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Pacte de responsabilité, CICE : l'échec programmé d'une fausse politique de l'offre
©Reuters

Faux-semblant

Et si les fermetures ou les délocalisations d’usines n'étaient plus que de mauvais souvenirs ? Pour vaincre notre déficit de compétitivité, il conviendrait d'abord d’asseoir le financement de la dépense publique sur les entreprises plutôt que de le faire subir à ses dernières. Le tout doublé de mesures favorables à l’installation de sièges sociaux et de managers dans notre pays.

Fondation Concorde

Fondation Concorde

La Fondation Concorde est un think tank français fondé en 1997, présidé par Michel Rousseau (professeur associé à l'Université Paris-Dauphine). Tournée prioritairement vers les TPE/PME et l’industrie, elle a pour préoccupation permanente la compétitivité des entreprises et l'entrepreneuriat, tout en exigeant un Etat allégé et la réduction de la dépense publique.

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Qu’a-t-on fait du rapport Gallois ?

Celui-ci indiquait clairement : « les allègements effectués depuis 20 ans ont concerné les bas salaires et pour cette raison très peu impacté l’industrie qui se situe à des niveaux de rémunération plus élevés »[1].

Or, en dépit de ce constat clair en faveur du secteur exposé à la concurrence internationale, le choc de compétitivité s’est concrétisé dans un dispositif hasardeux : le crédit d’impôt compétitivité emploi.

Le CICE est malheureusement un dispositif qui ancre notre système productif dans le bas de gamme en offrant une réduction de charges sous forme de crédit d’impôt correspondant à 4% (6% en 2015) de la masse salariale pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC. Ce qui touche peu les salariés qualifiés de l’industrie et des entreprises exportatrices globalement mieux rémunérés.

Le CICE bénéficie, dans de larges proportions, aux secteurs protégés de notre économie : La Poste (qui a perçu 297 millions d’euros au titre de 2013) et la grande distribution en sont les principaux bénéficiaires. Cette persistance des pouvoirs publics à subventionner les bas salaires après les exonération de charges dites « Fillon » de 2006 sur les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC, nous semble contradictoire avec une stratégie de croissance.

Elle affaiblit les secteurs exposés à la concurrence internationale qui mécaniquement sont victimes des transferts financiers vers les entreprises aidées, par leur contribution au financement de ces baisses de charge : un véritable non-sens économique puisque ce sont ces mêmes entreprises exposées -à 80% des industries- qui assurent le financement extérieur du pays, tirent la croissance et l’emploi.

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L’absurdité de ces transferts de ressources apparaît dans les marges respectives des différents secteurs économiques : il apparaît que ce sont les industries manufacturières qui ont besoin de reconstituer leurs marges.

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En résumé, nous aidons des secteurs qui n’en ont pas vraiment besoin en prélevant sur les secteurs dont on a besoin pour redresser notre pays.

On pourrait malgré tout espérer une baisse des coûts des services auxquels les entreprises exportatrices font appel. Mais faute de concurrence dans ces secteurs protégés de la compétition internationale et du fait du dysfonctionnement de notre marché du travail qui enregistre une hausse des salaires constamment supérieure à la productivité depuis 2000, malgré le niveau élevé du chômage, il n’en est rien. Le CICE sera absorbé par les hausses de salaire (2,8% de hausses de salaire pour 0,5% d’inflation en 2014, 2,6% de hausses de salaire en 2015 selon Hewitt pour vraisemblablement 0,9% d’inflation). Ainsi, le CICE n’a pas permis de reconstituer les marges des entreprises qui sont tombées à 29,3% au 2ème trimestre 2014, le taux le plus bas depuis 1985.

40 milliards d’euros de subventions pour les bas salaires.

Les mesures appliquées à court terme dans le cadre du pacte de responsabilité annoncé au début de 2014 et dont on peine à distinguer les contours, renforcent encore cette politique d’allègement des charges sociales sur les bas salaires ; en additionnant le CICE (18 milliards € provisionnés en 2015), les exonérations de charges sur les bas salaires prévues par le pacte de responsabilité (4,5 milliards€) à celles existantes –(exonérations « Fillon » - 20 milliards€), plus de 42 milliards d’euros seront consacrés chaque année aux bas salaires.

Question :en s’appuyant ainsi sur des revenus avoisinant le SMIC, sera-t-on capable de construire les industries du futur ?

