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Besoin de caméras pour la Somalie, 
pour le tueur d’Oslo aussi
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EDITORIAL

Entre l’appel à l’aide humanitaire internationale pour sauver des vies de la sécheresse en Afrique et l’épouvantable tuerie en Norvège, le rapprochement peut être osé, il est pourtant frappant, c’est celui du besoin de traitement médiatique.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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La famine sévit dans la corne de l’Afrique (pointe est de l’Afrique, occupée principalement par la Somalie et l’Ethiopie). On en parle comme d’une découverte ou comme si elle survenait brutalement suite à un violent séisme. Elle est certes le résultat d’une sécheresse exceptionnelle, fatale sur une zone déjà extrêmement fragile, mais ce n’est pas une surprise, même si l’interpellation des opinions publiques mondiales est celle d’un appel à l’aide en situation d’urgence absolue pour sauver des familles et particulièrement des enfants de la mort.

250, c’est l'estimation du nombre de morts chaque jour dans cette région du monde, où l’aide humanitaire est souvent bloquée par les milices locales, ce qui est une autre forme de terrorisme génocidaire. Où surtout des pays entiers comme la Somalie et l'Ethiopie pourraient être « sauvés » de la famine pour la modique somme d’un peu plus d’un milliard d’euros comme le demande l’ONU, dérisoire comparée aux divers et récents plans de sauvetage, non pas de vies mais de l’euro, et comparable au milliard d’euros débloqué par le seul gouvernement français il y a deux mois pour subventionner les agriculteurs, pour une autre sécheresse, la nôtre.

Mais au-delà de ces interventions et interpellations récurrentes, il faut rappeler comme le font bon nombre d’experts depuis quelques jours, et comme le faisait Jacques Diouf hier à Rome, directeur général de la FAO (Food and Agriculture Organization des Nations Unies), que les famines en Afrique sont autant si ce n’est davantage dues aux guerres, à la corruption, ou encore à l'inflation, qu’au climat. L’aide humanitaire est une aide d’assistance, à la fois continue grâce au travail exceptionnel des ONG, mais aussi sporadique selon les degrés d'urgence et la place accordée par les grands médias. C’est aussi et surtout la démocratisation et l’accès aux techniques performantes d’élevage et d’agriculture qui permettront d’agir de façon durable.

La sécheresse n’intéresse personne

Plus frappant encore, interrogé hier dans le Soir 3, Laurent Thomas, sous-directeur de la FAO, rappelait les alertes lancées par l’organisation depuis novembre 2010. Alertes difficilement audibles avant d’en arriver à une extrême urgence, car selon lui, « la sécheresse n’intéresse personne ». Les enfants d’Afrique avaient donc surtout besoin… de caméras pour être sauvés. Besoin d’une fenêtre médiatique s’il vous plait, besoin de caméras pour faire réagir les opinions publiques, mais aussi, et c’est le plus embarrassant, les responsables et autorités politiques des instances internationales qui une fois encore interviennent davantage en réaction qu’en anticipation. On construit le rond-point après le mort de trop.

Une caméra, pour le meilleur et pour le pire

Si les caméras peuvent sauver des vies, elles peuvent aussi, indirectement bien sûr, en tuer. Un épouvantable tueur d’Oslo déçu lundi d’être entendu à huis clos, réclamant des caméras pour atteindre son objectif de notoriété, pour lui-même et pour ses thèses. Besoin de caméra lundi encore pour Nafissatou Diallo, pour exposer sa version des faits, et passer du prétoire juridique au perchoir médiatique.

Les médias sont d’extraordinaires et puissants outils. Comme tout outil performant, ils sont formidablement utiles et intéressants en de bonnes mains, utilisés à bon escient. Leur pouvoir en fait également des objets de convoitise. En Norvège hier, une caméra a coûté des vies, demain en Somalie elle en sauvera.

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