Oprah Winfrey est fan de leur tablette numérique culinaire : portrait de Qooq, l'entreprise bourguignonne qui cartonne tout en s'étant relocalisée<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande en visite dans l'entreprise Qooq.
François Hollande en visite dans l'entreprise Qooq.
©Reuters

Made in succès

Récemment canonisée par le gourou de la télé américaine, la tablette culinaire Qooq rencontre un succès phénoménal alors que la tendance "Made In France" peine à décoller. Portrait d'une entreprise française qui s'en sort en dépit de la crise.

Jean-Yves Hepp

Jean-Yves Hepp

Jean-Yves Hepp est fondateur et PDG de Qooq, entreprise française spécialisée dans les tablettes numériques.

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Atlantico : En ces temps de difficultés économiques, les responsables politiques s'inquiètent de la bonne santé des entreprises françaises, et tout particulièrement de celles qui donnent dans le désormais fameux "Made in France". Au-delà des grands débats, votre entreprise Qooq est un exemple actuel de "l'entreprise à la française" qui marche bien. Quels sont selon vous les fondements de votre réussite ?

Jean-Yves Hepp : C’est peut-être trop de nous définir comme un modèle de l’entreprise française qui marche. Nous pouvons dire à la rigueur que nous rencontrons pour l’instant un beau succès d’estime. Nous sommes une petite entreprise qui se bat à la fois pour développer des concepts nouveaux mais aussi pour valoriser effectivement le Made in France. Néanmoins, nous sommes encore loin d’être un poids lourd du secteur et notre force réside pour l’instant dans notre capacité de réaction et d’innovation, ce qui peut expliquer la reconnaissance dont nous sommes gratifiés actuellement, en France comme à l’étranger.

Votre tablette a récemment bénéficié d’une promotion non négligeable en rentrant dans la liste d’Oprah Winfrey, célèbre présentatrice américaine qui énumère chaque année les produits à ne pas rater. La mobilité de votre entreprise peut-elle expliquer cette petite réussite ?

Cet exemple est effectivement lié à notre capacité de réactivité puisque j’ai pu rencontrer lors d’un voyage à New-York l’équipe de la rédaction de l’émission d’Oprah. On m’a avoué à cette occasion qu’elle avait beaucoup apprécié notre tablette, regrettant simplement qu’elle n’existât pas dans la couleur qu’elle souhaitait (vert-pomme en l’occurrence) et qu’aucun chef américain ne soit présenté par l’application. Peu après cette conversation, dès mon retour en France, nous avons immédiatement produit une tablette convenant à ces critères pour lui renvoyer au plus vite. Ce processus aurait pu prendre bien plus de temps dans d’autres entreprises, plus grandes donc souvent de fait moins réactives.

En tant que dirigeant d’une jeune entreprise innovante, vous avez droit à plusieurs aides de l’État. En quoi ce système a pu vous bénéficier et en quoi pourrait-il être amélioré ?

Je pense que les mécanismes qui ont été mis en place sont les bons mais les procédures pour en bénéficier sont particulièrement lourdes. Par ailleurs, les contrôles répétés peuvent vite peser sur l’efficacité de l’entreprise, pour finir par devenir assez handicapants au quotidien. Lorsque l’on subit trois contrôles C.I.R.  (Crédit Impôt Recherche) annuel alors que nous sommes déjà habilités par le ministère de la Recherche, il est clair que cela peut finir par épuiser les ressources humaines de la boîte. En même temps, nous sommes bien obligés de reconnaître que l’on trouve peu de pays où des mécanismes d’aides aux jeunes entreprises innovantes sont aussi développés. En somme, on peut dire que des structures comme le C.I.R. sont de très bons moyens de stimulation de l’innovation mais que ces procédures de contrôles pourraient être allégées, puisque ces dernières mobilisent du personnel et du temps de production.  

Le numérique a aujourd’hui contribué à accélérer beaucoup de choses, et cette rapidité entre en contraste avec le temps administratif qui fonctionne différemment. Il ne faudrait pas que les petites entreprises françaises innovantes soient en conséquence trop pénalisées face à des concurrents plus gros et mieux structurés pour répondre aux lourdeurs administratives.

Quels est l’état de votre concurrence à l’heure actuelle ?

Nous sommes un cas assez unique en Europe, ce qui fait que nos concurrents sont actuellement plutôt asiatiques ou américains. Sur la tablette Qooq uniquement, nous restons plus ou moins les seuls dans ce domaine même si Sony tente de se démarquer avec un produit analogue (comparée immédiatement avec notre produit du reste). La promotion d’Oprah Winfrey a aussi beaucoup aidé et nous pouvons dire que, sur ce domaine de niche que sont les tablettes culinaires, nous avons gagné nos gallons.

Nous souhaitons désormais nous imposer sur le domaine de l’éducation, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord nous pensons qu’il est nécessaire de se battre pour la « souveraineté numérique » de la France en termes d’éducation. La difficulté ici n’est pas tant de créer un produit qui soit équivalent aux Américains que de faire intégrer à la sphère publique les enjeux qui se trouvent derrière la maîtrise du système éducatif numérique, et par extension de la transmission des savoirs. Il ne s’agit donc pas tellement d’une question de compétition face aux rivaux étrangers mais plutôt de conserver une compétence numérique territoriale de formations des acteurs économiques de demain.

Vos tablettes se concentrent sur deux secteurs bien définis, la cuisine et l’éducation. Qu’est-ce qui a pu vous inviter à cibler des domaines aussi précis ?

Je répondrais en deux temps. Tout d’abord il est important de préciser que notre tablette culinaire, lorsqu’elle est sortie, était la première tablette au monde six mois avant le fameux Ipad. Notre champ de référence n’était donc pas le produit d’Apple puisqu’il n’existait pas encore à l’époque. A l’époque le mot tablette était d’ailleurs inexistant, Qooq étant alors qualifié de « coach culinaire tactile » : autrement dit le marché de la tablette était inconnu. Il y avait cependant un véritable besoin d’un outil de cuisine moderne capable d’accompagner les consommateurs au quotidien. L’objectif était alors de créer un produit-synthèse du livre, du magazine, de la télé ou encore de l’émission radio dans le domaine culinaire. Notre stratégie n’est donc certainement pas d’entrer en confrontation avec Apple, Samsung, et les autres acteurs du marché des tablettes.

En ce qui concerne l’éducation, il faut rappeler que l’on est loin d’un marché de niche puisque cela concerne entre 20 et 40% de la population selon les pays. Notre choix résulte d’une vision stratégique qui consiste à dire que dans l’école il est nécessaire de mettre à la disposition des enseignants des produits qui correspondent à ce qu’est l’école aujourd’hui. Ainsi, lorsqu’un enseignant dispense son cours via des outils numériques à une trentaine d’élèves, il ne souhaite pas forcément voir ceux des derniers rangs discuter sur Facebook. Nous souhaitons donc créer un outil qui soit capable de diffuser le cours et uniquement le cours du professeur s’il le souhaite, mais aussi capable d’ouvrir l’internet lorsque des travaux de recherche sont lancés, ou plus simplement de couper l’ensemble des tablettes lorsque le professeur repasse à un cour magistral. L’idée n’est donc pas tant d’attaquer un mini-secteur que de répondre aux nouveaux besoins de l’éducation.

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