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Paf le PIB…  C’est officiel, la France a décroché depuis 40 ans : chronique d’un déclin pourtant tellement évitable
©Reuters

Décrochage

La Direction générale du Trésor vient de le confirmer : depuis 1975, la France a vu son PIB par habitant progresser moins vite que la moyenne des pays de l'OCDE. Démographie, pourcentage de la population active et productivité font partie des facteurs à l'origine de ce décrochage.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La semaine passée, la Direction générale du Trésor mettait en ligne sa dernière lettre relative à l’économie française : « Le décrochage du PIB par habitant en France depuis 40 ans : pourquoi ? ». En effet, depuis 1975 la France décroche. Et si la croissance du PIB s’avère décevante sur cette même période, c’est avant tout la richesse par habitant qui inquiète, et qui est ici justement pointée. 

Le constat effectué par Camille Thubin est résumé ainsi : 

« Entre 1975 et 2012, la France a vu son PIB par habitant progresser moins vite que la moyenne des pays de l'OCDE, en particulier par rapport aux États-Unis et, dans une moindre mesure, par rapport à l'Allemagne et au nord de l'Europe. La position de la France située en 1975 au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, est maintenant de ce fait en-deçà de la plupart des grands pays développés, à l'exception de l'Italie et de l'Espagne. »

« Au total, depuis une quarantaine d'années, la France présente un déficit annuel moyen de croissance du PIB par habitant de 0,4 point par rapport aux pays de l'OCDE, lié à la démographie à hauteur de 0,1 point et au taux d'emploi (taux d'activité et taux de chômage) à hauteur de 0,2 point. Sur l'ensemble de la période, la contribution de la productivité par tête au déficit de croissance est globalement nulle. »  

L’évolution de la croissance par habitant est soumise à plusieurs facteurs aussi bien démographiques qu’économiques, et qui sont à analyser dans le détail.

Le premier constat est que la progression de la démographie française reste élevée. Mais cette progression n’est évidemment pas homogène sur la pyramide des âges. Ainsi, la population en âge de travailler ne suit pas le même rythme de croissance que la population totale. Le résultat est que l’impact démographique pèse sur la croissance par habitant. En effet, si une famille composée d’un couple au travail et de deux enfants est comparée à une famille composée d’un couple avec trois enfants, il est logique que la première affiche un niveau de revenu par tête plus important. En l’espèce, rien ne peut être fait pour améliorer cette situation qui est finalement favorable au pays. En effet, la part de la population non intégrée à la population active le sera dans un proche avenir.

« L'écart provient essentiellement des moins de 15 ans dont la part dans la population totale diminue moins vite en France entre 1975 et 2012 par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. A l’avenir, lorsque ces cohortes seront en âge de travailler, la démographie devrait jouer favorablement sur le PIB par habitant en France relativement aux pays de l’OCDE, dont la démographie est plus vieillissantes. »

Ainsi, ce second constat indique que la part de la population en âge de travailler et effectivement active est moins élevée en France qu’ailleurs. Pour simplifier, La population en âge de travailler est « moins active » que dans les autres pays de l’OCDE. 

Par contre, la bonne nouvelle est que la richesse produite par tête, c’est-à-dire la productivité, reste importante en France. Une progression qui s’est faite en deux phases entre 1975 et 2012. Supérieure à la moyenne entre 1975 et 1990, puis inférieure à la moyenne depuis lors. Au final, l’ensemble de la période considérée se trouve être « dans la moyenne des pays de l’OCDE ».

« Par ailleurs les gains de productivité horaire en France compensent le recul des heures travaillées sur l’ensemble de la période et la contribution de la productivité par tête à l’écart de croissance annuel moyen par rapport aux pays de l’OCDE est nulle au final »

Démographie, taux de participation au travail et productivité sont ainsi les trois facteurs qui sont à l’origine du décrochage de la France. Au-delà de l’impact démographique, reste à se poser la question des causes.

