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Les Français doivent-ils investir ailleurs que dans le travail pour s’enrichir ?
Les Français doivent-ils investir ailleurs que dans le travail pour s’enrichir ?
©DENIS CHARLET / AFP

Méritocratie

La vraie leçon à retenir de la publication du patrimoine des ministres du gouvernement Borne a largement été passée sous silence.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Sylvain Catherine a déclaré sur Twitter : « si vous êtes dans le top 1% des salaires, votre employeur paye 215 000 euros. L'Etat vous en laisse 88 000. Même avec un taux d'épargne de 50%, il vous faudra 20 ans pour arriver à 2 millions de patrimoine. Le drame de la France, c'est l'impossibilité de s'enrichir par le travail ». Ces calculs et sa conclusion sont-ils exacts ?

Philippe Crevel : Cela me paraît un peu excessif. Le taux moyen d’épargne est de 15% et pour les revenus les plus importants il sera plus autour de 30%. Il est rarement à 50%. Je trouve que les propos sont un peu exagérés. Aujourd’hui en France, il y a moins de facilité d’ascension sociale qu’il y a eu dans les années 60, mais il y a encore des possibilités. Des entreprises naissent et connaissent un succès important notamment dans le digital. Certes, cela est moins facile que dans d’autres pays, comme les Etats-Unis par exemple. Mais ce serait faux de dire que le travail ne peut pas permettre en France de s’enrichir. Sinon cela serait une vision très pessimiste. Même si la réussite professionnelle dans l’Hexagone est moins valorisée qu’ailleurs. Ce n’est pas quelque chose qui est mis en avant par les médias. C’est une spécificité de la société française. D’autre part, il y a en France un niveau de prélèvements obligatoires très élevé qui peut être dissuasif pour certains. Parfois, cela nécessite un peu d’énergie pour réussir et faire fortune financièrement en France.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié le patrimoine des ministres du gouvernement Borne. A travers cette publication, on se rend compte que leur richesse se base principalement sur la possession de biens immobiliers et non par le travail. Peut-on dire que le travail en France n’est pas source de richesse ?

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Premièrement, le patrimoine des ministres, comme celui d’une bonne partie des Français, est avant tout immobilière. Plus de deux tiers du patrimoine des Français est sous forme de logement. Les ministres sont donc à l’image de la population française. Le fait d’acquérir son logement fait partie du processus d’épargne. Le capital d’un emprunt représente de l’épargne au titre de l’INSEE. Le remboursement reste donc le fruit de son travail. Le fait que 58% des Français soient propriétaires d’une résidence principale est constitutif au fruit de leur travail et un élément important du patrimoine. Cela étant, on peut évidemment regretter que ce soit la quasi-totalité de la richesse des ménages et qu’il n’y ait pas une part financière plus importante pour l’entreprise sous forme d’actions. En France, il n’y a pas de fonds de pension. Ce qui explique qu’on se distingue des pays comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou les Pays-Bas.

En France, pourquoi est-il si difficile de s’enrichir par le travail ?

Il faut tout d’abord noter que certains réussissent par le travail. Si on prend l’actualité, les footballeurs peuvent s’enrichir avec leur profession. Autre exemple, les chefs d’entreprises dans les start-up ou dans le digital réussissent très bien. Puis on peut aussi parler de Bernard Arnault. Lorsqu’il a commencé, il ne possédait pas une grande fortune et aujourd’hui il est la première fortune de France et l’une des plus grandes du monde grâce à son travail. Certes ce sont des exceptions, mais certains s’en sortent très bien par leur travail. Puis d’autres ont du talent, que ce soit Kylian Mbappé au football ou bien Johnny Hallyday dans la chanson. Cependant, aujourd’hui il est plus difficile pour un cadre moyen, supérieur, de progresser dans la hiérarchie des revenus en étant salarié et d'atteindre un niveau de richesse conséquent. Cela s’explique par les impôts et les cotisations sociales. Le système de redistribution générale limite l’amplitude des revenus en France entre les 10% les plus pauvres et les 10% les plus riches. Après redistribution et impôts, il y a un écart de 3,5. Aux Etats-Unis, les cadres supérieurs peuvent accéder à un niveau de fortune bien plus important que celui qu’on connaît en France. Cela s’explique par les stock-options, par la distribution d’actions ou bien leurs épargnes. Cependant, cela se fait au prix d’une inégalité plus importante que celle connue en France.

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Les Français doivent-ils investir ailleurs que dans le travail pour s’enrichir ?

Comme je disais, le travail peut payer. Avec une capacité à innover, à créer une entreprise, à avoir un talent littéraire, il est possible de s’enrichir. Cependant, aujourd’hui il y a le mouvement fire qui indique que par la frugalité de sa consommation et en investissant, il est possible de faire fortune. Ce mouvement est un peu restrictif et individualiste car il a pour but d’arrêter de travailler à 40 ans et de s’enrichir autrement. Donc, je pense nous avons besoin du travail pour assurer le fonctionnement de l’économie, pour avoir de la croissance et avoir des retraites. Après, il est évident qu’il faut épargner des placements dit productifs. Les placements financiers peuvent rapporter et peuvent permettre de se constituer un patrimoine plus important que par le seul fruit du travail. Mais il faut prendre des risques. Il y a donc une capacité à prendre ces risques, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Pour des raisons personnelles, de formations ou de charges familiales. 

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