemark, il n’a été relevé qu’une seule fois, suite à la crise de 2008. Quelles sont les spécificités du mécanisme du plafond de dette danois ?

Philippe Crevel : Il s’agit de mécanismes de plafonnements encadrés par la loi. Ces derniers imposent, du moment où il y a un dépassement, que des mesures correctrices soient prises par le Parlement de manière à rester dans les cadres réglementaires. Il s’agit donc de mécanismes de correction automatiques institués pour éviter toute dérives de l’endettement, comparables aux règles d’or européennes à la mode dans certains pays du Nord, qui permettent d’obliger les gouvernements à prendre des mesures correctrices en cas de dépassements des déficits publics ou des niveaux de dette. 

La particularité au Danemark est que ce plafond a été fixé relativement haut et n’a donc jamais été vraiment atteint. Comment l’expliquer ? 

L’idée est que certaines circonstances peuvent entraîner une hausse des déficits et donc de la dette. À partir d’un certain seuil, le Parlement danois fixe un plafond à partir duquel il estime que les finances publiques sont en danger. Au Danemark, comme dans d’autres pays d’Europe du Nord, la rigueur budgétaire est très forte et la pratique budgétaire culturellement plus saine. Le système américain, malgré certaines crises, trouve toujours un moyen de débloquer la situation, ce qui permet de payer les fonctionnaires, par exemple. La question est donc de savoir si les systèmes de corrections automatiques peuvent s’appliquer ou non. 

La France aurait-elle intérêt à réfléchir à cette idée d’un plafond de dette ?

Logiquement, un plafond de dette est fixé par le pacte de stabilité budgétaire. Ce dernier est en cours de renégociation, ce sont les fameux 60% et nous devons, en toute logique, le respecter. Ce plafond vise à fixer une trajectoire budgétaire, retrouver un budget qui empêche l’emballement de la dette. Si l’Europe a donc prévu des mécanismes de plafonnement et de trajectoire budgétaire, même si des événements exceptionnels comme la crise sanitaire ou la guerre en Ukraine ont fait voler ces règles en éclat. D’autre part, certains États, dont la France, se sont affranchis du respect des règles budgétaires européennes. Par conséquent, les petits États considèrent qu’il existe deux poids deux mesures en Europe, entre ceux qui sont contraints de se plier à l’orthodoxie européenne et ceux qui peuvent s’en libérer, comme la France ou l’Allemagne après la réunification. Si nous ne supportons pas les règles européennes en France, l’idée d’une règle d’or paraît très difficile à admettre. Le prix à payer est la dette est de 111% contre 24% en 1981. 

Pourrait-on mettre en place une règle d’or française plutôt qu’européenne ? 

Cela avait été discuté à un moment donné. Je ne suis pas sûr que dans le Parlement actuel une majorité soit d’accord sur la question. Il faudrait pourtant essayer de trouver les moyens d’assainir les finances publiques, de faire des économies budgétaires et non pas du déficit et des impôts supplémentaires, mais il y a un long chemin avant de trouver un consensus sur la question. En l'occurrence, nous aurions tout intérêt à suivre l’exemple danois.

Comment expliquer qu’en France, il n’y ait pas de majorité pour une telle mesure alors qu’il n’y a quasiment pas de débat sur la question au Danemark ? 

En France, une tradition budgétaire transcende un grand nombre de partis politiques. La notion de rigueur budgétaire est connectée négativement, elle est accusée d’être ultra libérale, alors que cela n’a évidemment rien à voir. Les Républicains sont plutôt dépensiers, on l'a vu pendant la réforme des retraites. Il en est de même pour la gauche, l’extrême-droite… Le gouvernement et sa majorité essaient tant soi peu de limiter les dépenses mais avec une certaine modération, je parlerai plus de pratique budgétaire accommodante. Il n’y a définitivement pas de culture de bonne gestion en France. 

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