L’effort consenti, supérieur à 2% du PIB, peut-il permettre de reconstruire notre industrie et de développer des entreprises innovantes ? La réponse est claire, le pacte de responsabilité, comme le CICE avant lui, se trompe de cible. Certains se réjouissent qu’une majorité d’entrepreneurs juge que « cela va dans le bon sens ». Or, a-t-on jamais vu un entrepreneur qui en recevant un chèque de l’Etat déclare que cela va dans le mauvais sens ?

En dépit de la mise en place de ces mesures censées améliorer notre compétitivité, on observe depuis le début de l’année 2014 une continuation de la dégradation des indicateurs de compétitivité extérieure. « La part des exportations françaises de produits manufacturés dans la zone euro a reculé à 12,2 % en août 2014, son plus bas niveau jamais observé »[2].

D’un déficit à l’autre : Le déficit du commerce extérieur est à l’origine de nos déficits publics.

Nos parts de marché ne cessent de reculer. L’emploi dans les secteurs exposés à la concurrence internationale régresse. Les délocalisations se poursuivent.

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Faute de compétitivité, le déficit de notre balance biens et services s’accroit : c’est l’équivalent de 10 points du PIB par quinquennat (2% du PIB par an), dont le financement accroît l’endettement du pays.

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Notre déficit commercial est à la racine de nos déficits publics. Il entraîne une réduction des recettes fiscales, conséquence d’une réduction de l’activité et d’une augmentation des charges de redistribution.

La disparition d’entreprises du système productif affaiblit les activités dans les territoires tentés de compenser par de l’emploi public la disparition des emplois-productifs !

Si nous avions maintenu nos parts de marché dans la zone Euro à leur niveau de l’année 2000 (plus de 16%), nos exportations seraient supérieures de 155 milliards d’euros, soit l’équivalent de 7,6 points de PIB. Ce qui aurait maintenu nos comptes publics près de l’équilibre et générés 1,5 millions d’emplois supplémentaires.

Changer de stratégie

Avec l’échec du CICE, l’opinion publique pourrait conclure à l’échec des politiques de l’offre qui en réalité n’en sont pas et ouvrir ainsi la voie à des politiques de la demande illusoires et dévastatrices au regard de nos déficits.

Ces baisses de charges pour les secteurs protégés dans un pays exsangue, financées par l’emprunt, relèvent d’une politique de la demande déguisée.

Nous devons passer de politiques de développement de l’emploi « coûte que coûte » dans les secteurs protégés à de réelles politiques de compétitivité axées sur le redressement des marges, l’investissement, l’innovation, l’élévation des compétences dans les secteurs économiques en prise avec les marchés mondiaux. Nous devons affronter la compétition internationale et créer des emplois dans les secteurs exposés.

Il nous faut en priorité stopper cette chute qui a fait passer de 25% à 12% la part de notre industrie dans le PIB.

Notre proposition

Réorienter les politiques actuelles en véritable politique de l’offre en réservant les aides au système productif exportateur et exposé à la concurrence internationale.

Cette proposition serait menacée par une soi-disant instabilité juridique comme vient de le prétexter un responsable gouvernemental !

Un cercle d’économistes à défini les effectifs concernés du secteur exposé à 3 450 000 salariés, tous salaires confondus – les plus hauts étant intégrés car les meilleurs compétences sont indispensables et doivent rester en France.

Le coût du choc de compétitivité que nous proposons a été évalué à environ 25 milliards d’euros par an[3]. Cet effort est nécessaire pour être présent sur les marchés mondiaux qui croissent de 5% par an.

Notre choc de compétitivité, s’il est doublé de mesures favorables à l’installation de sièges sociaux et de managers dans notre pays, devrait permettre à nos dirigeants d’annoncer, qu’avant deux ans après la mise en application de nos mesures, les fermetures ou les délocalisations d’usines ne seront plus que de mauvais souvenirs, trop rares pour nuire à la confiance retrouvée.

Le déficit de compétitivité de nos entreprises découle du choix français d’asseoir le financement de la dépense publique sur les entreprises.

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Si elles étaient installées en Allemagne, principal partenaire et concurrent, nos entreprises paieraient 140 milliards d’euros en moins de charges.

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Le Danemark qui, quant à lui, ne fait pas reposer la dépense publique sur les entreprises, obtient de meilleurs résultats : le taux de chômage est de 6,7%.


[1] Source : COE-Rexecode


[2]Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, novembre 2012


[3] Voir les propositions de la Fondation Concorde dans Reconstruire notre industrie, avril 2014

Lire cet article sur le site de la Fondation Concorde

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