Si la productivité horaire du pays reste favorable, seul un facteur peut être réellement mis en avant : les Français travaillent moins que les autres. Et l’hypothèse d’une France qui souhaite vivre la « dolce vita » ne tient plus. Cette faiblesse a des causes identifiables. 

En premier lieu il est facilement observable que le nombre d’heures travaillées a considérablement baissé en France depuis le début des années 1970. Même si les données fournies par les différents organismes de statistiques sont parfois discordantes, le phénomène de chute est commun :

Nombre d’heures travaillées par personne engagée, par an. France.

Plusieurs gouvernements avaient pu faire état du choix fait par la population de travailler moins et de « profiter de la vie », mais les récentes données offertes par la réforme de la « défiscalisation des heures supplémentaires » tendent à prouver le contraire. En effet, par cette réforme, le nombre d’heures travaillées avait considérablement augmenté, comme le rappelle l’OFCE « en 2011, cette mesure aurait favorisé une hausse de près de 80 millions d’heures supplémentaires, soit un supplément de 11 %. ».Une fiscalité plus favorable aux entreprises et aux salariés serait ainsi à même d’inciter à travailler plus. Une configuration qui peut rappeler les travaux du prix Nobel d’économie William Prescott qui établissait un lien de causalité entre forte imposition et baisse du nombre d’heures travaillées (en l’espèce, l’impôt considéré était l’IR (“Why do Americans work so much more than Europeans ?” Federal Reserve Bank of Minneapolis)). La piste à privilégier ici reste bien une baisse de la fiscalité sur le travail et sur le revenu. Le « travailler plus pour gagner plus » ne serait pas un « mythe », mais un réel souhait de la part de la population.

En second lieu, l’âge de la retraite. La France se caractérisée par un âge effectif de départ à la retraite parmi les plus faible de tous les pays de l’OCDE : 59 ans (derrière la Belgique et le Luxembourg). En 1975, l’âge de départ effectif était à 65 ans. En comparaison, aux Etats Unis, cet âge de départ est encore à 65 ans aujourd’hui contre 67 ans en 1975. La moyenne des pays de l’OCDE se situe quant à elle à 64 ans, soit une « perte » de 5 années de travail pour la population française. Les différentes réformes mises en place depuis 2010 ont notamment eu pour objectif de renverser la tendance en cours.

Travailler plus d’heures chaque année en baissant les impôts, et pour une période plus longue en réformant les retraites, seraient ainsi les défis posés à l’économie Française. Reste un constat : Comment agir de la sorte avec un taux de chômage record en France ? Alors qu’il n’y a déjà pas assez de travail pour tous ?

Cette question n’est pas sans réponse. En 1983, La France fit le choix délibéré de brider son niveau de croissance afin de s’adonner à une politique de désinflation compétitive. Cette politique a permis de maitriser la longue période de forte inflation qui sévissait dans le pays depuis le premier choc pétrolier de 1974. Grace à cette technique qui consistait à ne tolérer qu’une faible croissance, la pression sur les prix s’est amenuisée, et l’inflation a rendu les armes en moins de 3 ans. Le problème est que cette politique a été poursuivie alors même que le danger inflationniste était vaincu dès 1986. Le résultat est que la France est en sous-capacité de croissance depuis près de 30 ans.  

Si la première hausse du chômage en France fut bien la conséquence des forts taux d’inflation au cours des années 1970, provoquant une perte de confiance de la part des agents économiques, la poursuite de la hausse du nombre de sans-emploi est la conséquence de la politique de désinflation. Le record actuel du taux de chômage est le symptôme de ce choix. Choix consacré par le Traité de Maastricht qui a gravé dans le marbre les statuts de la Banque centrale européenne, et dont le but n’est rien d’autre que de suivre cette voie encore et toujours. Pour résoudre ce problème fondamental de l’économie française, une seule solution : réviser les statuts de la BCE, et permettre au pays de retrouver les taux de croissance qui lui sont nécessaires pour parvenir au plein emploi.

Croissance, plein emploi, baisse de la fiscalité, recul de l’âge de départ à la retraite, sont les bases du « retour » économique de la France. 

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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