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Petit comparatif de la capacité respective de François Hollande et de Nicolas Sarkozy à céder à un conflit social violent
©Reuters

D’un quinquennat à l’autre

Grève des chauffeurs de taxis, bonnets rouges, agriculteurs... François Hollande semble manquer de ténacité face aux mouvements sociaux. Contrastant avec un Nicolas Sarkozy tenant tête lors de la réforme des retraites, il semble manquer cruellement de volonté.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Face à des collectifs tels que celui des bonnets rouges, François Hollande paraît souvent plier. Qu'en est-il aujourd'hui sur la question de l'agriculture ? L'actuel Président est-il plus faible que son prédécesseur ? Si Manuel Valls occupait sa place peut-on imaginer qu'il ferait preuve de plus de résistance ? 

Eddy Fougier :Les mouvements de l'agriculture sont des mouvements sociaux complexes qui peuvent avoir des conséquences désastreuses autant au niveau strict qu'au niveau social. Leurs protestations peuvent rapidement s'étendre à d'autres milieux sociaux, ce qui se traduit la majeure partie du temps par un vote Front National. Dans ces circonstances, le gouvernement actuel essaye d'éteindre le feu. D'autant plus, que cette tranche de la population n'est pas favorable à François Hollande, puisqu'elle se sent trahie par la direction écologique prise par l'actuel Chef d'état.

A l'inverse, Nicolas Sarkozy n'avait pas ce problème de rapport de force avec le monde agricole. En effet, bien qu'entretenant peu de liens avec le milieu rural, les agriculteurs votant traditionnellement à droite, il était en terrain conquis.

En ce qui concerne les autres mouvements sociaux, la réponse du Président de la République est à géométrie variable. Face à certains mouvements, François Hollande calme le jeu voire cède (grève des taxis contre Uber Pop, les Bonnets Rouges…) alors que face aux enseignants, par exemple, il a tenu bon. De ce fait, le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem n'a pas été remis en cause. Il en va de même avec le projet de loi de Marisol Touraine malgré la forte opposition des médecins et, bien évidemment, le mariage pour tous qui est toujours en vigueur bien qu'il ait suscité des protestations d'une ampleur inouïe. Il serait donc inexacte de déclarer que François Hollande lâche prise devant le moindre mouvement social se profilant à l'horizon, cependant on ne peut pas non plus dire de lui qu'il incarne un Président sévère : ses réactions sont donc nuancées. 

Quant à la position de Manuel Valls, elle est indéniablement plus ferme que celle de son supérieur. Si l'on prend le cas des "Zones A Défendre" (les "ZAD") par exemple, on a pu voir un Manuel Valls droit dans ses bottes. A titre d'exemple, sur le dossier Notre Dame des Landes, il avait ignoré les contestations et annoncé le début des travaux alors que François Hollande disait vouloir attendre l'aval de la justice.

Manuel Valls est donc dans une fermeté annoncée mais cela reste de la politique fiction. Que ferait-il à la place du Président ? Le Président se voit souvent contraint d'adopter un rôle de conciliation, alors que le Premier Ministre peut se permettre de trancher, d'être dans l'action. Cependant, il est certain que Manuel Valls ferait un Président plus ferme et moins "politique" lorsque confronté à des mouvements de contestation.  

Lors de la présidence de Nicolas Sarkozy, les manifestations contre son projet de réforme sur les retraites avaient été longues et persistantes. Pourtant, ni lui, ni son gouvernement n'avaient plié. Qu'est-ce qui oppose et qu'est-ce qui rapproche ces deux présidences concernant les mouvements sociaux ? 

Il n'y a pas de dichotomie "blanc et noir" à savoir un Nicolas Sarkozy sévère et un François Hollande bien plus mou. Du côté de François Hollande, il n'y a pas une attitude précise mais une multitude de façon de réagir selon les situations. Par ailleurs, il n'est pas rare que les militants qui se retrouvent confrontés à lui le perçoivent comme étant quelqu'un de ferme (les syndicalistes réclamaient, soutenu par Jean-Luc Mélenchon, des peines moins sévères suite aux arrestations sur les ZAD).

