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Petites corruptions & clientélisme : pourquoi une opération mains propres est urgente pour que la vie politique retrouve sa crédibilité
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Exemplarité

Pour l'ancienne ministre Corinne Lepage, la transparence de la vie publique est devenue un enjeu capital pour que la politique retrouve sa probité. Une opération qui ne pourra pas s'envisager sans une remise à plat du statut des élus devant la justice. Extrait de "Les Mains propres" de Corinne Lepage, publié aux éditions Autrement (2/2).

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Le mot de confiance est bien entendu le mot clé. Mais, comme chacun sait, la confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Pour la mériter, les partis politiques doivent profondément changer, et la majorité des politiques aussi. Pour lutter contre ce climat délétère, une opération "mains propres" est aujourd’hui nécessaire en France. Et elle est possible ! Il faut d’abord lutter contre la corruption. La question n’est pas seulement celle d’une nouvelle loi sur le financement des partis politiques, dans la mesure où toutes les lois précédentes n’ont certainement pas servi à l’endiguer. Elle est dans les moyens donnés à la justice et dans les nouveaux mécanismes mis en place pour assurer la transparence et la probité de la vie politique.

Comme le note Fabrice Arfi en conclusion de son dernier ouvrage, "la corruption au sens large est un braquage contre l’idée même de démocratie, il faut donc la traiter comme telle judiciairement". Il va de soi que les affaires à répétition et l’impunité dont semblent jouir les politiques sont absolument intolérables. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que les règles qui sont applicables au commun des mortels le soient également à la classe politique. En réalité, les exigences devraient être plus grandes pour ceux qui détiennent des mandats que pour les autres. Or, aujourd’hui, c’est exactement le contraire. La situation personnelle de tout élu devrait être traitée comme celle de tout citoyen, ce qui signifie les mêmes règles de droit et les mêmes juridictions. Ce n’est pas le cas pour les ministres qui relèvent de la Cour de justice de la République, et pour les parlementaires qui peuvent s’abriter derrière leur immunité et obtenir qu’elle ne soit pas levée. Le scandale Dassault au Sénat, dont la levée de l’immunité a été refusée par un vote secret, n’est pas acceptable dans une démocratie. S’il est normal qu’un élu dispose d’une liberté de parole et ne puisse à ce titre être poursuivi dans l’hémicycle, en revanche, la question de la levée d’immunité de manière générale pour des faits de droit commun doit être posée. De la même manière, on ne peut admettre des règles de droit dérogatoires. Par exemple, est-il normal que le faux et usage de faux soit moins grave quand il est le fait d’un élu dans sa déclaration de patrimoine que pour n’importe lequel de nos concitoyens dans ses propres actes ?

De plus, même quand les actes apparaissent totalement contraires à la morale, sans être pour autant pénalement répréhensibles, les sanctions apparaissent comme impossibles à mettre en œuvre. Ainsi, le cas de Thomas Thévenoud qui, contraint de démissionner du gouvernement suite à la révélation de ses démêlés avec le fisc, refuse d’abandonner son siège de député sans que quiconque, y compris Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, ne puisse l’y obliger, est symptomatique. Ne pourrait-on imaginer que doive quitter obligatoirement le Parlement tout élu définitivement condamné par la justice, et soit suspendu de son mandat tout élu mis en examen et/ou condamné en première instance ? Le suppléant siégerait comme il le fait lorsqu’un député ou un sénateur devient ministre. Cela permettrait de mettre un terme à de véritables scandales, qui s’appellent JeanNoël Guérini (même s’il a été récemment relaxé dans une affaire) ou Isabelle et Patrick Balkany. De la même manière, et pour éviter de nouvelles affaires Thévenoud, un contrôle de la situation fiscale de tout candidat, qu’il s’agisse d’un mandat de parlementaire ou de président d’exécutif local, éviterait de nouveaux déboires. Au-delà de la situation personnelle, qui doit être traitée comme celle de tout autre citoyen, ce sont les fonds publics et leur usage qui échappent encore trop souvent au contrôle et dont on s’aperçoit parfois qu’ils ont fait l’objet d’un usage très éloigné de celui prévu à l’origine. Ainsi, les anomalies qui ont pu être constatées sur l’usage des fonds faits par les groupes politiques du Parlement ne peuvent apparemment faire l’objet d’aucune suite.

En réalité, le principe indispensable de séparation des pouvoirs fait que les infractions qui pourraient être de nature pénale peuvent être commises au sein du Parlement, sans qu’il existe un moyen d’y mettre un frein. Entre le prêt de 3 millions consenti par le groupe UMP de l’Assemblée nationale au parti UMP – alors que cet argent est destiné à permettre le fonctionnement parlementaire – et la répartition à des fins privées d’argent appartenant au groupe UMP du Sénat, les mauvais exemples commencent à apparaître. Ils pourraient peut-être faire l’objet d’une nouvelle qualification pénale.

Quant à l’usage de la réserve parlementaire, dans un esprit de clientélisme local, comme le secret qui entoure l’usage de l’indemnité représentative des frais de mandat alloués aux députés et sénateurs, ils n’améliorent pas la situation. Ces usages ne sont pas répréhensibles sur le plan pénal mais ils le sont sur le plan moral. Le plus grave reste l’impunité dont bénéficient ou semblent bénéficier les politiques. En effet, la longueur des procédures, le fait que les procès – lorsqu’ils existent – concernent des faits qui se sont produits quinze ou vingt ans auparavant et le fait que beaucoup semblent passer à travers les mailles du filet, sont un drame national. Un journaliste suédois disait récemment que pas un politique français ne pourrait être président d’une association de ping-pong dans son pays. C’est dire la réputation qu’est la nôtre !

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