Patrick Stefanini : "Avec Valérie Pécresse, nous ne sommes pas dans l’incantation face à l’immigration, mais dans une proposition mûrie et concrète"<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle, pose en marge d'une conférence de presse pour présenter un projet de loi constitutionnelle pour stopper l'immigration incontrôlée en France, le 5 octobre 2021.
Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle, pose en marge d'une conférence de presse pour présenter un projet de loi constitutionnelle pour stopper l'immigration incontrôlée en France, le 5 octobre 2021.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

2022

Valérie Pécresse a défendu ce mardi son projet de loi constitutionnelle pour lutter contre les dérives de la politique migratoire en France. La candidate à l'investiture de la droite à la présidentielle propose douze principes pour "arrêter de subir, et reprendre le contrôle de notre destin et la souveraineté de nos frontières". Patrick Stefanini, le directeur de campagne de Valérie Pécresse, revient sur ce projet.

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini

Patrick Stefanini est un haut fonctionnaire français, membre du Conseil d'État et ancien directeur général des services de la région Île-de-France. Sa carrière se situe entre l'administration et la politique. Diplômé de l'ENA en 1979, il soutient Chirac avant de devenir un proche conseiller d'Alain Juppé lorsque ce dernier est entré à Matignon en 1995. Il s'est démarqué notamment lors de batailles électorales réputées difficiles ; il fut ainsi l'artisan de la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle en 1995, de celle de Valérie Pécresse aux élections régionales de 2015, avant donc de conduire François Fillon à la victoire de la primaire, fin 2016. En mars 2017, il renonce à ses fonctions de directeur de campagne de François Fillon. Patrick Stefanini est directeur de campagne de Valérie Pécresse dans le cadre de l'élection présidentielle de 2022.

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Atlantico : Valérie Pécresse a présenté avant-hier son programme pour stopper « l’immigration incontrôlée ». Comment compte-elle réussir là où d’autres ont échoué ?

Patrick Stefanini : Pour accueillir moins, pour pouvoir mieux intégrer et pour diminuer sensiblement les flux migratoires à destination de la France, il faut passer par l’introduction d’un système de quota. C’est l’un des piliers du programme de Valérie Pécresse. Et nous savons depuis 2008, quand Nicolas Sarkozy a fait étudier la possibilité de mettre en place un tel système, que seule une révision de la Constitution permet d’introduire une telle mesure en droit français.

Dans la Constitution française, les traités ont une force supérieure à la loi. Si l’on agit par la loi ordinaire, on sera toujours soumis aux engagements internationaux de la France, notamment à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Si l’on révise la Constitution et que l’on y inscrit que la République limite le nombre d’étrangers ayant le droit de séjour en France, cela permet d’échapper aux critiques sur une inconstitutionnalité des lois de quotas. On ne pourra pas non plus dire qu’elles sont contraires aux engagements internationaux de la France car dans l’ordre juridique interne, la Constitution française est supérieure à toutes les autres normes y compris aux normes internationales.

N’y aura-t-il pas de blocage au niveau du Conseil dEtat ou à l’échelle européenne ?

Les juridictions françaises appliquent la loi française, a fortiori la Constitution. Si l’on inscrit dans la Constitution le principe des quotas, le Parlement les votera et les juridictions françaises appliqueront la loi française. Dans ce projet de loi, nous avons précisé qu’il sera impossible d’invoquer l’article 8 de la CEDH pour obtenir l’annulation d'un refus de séjour prononcé par un préfet.

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Aujourd’hui, c’est la voie de contournement favorite utilisée par une partie de notre immigration.

À l’échelle européenne, les adversaires de la réforme que nous proposons ont invoqué la primauté du droit européen, mais elle est tempérée par plusieurs décisions du Conseil Constitutionnel. Il a décidé que lorsqu’une loi française transpose une directive, il ne vérifie pas la conformité de celle-ci à la Constitution sauf si elle comporte une disposition contraire à l’identité constitutionnelle de la France. Si nous inscrivons le principe des quotas dans la Constitution, cela fera partie de notre identité constitutionnelle.

Si Valérie Pécresse est élue, comment compte-t-elle inscrire le principe de quota dans la Constitution ?

Deux procédures existent. L’article 11 qui n’est pas adéquat car le champ du référendum qui le prévoit ne correspond pas à la question de l’immigration. Et l’article 89, qui lui, suppose que le projet de loi constitutionnel soit voté par les deux assemblées et qu’il soit ensuite soumis soit à un référendum, soit au Congrès. Valérie Pécresse a fait le choix de l’article 89.

