Opération sauver l’euro : les 4 mesures que Mario Draghi peut annoncer pour rassurer les marchés<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la BCE s'est engagé à faire «tout ce qui est nécessaire pour sauver la zone euro». Il sera jugé ce jeudi par les investisseurs.
Le président de la BCE s'est engagé à faire «tout ce qui est nécessaire pour sauver la zone euro». Il sera jugé ce jeudi par les investisseurs.
©Reuters

Euro star

Après avoir indiqué qu'il fera "tout ce qu'il faut" pour sauver l'euro, Mario Draghi doit annoncer ce jeudi de nouvelles mesures décisives. Quels scénarios sont envisageables ?

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Atlantico : Le conseil des gouverneurs de la BCE se réunit ce jeudi. Mario Draghi devrait annoncer des mesures très attendues pour faire suite à ses récents propos dans lesquels il déclarait qu'il fera "tout ce qu'il faut" pour sauver la zone euro, ajoutant même : "Croyez-moi, cela suffira.". Quels scénarios sont envisageables ?

Alexandre Baradez : Mario Draghi a été à la fois concis et exhaustif dans ses propos la semaine dernière en laissant beaucoup de sous-entendus. Il s'agissait d'une bonne stratégie puisque le champ d'action de la BCE est aujourd'hui très large, ce qui a permis aux marchés de bien réagir dans un laps de temps relativement court. Plusieurs scénarios sont envisageables :

  • Comme lors de sa dernière réunion, la BCE peut réutiliser une baisse des taux, pour abaisser son taux directeur à 0.50%, même s'il ne s'agit pas du levier d'action le plus efficace à court terme. Les marchés ne sont plus à 0.25% près, mais cela pourrait toujours permettre de fluidifier un peu plus le marché du crédit.

  • Actionner à nouveau les LTRO (NDLR : Opération de refinancement à long terme), ces prêts à trois ans accordés aux banques, afin d'éviter un assèchement du crédit. Un des problèmes qui caractérise actuellement la zone euro est la mauvaise transmission des flux financiers. La BCE elle-même s'était saisie du dossier en menant une étude auprès des 130 plus grandes banques européennes et avait remarqué un resserrement des conditions d'octroi du crédit et un rehaussement des exigences requises. Le principal souci de la BCE à court terme est d'éviter cet assèchement du crédit en zone euro puisque ce dernier soutien l'économie.

  • Elle peut également élargir la palette des collatéraux acceptés pour l'octroi des crédits qu'elle accorde aux banques. Ces dernières pourraient ainsi présenter des dettes de certains pays de la zone euro ou encore certains actifs jugés "risqués". Elle l'avait déjà fait la dernière fois et les marchés avaient plutôt bien réagi.

  • Elle peut intervenir directement sur les taux par des opérations sur les marchés secondaires en achetant elle même de la dette souveraine via le programme SMP (Securities Market Program, le programme d'achat d'obligations d'Etat de la BCE, ndlr). Mais ce programme est tellement controversé et polémique que Draghi pourrait décider d'acheter des obligations souveraines via le FESF (NDLR : le Fonds européen de stabilité financière, qui vient aider les pays européens en difficultés). Ce serait alors une première. Pourtant, cette action serait légitime puisque les principaux pays contributeurs de ce fond sont l'Allemagne, la France, mais également l'Italie et l'Espagne.

Ce dernier point est lui aussi très polémique. Un bras de fer s'est d'ailleurs engagé entre Mario Monti et Jens Weidmann, le président de la Bundesbank (NDLR : qui a déclaré que l'indépendance de la BCE "l'oblige à respecter et ne pas outrepasser son mandat"). Le président du Conseil italien a en effet réclamé l'indépendance totale de la BCE et un respect de cette indépendance de la part des officiels européens, un message envoyé directement à la banque centrale allemande, fébrile sur ce sujet.

Incontestablement, une relance du programme SMP constituerait la solution la plus efficace pour baisser les taux insoutenables de l'Italie et de l'Espagne.

Il y a aujourd'hui un clivage Nord-Sud avec une Europe du Nord qui préconise la mise en place de réformes structurelles et budgétaires ainsi que l'instauration d'une union bancaire avant tout achat de dette de la part de la banque centrale, et une Europe du Sud qui, au contraire, souhaite d'abord mettre en place une action de la BCE sur les marchés pour détendre les taux, pour ensuite donner le temps aux gouvernements d'adopter des réformes. La finalité reste la même, mais le calendrier varie.

Au delà d'une politique monétaire, Mario Draghi mène-t-il également une opération de communication ?

La BCE a tiré ses dernières cartouches en terme de communication. Cette opération vise avant tout à agir sur les taux d'intérêt auxquels empruntent les pays. Dès qu'il y aura le moindre signe d'augmentation des taux, l'outil de la communication sera épuisé. Il faudra alors agir puisque ces annonces répondent à un véritable besoin pour l'Espagne.

Enfin, cette opération de communication vise également à affirmer l'indépendance de la BCE, qui a le libre-arbitre de décider seule s'il faut agir via une relance du programme d'achat direct de dette sur le marché secondaire. Elle manifeste ainsi à l'Allemagne son indépendance.

De la fin juin et la mi-juillet, les taux de l'Espagne sont passés de 6% à 7,6%. Cette rapidité de tension sur les taux aurait pu se prolonger au mois d'août. Incontestablement, il fallait frapper un grand coup pour éviter de monter à 8% comme la Grèce, l'Irlande ou le Portugal qui, à un tel niveau, ont tous fait l'objet non pas de plans d'aide, mais de véritables plans de sauvetage. Un scénario que la BCE voulait éviter à tout prix.

La politique de la BCE est-elle plus accommodante vis-à-vis des pays du Sud depuis l'arrivée de Mario Draghi ?

Il s'agit surtout d'une analyse objective de la situation. Les pays du Sud font faces à des taux qui s'envolent. Rappelons que l'Italie et l'Espagne représentent les troisième et quatrième économies de la zone euro. Leur ralentissement économique commence même à impacter les économies du Nord, y compris l'Allemagne où le taux de chômage augmente et les commandes se tassent. Même les Etats-Unis estiment que leurs difficultés émanent de celles de la zone euro.

Draghi a probablement compris que limiter les solutions à des réformes structurelles et des coupes budgétaires orienterait l'Espagne vers un scénario identique à celui de la Grèce, à savoir une récession qui génère des destructions d'emplois et de richesses.

La BCE veut s'ériger en pare-feu de cette crise avec des actions sur les marchés et annonce clairement la couleur : elle ne laissera pas faire ceux qui spéculent sur le défaut d'un Etat ou l'envolée des taux.

Quelles peuvent être les conséquences ?

Mario Draghi devrait continuer dans la lignée de ce qu'il a déclaré. Ce que nous avons eu en termes de communication est rare pour la BCE. Il y a désormais une très grande attente de la part des marchés. Le président de la BCE a sorti des phrases très marquantes en précisant qu'il fera "tout ce qu'il faut" et "croyez-moi, cela suffira".

Le message est clair : ne pariez pas sur le défaut d'un Etat, car la BCE se mettra en rempart, même s'il faut sortir de son mandat de maîtrise de l'inflation et de stabilité des prix pour intervenir sur le terrain des "mécanismes de transmission de la politique monétaire" actuellement bloqués par des taux trop élevés. Il a désormais tout mandat pour agir.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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