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Pénurie de travailleurs : la France va-t-elle manquer de bras pour la reprise ?
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Où sont-ils passés ?

Toute une partie du mécanisme du renouvellement de la main d'œuvre a été altérée et ce phénomène risque de durer encore quelques temps.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Avec la crise sanitaire, les salons de l'emploi ont été annulés, les programmes de formation professionnelle ont été bouleversés et les universités n'ont pas pu accueillir d'étudiants étrangers. Cela peut-il générer une pénurie de main d’œuvre en Europe et notamment en France ?

Alexandre Delaigue : Ces phénomènes vont en effet probablement causer une pénurie de main d'œuvre même s'il est encore difficile de dire quelle va être son ampleur. On a connu une très longue période où tous les stages professionnalisants de fin d'étude ont été rendus très difficiles, les employeurs ont du mal à identifier où sont les étudiants (l'établissement de relation "directe" n'a pas pu se faire) et les étudiants étrangers ne sont pas venus. Toute une partie du mécanisme normal du renouvellement de la main d'œuvre a été altérée. La question est de savoir en combien de temps cela va se résorber. Par ailleurs, plusieurs secteurs d'activité reposent sur des mouvements de personnes. On pense notamment au travail saisonnier dans l'agriculture ou le bâtiment. Dans ce dernier secteur, il y a un double effet. Les gens ne pouvant pas dépenser leur argent en voyage, une partie des dépenses s'est reporté sur le bâtiment - les carnets de commandes sont pleins. Dans le même temps, toute une main d'œuvre originaire des pays de l'Est n'a pas pu venir en France à cause de la pandémie. 

Est-ce un problème uniquement conjoncturel ou aussi structurel ?

Le structurel, c'est du conjoncturel qui dure. Dans le domaine de chômage, on observe que lorsque beaucoup de gens se retrouvent au chômage, plus ils ont été au chômage longtemps plus il est difficile pour eux de retrouver un emploi. Là, c'est un peu pareil. Ce qui devrait être un phénomène conjoncturel peut devenir structurel car les difficultés se sont prolongées. Il y a aussi un côté remise à zéro. Dans le secteur hôtellerie-restauration par exemple, où les conditions de travail sont assez difficiles et les salaires peu élevés, certains employés vont avoir envie de changer de secteur. Tout a été mis entre parenthèses pendant un an. Maintenant, c'est la vitesse du redémarrage va déterminer si ça devient structurel ou pas. Cela dépend aussi des secteurs d'activités.

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Comment expliquer cette pénurie quand on voit le taux de chômage qui reste élevé ?

Les emplois ne sont pas interchangeables. Le marché de l'emploi est un marché de compétences. C'est une question d'adéquation entre un employeur et un employé. C'est bien pour ça qu'il existe tout un système de formation et de sélection qui est nécessaire pour pallier ces problèmes et établir un bon appareillement entre la main d'œuvre et les employeurs. Quand on recrute des étudiants pour un master en banques par exemple, on joue un rôle d'intermédiaire sur le marché de l'emploi. Si cet intermédiaire est coupé avec la crise sanitaire, ça prend forcément du temps pour être rétabli.

En cette sortie de crise, comment resynchroniser la demande avec l’offre ?

Il faudrait que les entreprises rencontrent une très forte demande pour qu'elles se mettent en recherche active d'employés. Cela enverrait un signal fort montrant qu'il y a de l'emploi disponible. Si on arrive à ce genre de climat, le problème peut se résorber rapidement. Tout va dépendre de l'ampleur de la relance. Pour cela, il ne faut pas que le plan de relance s'arrête trop vite ou qu'il y ait une tentative de refaire de l'austérité prématurément. On voit bien aux Etats-Unis que même si l'épidémie commence à être derrière eux, il y a un plan de relance très conséquent qui est mis en place. L'équivalent en Europe est nécessaire pour que l'emploi puisse reprendre à la fois du côté des employeurs et des salariés. Les gens ne vont pas se mettre sur le marché du travail s'ils savent qu'ils ne vont pas trouver. Et les employeurs ne vont pas chercher à embaucher tant qu'ils n'auront pas de carnets de commande remplis. Il faut un coup de fouet de redémarrage qui doit être poussé par une demande des consommateurs et un soutien à l'économie. Sans quoi on risque de rester dans cet espèce d'entre-deux qui n'est pas bon pour l'économie.



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