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Une personne se fait vacciner contre la grippe.
Une personne se fait vacciner contre la grippe.
©PASCAL GUYOT / AFP

Virus de l'hiver

Le froid hivernal est accompagné d’une double épidémie, la grippe et le Covid. Avec l’abandon du port du masque et le relâchement concernant les gestes barrières, la probabilité d’avoir ces deux infections est plus élevée que jamais.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : La période hivernale est propice à tomber malade : Covid, grippe, rhumes, RSV, les risques ne manquent pas. Mais on oublie trop souvent de se demander s’ils peuvent se cumuler. Est-il possible de contracter ces maladies en même temps ? Peut-on, par exemple, avoir le Covid et la grippe ?

Antoine Flahault : La question des co-infections avec les virus respiratoires communs de l’hiver était très peu explorée jusqu’à cette pandémie de Covid. La raison essentielle de notre méconnaissance est que nous n’avons pas l’habitude de tester les personnes malades pour ces virus habituellement considérés comme anodins. Puis, le Covid est arrivé et l’on s’est mis à prendre l’habitude de tester les malades, même les cas bénins. En médecine de ville on continue à ne pas rechercher le virus de la grippe ou le VRS, mais pour les formes plus sévères, à l’hôpital on teste désormais plus souvent les patients, et l’on découvre un nouveau monde, celui des co-infections. Les publications scientifiques sur les co-infections de l’adulte restent très rares. Ces co-infections ne sont probablement pas anecdotiques mais elles restent peu explorées. Il est possible cependant qu’on en sache davantage durant les mois qui viennent car si les deux premières années de la pandémie avaient réussi à réduire très substantiellement la circulation des autres virus respiratoires, limitant de fait les risques de co-infections, cette année se présente tout autrement. Nous ne portons désormais presque plus de masques, ne sommes plus contraints dans nos mouvements, et la circulation de la grippe et du VRS est repartie de plus belle, laissant le champ libre aux co-infections et à leur exploration plus aisée par les chercheurs. Les pédiatres sont les premiers à sortir des résultats portant sur des séries d’enfants hospitalisés pour des infections à ces différents virus. Ainsi, on a remarqué chez l’enfant hospitalisé que 20% des tout-petits, les moins de 6 mois, sont retrouvés porteurs de co-infections par le VRS et le virus de la grippe. Cette proportion n’est plus que de 13% chez les 6 mois-2 ans, et chute à 5% chez les plus de 5 ans. 

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Quels sont les risques associés à une co-infection ? Cela pourrait-il décupler les problèmes ?

Une étude nord-américaine a récemment été publiée et portait sur plus de 4300 enfants hospitalisés pour Covid. Dans 62% des cas les enfants avaient été testés pour d’autres virus et 20% des sujets ainsi poly-testés présentaient une co-infection avec un autre virus respiratoire ou un entérovirus. Essentiellement les moins de cinq ans. Ces enfants co-infectés avaient deux fois plus de risques de développer une forme grave de leur infection respiratoire que ceux seulement infectés par le Sars-Cov-2.

Certains spécialistes expliquent que les enfants sont particulièrement à risque de ces co-infections, pourquoi ?

Si l’on est encore loin de comprendre tous les mécanismes qui sous-tendent l’immunité on avance communément deux hypothèses pour expliquer ce regain de co-infections chez le tout-petit. La première serait juste due à une exposition plus fréquente aux virus de ces enfants de moins de six mois, mais elle me convainc peu, car on pourrait au contraire penser qu’avant six mois on est plutôt moins souvent en crèche, plus souvent gardé par ses parents à la maison. La seconde hypothèse avancée serait qu’une immunité s’acquiert avec les infections répétées des enfants. À cinq ans, ayant été davantage exposés à tous ces virus qu’à deux ans et à deux ans davantage qu’à six mois, on serait avec l’âge progressivement, même partiellement, de plus en plus immunisés contre ces virus et de moins en moins enclins à développer des co-infections. Quant à la raison expliquant pourquoi les co-infections semblent conduire à davantage de formes plus graves, elle est peut-être intuitive, sans être totalement élucidée non plus. Certains pensent en effet que les co-infections pourraient être à l’origine de réactions inflammatoires plus violentes sur l’organisme. D’autres avancent des hypothèses de dommages cumulés, les différents virus s’attaqueraient au parenchyme pulmonaire par des mécanismes différents dont les effets viendraient s’additionner entre eux, à l’exemple des différents coups de boxe, l’uppercut, le crochet,...

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Comment faire face à ces risques multiples ?

Il faut bien sûr progresser dans la connaissance de ces co-infections, en particulier chez l’adulte. On peut penser néanmoins qu’une sage précaution serait de chercher à les éviter, comme le boxeur cherchant à esquiver les coup sur le ring. Lorsque la veille sanitaire nous informe que les virus respiratoires circulent avec une forte intensité sur le territoire comme cela a été le cas en décembre en Europe de l’ouest, il pourrait être sage de porter le masque dans les lieux clos, bondés et mal ventilés. On pourrait aussi chercher à mieux ventiler ces mêmes locaux. Enfin, on peut promouvoir la vaccination contre la grippe et le Covid-19, y compris chez les jeunes enfants comme on le fait aux USA, pour réduire encore le risque de formes sévères dues aux co-infections.

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