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Pâques : ce que la France perd en perdant sa culture religieuse
©Reuters

Fille ainée

Nombreux sont les Français qui ne font pas la différence entre Pâques et la journée internationale du chocolat (événement très sympathique au demeurant). Certains se réjouissent de ce "progrès" de la laïcité en France. Mais on peut aussi s'interroger sur les conséquences d'une telle crise d'ignorance crasse en matière religieuse dans la population française.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Matthieu Rougé

Matthieu Rougé

Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, est membre du Conseil Permanent de la Conférence des Evêque de France. Il a publié Un sursaut d’espérance. Réflexions spirituelles pour le monde qui vient aux Editions de l’Observatoire en novembre 2020.

 

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Que perd la France en perdant sa culture religieuse ? 

Matthieu RougéUne première réponse à cette question est fournie par la médiocrité et la violence inédites du débat présidentiel. Beaucoup déplorent la crise politique que nous traversons mais peu s’interrogent sur ses causes. Crise du sens de l’engagement et de l’action politiques – les évêques de France ont d’ailleurs proposé il y a quelques mois une réflexion stimulante intitulée Retrouver le sens du politique –, crise de la rationalité, la crise actuelle de notre vie publique est peut-être surtout une conséquence de la sécularisation, une crise spirituelle.

Comment un moment aussi sérieux et fondateur que le débat présidentiel a-t-il pu se pervertir en un jeu de télé-réalité particulièrement médiocre ? Par la triple perte du sens du sacré, de la vie et de la vérité.

Quand plus rien d’essentiel n’est identifié, pris au sérieux, respecté, il ne reste plus que l’affrontement des egos et sa mise en scène tragico-comique. La place des humoristes dans le spectacle politique en cours est significative : l’humour peut apporter à la politique un contrepoint bienfaisant quand il empêche les responsables de s’ériger en idoles intouchables ; mais quand il prend la première place et ne respecte plus rien, il devient dérision grinçante et destructrice.

Pourquoi certains projets donnent-ils une place symbolique maximale à l’euthanasie, alors même – quoi qu’il en soit de certains cas limite exploités par une forme d’indécence médiatique – qu’un consensus médical et social de qualité s’est construit sur ce sujet sensible depuis la loi Léonetti ? Sans doute faut-il y voir une sorte de fascination pour la mort : quand la vie n’est plus aimée, respectée, promue – ce que le Pape François appelle la "culture du déchet" -, c’est la société toute entière qui théorise en quelque sorte son propre droit au suicide assisté.

Le mensonge règne en maître dans notre débat électoral. Mais ceux qui le déplorent sont aussi souvent ceux qui ont disqualifié a priori toute recherche et affirmation de la vérité comme telle. Au royaume du relativisme et de la post-vérité, il ne faut pas s’étonner que les mensonges, les virages à cent quatre-vingt degrés et les fake-news soient rois. Le rôle des sondages est de ce point de vue particulièrement significatif : ils prétendent souvent constituer la mesure de ce qui serait juste (notamment sur les sujets de société) mais n’acceptent pas de s’interroger sérieusement sur leurs fragilités méthodologiques au point d’être désormais mois des instruments d’analyse que des vecteurs de communication partisane.

"Arrêtez avec les religions !" a-t-on souvent entendu dans cette campagne. Il ne s’agit pas ici de faire l’éloge de leur intrusion dans le champ politique. Mais quand la religion se fait culture, c’est-à-dire approfondissement du rapport de l’homme à sa propre humanité, elle contribue à fonder le consensus anthropologique en dehors duquel la vie en société n’est pas possible. Le drame français contemporain c’est que notre pays se dépolitise au sens fort du terme : nos concitoyens ont pour une part perdu le goût et les moyens de vivre ensemble. L’inflation du spectacle politico-médiatique est inversement proportionnelle à la profondeur de la pensée et de la vision authentiquement politiques.

La laïcité française dans ce qu’elle a de meilleur, c’est-à-dire comme laïcité de dialogue où les ordres temporel et spirituels sont distingués, est pour l’essentiel un fruit de notre culture chrétienne, qui respecte les compétences de "César" tout en promouvant la liberté religieuse comme fine pointe de la liberté. Si la France se coupait, de façon délibérée, par amnésie ou par inconséquence, de ses racines culturelles, elle perdrait jusqu’au sens d’une juste laïcité. Un certain laïcisme français est sans soute en train de couper la branche sur laquelle une authentique laïcité peut trouver son assise.

Il n’y a cependant pas pour la France de fatalité de perte de sa culture religieuse. Celle-ci est si profondément constitutive de notre histoire qu’elle demeurera encore longtemps une salutaire source d’interrogation et d’inspiration. La célébration de Pâques aujourd’hui encore éveille beaucoup de nos contemporains à la victoire de l’Amour et de la Vérité sur les forces de mort. Les adultes toujours plus nombreux qui choisissent de recevoir le baptême sont les témoins de cette fécondité durable de notre culture chrétienne.

Bertrand Vergely : Elle perd l’essentiel. Son noyau. Son fondement. Un pays c’est comme un être humain. C’est une âme et pas simplement un corps. Qui a une religion a une âme. Qui n’en a plus n’a plus d’âme. L’âme est, comme son nom l’indique, le principe moteur de la vie en étant ce qui l’anime, ce qui la sensibilise et ce qui la transcende. Ayons une âme. On a la force pour vivre, la finesse pour intérioriser la vie et le génie pour la transcender. . Perdons notre âme. On n’a plus de force, plus de finesse, plus de génie. La France vit sur son capital chrétien. Elle est en train de le perdre. Cela se traduit par la montée d’un monde sans force, sans finesse et sans génie, consumériste, hédonique et ludique, infantile, superficiel et vide. 

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