Marine Le Pen a elle aussi présenté le 28 septembre 2021 son projet loi sur l’immigration.  Nommé « Citoyenneté, Identité et immigration », il prévoit d’inscrire dans la Constitution la « maîtrise de limmigration ». En quoi le projet de Valérie Pécresse diffère-t-il de celui de la candidate du RN ?  

Il y a une différence importante entre Valérie Pécresse et Marine Le Pen ou Éric Zemmour. Mme Le Pen ne parle pas d’un système de quotas, mais d’une immigration zéro, ce que nous ne prônons pas. Valérie Pécresse l’a d’ailleurs affirmé : « une immigration zéro n’est ni faisable, ni souhaitable ». Qui imagine que la France pourrait se priver complètement de travailleurs étrangers ?

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L’exemple de l’économie britannique est probant. La promesse de Boris Johnson de ne plus accueillir de travailleurs étrangers a été mise en échec. Lorsqu’il a cherché à l’appliquer, cela a provoqué des paralysies de plusieurs secteurs de l’économie britannique. Il a du accorder en catastrophe des visas pour les immigrés, indispensables au bon fonctionnement de cette économie. Le même risque existerait pour la France et encore une fois Valérie Pécresse considère qu’une immigration zéro n’est ni souhaitable, ni faisable.

Ses propositions se distinguent donc de celles d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen sur ce point. Il faut ajouter que le système de quota ne serait pas applicable aux ressortissants européens, mais seulement aux pays tiers. Une exception serait faite pour les réfugiés en application de la Convention de Genève. Les quotas s’appliqueraient donc à 90 % de l’immigration en France.

Pourriez-vous alors nous dire la réalité des chiffres de limmigration en France aujourdhui ?

La dernière année « normale », en 2019, la France a délivré 274 000 titres de séjour dont 90 000 pour de l’immigration familiale, 90 000 au titre des étudiants et 30 000 pour l’immigration de travail. Ces trois types d’immigration seraient désormais soumis aux quotas dans notre projet.

Dans une interview, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a affirmé  quil ny avait pas plus d’étrangers aujourdhui quau moment de sa naissance. Est-ce vrai ?

Il n’y a pas de raison de douter des affirmations de Gérald Darmanin. Chaque année des étrangers arrivent en France et d’autres sont naturalisés. Cette naturalisation efface les origines de ceux qui deviennent Français.

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Ce qui compte ce n’est pas le pourcentage des étrangers, c’est celui des immigrés. Des personnes nées étrangères à l’étranger qui arrivent en France et ce pourcentage, lui, a augmenté. Il était de 5 % au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il était de 7,5 % en 1976 comme en 2000. Actuellement, le pourcentage est de 10 % voire même supérieur pour la dernière année connue.

Gérald Darmanin n’appréhende pas la réalité de ce qui intéresse les Français qui est de savoir si l’immigration progresse.

En lieu et place des quotas, une réduction de l’attractivité de la France et de ses aides pour les étrangers serait-elle une stratégie intéressante ?

Valérie Pécresse propose cela dans ce projet de loi. L’aide médicale d’État serait remplacée par une aide médicale d’urgence (limitée aux soins urgents et maladies contagieuses). Nous posons aussi le principe que les étrangers admis en séjour en France dans le cadre d’une nouvelle réglementation ne pourront accéder à certaines prestations sociales qu’après plusieurs années de résidence en France.

Tiraillée de toutes parts, la droite est-elle encore crédible après des années à avoir cédé aux intimidations morales et idéologiques sur l’immigration ?

J’entends dire que la droite n’a pas de vision, qu’elle n’a pas de projet, mais je rappelle que j’ai écris un livre sur l’immigration cité par Gérald Darmanin, Éric Zemmour et même Jean-Luc Mélenchon. Nous n’avons pas attendu la campagne présidentielle pour réfléchir à ces questions. En 2008, Nicolas Sarkozy avait émis l’idée d’un système de quotas. À l’époque, il n’avait pas pu aller au bout de ce qu’il avait envisagé car il a été rattrapé par la crise financière. Cette fois-ci, notre réflexion juridique s’est affinée et nous pouvons aller jusqu’au bout.

C’est la première fois qu’un candidat met sur la table un projet de loi constitutionnel tel que celui-ci. Il n’est pas une litanie de principes et d’incantations comme les propositions de Mme Le Pen. Il apporte des réponses concrètes pour enfin reprendre le contrôle de l’immigration.

Propos recueillis par Vincent Pons

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