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Opération blocage de migrants au Col de l’Échelle : ces questions gênantes posées par les identitaires (même si, eux, le font pour de très mauvaises raisons)
©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Interrogations

L'opération menée dimanche au Col de l'Echelle par les militants de Génération identitaire soulève plusieurs questions. Parmi elles, la délicate question du contrôle aux frontières se pose à nouveau sans que le gouvernement n'apporte de réponse.

Hyppolite Lachaize

Hyppolite Lachaize

Hyppolite Lachaize est haut-fonctionnaire.

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Atlantico : Quelle est la situation réelle au Col de l'Echelle, devenu un lieu de passage stratégique pour le migrants ?

Hyppolite Lachaize : Depuis 2015 et la grande crise migratoire, l’arrivée d’u million de réfugiés ou de migrants, les gouvernements européens ont rétabli leurs contrôles aux frontières internes de l’espace Schengen. Cette initiative a été habillée par plusieurs artifices destinés à faire croire que le droit européen de la libre circulation était respecté. La vérité est toute autre : de fait, sous la pression des évènements, la libre circulation Schengen a été suspendue. Cependant, ce rétablissement des frontières internes est-il de nature à régler les problèmes ? Non. Une fois les migrants entrés en Italie, s’ils sont déterminés à se rendre ailleurs en Europe, ils finissent par passer. On ne peut pas mettre des policiers à tous les points de passages entre l’Italie et ses voisins européens, en nombre infini. Les migrants trouveront toujours, tôt ou tard, des points de passage. Le col de l’Echelle en est un. S’il est placé sous contrôle, d’autres brèches s’ouvriront ailleurs. Les contrôles aux frontières internes peuvent exercer un rôle dissuasif mais ils ne sont pas un remède miracle adapté à l’époque. 

Gérard Collomb a fini par annoncer « des renforts de police et de gendarmerie importants » afin de « s’assurer du respect absolu du contrôle des frontières ».  Dans ce cas pourquoi ne pas l'avoir fait avant?  Est-ce simplement une réaction "médiatique" selon vous?

Oui, c’est une opération entièrement médiatique, comme d’ailleurs toute la politique du gouvernement en matière d’immigration. Le gouvernement veut faire croire qu’il est dans une logique de fermeté. C’est totalement faux. On le voit aussi à travers la loi sur l’asile et l’immigration qui vient d’être votée par l’Assemblée nationale. Elle donne un affichage de fermeté à travers la prolongation de la rétention administrative de 45 à 90 jours. Cette mesure, très spectaculaire sur le plan de l’affichage, ne servira à rien dès lors que le pouvoir de placer en rétention les migrants, au bout de 48 heures, appartient au juge des libertés qui répugne à assurer cette tâche. Le nombre des primo-arrivants a explosé ces dernières années en France. Il était d’environ 100 000 au début des années 1990. Il atteignait 263 000 en 2017. En plus, il faut prendre en compte 100 000 demandeurs d’asile dont 94% ne repartent jamais, même déboutés. La vérité, c’est qu’il faut une vision stratégique de l’immigration, impliquant l’aide au développement des pays d’origine, le contrôle des embarquements, une véritable opération militaire contre les passeurs esclavagistes, une maîtrise rigoureuse de la frontière européenne, une politique de fermeté résolue envers l’immigration illégale. Nous n’en sommes pas là du tout.

Malgré les conditions climatiques et les avalanches, 2000 personnes l'avaient déjà franchi en début d'année. Que sait-on de la proportion des migrants pour raisons humanitaires et/ ou économiques répondant aux critères officiels, et des autres?

La distinction raisons humanitaires et économiques n’a pas grand sens. Au Niger, par exemple, le revenu moyen par habitant est 100 fois inférieur à a moyenne de l’Europe. De tels écarts entraînent inévitablement une poussée migratoire massive. A cela s’ajoute le différentiel démographique : 1,5 enfant par femme en Europe, 7,5 au Niger. Poussée par la pauvreté, la migration est à la fois économique et humanitaire sans que l’on puisse distinguer les deux. La véritable distinction à opérer est entre les réfugiés victimes de persécutions, et les migrants pour raisons économiques. Les réfugiés, victimes de persécutions, ont le droit d’être accueillis et protégés en vertu de la convention de Genève de 1951. En revanche, les migrants qui entrent eu Europe en forçant la frontière, en violation du droit international et de la loi des Etats doivent être reconduits dans leur pays. On ne dispose pas de statistiques claires sur le sujet mais il est vraisemblable que la grande masse de ceux qui traversent la Méditerranée ne sont pas victimes de persécutions mais cherchent à améliorer leur niveau de vie. Ce faisant, ils délaissent leur pays qui peut avoir besoin d’eux pour son développement, quel que soit leur niveau de compétence et de formation. En outre, l’Europe n’a pas les moyens indéfinis de cet accueil, sur le marché du travail, le logement, les conditions scolaire, hospitalières, sociales. C’est pourquoi il faut s’en tenir à la règle de droit, la seule qui aille sur ces questions.

Quand bien même l'ensemble de ces migrants auraient des motifs légitimes, doit-on et peut-on tous les accepter?

A la fin du siècle, le continent Africain sera peuplé de 4 milliards d’habitants, contre un milliard aujourd’hui. Il est impératif aujourd’hui de fixer des règles claires en matière d’immigration, de définir qui, dans quelles conditions, à le droit de s’installer en Europe et en France, selon les capacités d’accueil du pays. Et surtout, de faire appliquer la loi. Si on laisse faire les choses sans règles, comme aujourd’hui, on créera le chaos en Europe comme en Afrique : gigantesques bidonvilles, masses de populations dans la détresse, violence, montée de fanatisme et du repli identitaire, fragmentation des sociétés européennes, engrenage de la pauvreté en Afrique si toute la jeunesse dynamique fuit le continent. Les personnes qui prônent une ouverture illimitée et un accueil inconditionnel ne prennent pas toute la mesure des choses. C’est aujourd’hui qu’il faut mettre en place un modèle migratoire européen fondé sur le respect de la règle de droit.

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