Du côté de Nicolas Sarkozy, la situation est à double tranchant. Bien qu'il ait réussi à rester de marbre sur des dossiers importants tels que celui des régimes spéciaux en 2007 et celui de la réforme des retraites en 2010, et ceux malgré de nombreuses manifestations, il y a un certain nombre de promesses qu'il n'a pu tenir. Par exemple, il n'a pu mener son projet de bouclier fiscal (loi TEPA de 2007 selon lequel personne ne devait payer plus de 50% d'impôt sur le revenu) sous la double pression de son camp et du peuple. La peur de la rue très installée à droite aura eu raison, à plusieurs reprises, de la détermination de l'ancien Président, comme cela avait aussi pu être le cas pour Alain Juppé en 1995.

La réalité est qu'on ne peut être faible ou fort en politique, malgré ce qu'ont pu affirmer les chefs d'Etats, mais que l'on doit agir tout en nuances.

Concernant les dossiers de Sivens, de Notre Dame des Landes, quelle attitude a adopté le gouvernement ? En quoi contraste-t-elle avec celle adoptée face aux manifestations des chauffeurs de taxi et des agriculteurs ? 

Face aux ZAD, la posture du gouvernement a plutôt été celle de la fermeté. On peut se remémorer Notre Dame des Landes, où François Hollande appuyé par son gouvernement, avait envoyé les forces de police qui avaient détruit la zone d'occupation des militants. Bien qu'elle ait été réoccupée par la suite, la volonté première du gouvernement était et reste de la détruire. Sur la zone du barrage de Sivens, la réplique du pouvoir en place a été d'autant plus ferme puisqu'elle a été évacuée en mars 2015.

Le gouvernement a donc tenu bon sur ces dossiers malgré des protestations internes et externes : Cécile Duflot soutenait les manifestations à Nantes, Ségolène Royal diligentait un rapport sur l'utilité des barrages… Il y a donc eu des divisions dans les rangs de la majorité mais la logique de la fermeté est restée et reste dominante sur ces dossiers.

Si l'on s'intéresse aux opinions des écologistes en faveur des ZAD, on ne parle jamais d'un gouvernement faible au contraire. On peut même lire des textes très violents à son encontre.

Si cette position contraste, par exemple, avec la faiblesse dont le gouvernement a fait preuve face aux chauffeurs de taxis, il y a deux éléments à prendre en compte :

  • Le rapport de force et la capacité à gêner : les manifestants sont-ils nombreux ? Déterminés ? Exaspérés ? Ont-ils un fort pouvoir de nuisance ? Concrètement, c'est parce qu'ils sont gagnants en termes de rapport de force que les chauffeurs routiers peuvent bloquer une raffinerie, les agriculteurs peuvent bloquer une ville tel qu'on a pu le voir à Caen, et les chauffeurs de taxis peuvent bloquer une route, ainsi ils sont parvenus à faire plier le gouvernement.
  • Le rôle joué par l'opinion publique : si l'opinion publique dispose d'une bonne image de la catégorie sociale ou des professionnels en grève alors ce soutien ou cette indifférence bienveillante feront encore davantage plier le gouvernement. C'est par exemple le cas avec les agriculteurs qui sont souvent plaints à cause des salaires peu élevés, des conditions de travail difficiles….

On remarque également que certains mouvements remportent l'adhésion de la population alors que d'autres suscitent l'indifférence voire la colère. Cette constatation permet-elle d'expliquer l'ambivalence de l'attitude gouvernementale ?

Le gouvernement n'a pas forcément le nez dans les sondages. Ceci étant dit, c'est évident qu'une catégorie sociale (par exemple les agriculteurs, même si leurs mouvements deviennent parfois violents) qui a la sympathie des français et qui dispose d'une bonne image dans l'opinion publique s'en sortira mieux ou vainqueur du rapport de force.

A contrario, d'autres peu appréciés, tels que les chemineaux par exemple (lors des grèves des transports), seront lâchés par l'opinion publique et malgré un fort pouvoir de nuisance, ressortiront perdants du rapport de force. Ceci explique non pas l'ambivalence des décisions gouvernementales mais leur géométrie variable.

A ceci il faut ajouter le pouvoir du lobbying, des groupes de pression… mais il est vrai que la vision du peuple a un poids non négligeable et ce peu importe les gouvernements et leur camp politique d'appartenance. 

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