"On n'a pas tout fait pour l'emploi" petit bilan chiffré des mesures du quinquennat Hollande <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
"On n'a pas tout fait pour l'emploi" petit bilan chiffré des mesures du quinquennat Hollande
©Reuters

Macronade

Pour le ministre de l'économie Emmanuel Macron, "l'emploi repart" et "la France a retrouvé une croissance". Une croissance qui d'après lui "ne viendra pas de l'extérieur". Quel bilan peut-on tirer des mesures prises par François Hollande en faveur de l'emploi depuis le début de son mandat ?

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

Voir la bio »
Eric Heyer

Eric Heyer

Éric Heyer est Directeur adjoint au Département analyse et prévision de l'OFCE (observatoire français des conjonctures économiques - centre de recherche en économie de Sciences Po).

Voir la bio »
Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

Voir la bio »

Atlantico : En partant d'un point de vue général, quel bilan peut-on tirer ? Qu'est-ce qui, selon vous, a fonctionné ou non dans les mesures prises par François Hollande en faveur de l'emploi ? 

Gilles Saint-Paul : La performance de la France en matière d'emploi est catastrophique. La conjoncture internationale de ces trois dernières années a été relativement favorable. La BCE pratique une politique de taux quasiment nuls. Le chômage baisse dans la plupart des pays développés. Mais pas en France. Depuis l'élection de François Hollande, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a augmenté de plus de sept cent mille personnes. Cent-cinquante mille emplois salariés marchands ont été détruits.

Or, sur le papier, des politiques en faveur de l'emploi existent. Les deux principaux axes en sont les contrats aidés et les réductions de charges telles que le CICE. Ces politiques ont donc eu des résultats plutôt faibles, certainement inférieurs à ce qu'on pourrait attendre en ce qui concerne le CICE. 

La raison principale en est que la ligne du gouvernement sur le front de l'emploi n'est pas claire, ce qui réduit la crédibilité de ces politiques et donc leur efficacité.

Il n'y a aucun effort pour réduire les dépenses publiques, réformer le système de retraites ou s'attaquer aux rigidités structurelles que constituent le SMIC, la protection de l'emploi ou encore le système de négociation collective. Par ailleurs, des contraintes supplémentaires sont imposées aux entreprises telles que compte-pénibilité, taxation des CDD, interdiction du travail à mi-temps ou encore mutuelle obligatoire.

Cela a deux conséquences importantes :

Primo, les mesures de soutien à l'activité ne sont pas financées sur le long terme. Les entreprises comprennent que ces mesures devront être écornées et/ou que des impôts supplémentaires devront être levés pour les financer. Pendant ce temps, la dette augmente et avec elle le risque d'une attaque des marchés contre la France. Tous ces facteurs ont un effet négatif sur l'embauche et l'investissement.

Secundo, les entreprises comprennent qu'une économie de marché florissante n'est pas dans l'ADN des socialistes et qu'ils ne recourent à ces mesures que contraints et forcés par une conjoncture médiocre. Elles en concluent que si l'économie repart le gouvernement les traitera à nouveau comme des vaches à lait et que leurs coûts augmenteront; et ce n'est pas la peine d'embaucher si léconomie ne redémarre pas. Ces anticipations nuisent donc également à l'embauche et à l'investissement.

Pierre-François Gouiffes : L’emploi et le chômage constitue un point très important de la communication depuis le début du quinquennat de François Hollande, qui a maintenu cette ligne à la différence de Jacques Chirac en 1995 (remplacement rapide de l’emploi par la réduction des déficits liée à la qualification pour l’euro) ou du Premier ministre Dominique de Villepin en 2005 dont la « bataille pour l’emploi » s’est fracassée en moins d’un an sur l’échec du CPE.

Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler le verbatim des quatre vœux aux Français successifs de François Hollande : 2013 (« toutes nos forces seront tendues vers un seul but : inverser la courbe du chômage d’ici un an. Nous devrons y parvenir coûte que coûte »), 2014 (« je vous le redis ce soir : je n’ai qu’une priorité, qu'un objectif, qu’un engagement, c'est l'emploi ! »), 2015 (« notre obligation, j’allais dire notre obligation commune, c’est la lutte contre le chômage ») et enfin 2016 (« La lutte contre le chômage reste ma première priorité. »).

En face de cet axe fort et réitéré de communication, le nombre de DEFM a augmenté depuis avril 2012 de 23 % (680 000 demandeurs d’emploi en plus à 3 574 800 à fin novembre 2015 selon Pole Emploi. Avec 35 mois de hausse et 8 seulement de baisse depuis le début du quinquennat, il n’y a jamais eu à ce jour deux mois successifs de baisse même si cela va venir car la tendance semble en train de se retourner (après huit ans de hausse !). En comparaison internationale, le taux de chômage français (Eurostat novembre 2015) est à 10,1% contre 9,1% pour l’Union européenne à 28, et se situe au double de celui des deux autres grandes économies européennes (4,8% pour l’Allemagne et 5,2% pour le Royaume- Uni).

Donc il y a à ce jour une contradiction entre le poids de l’emploi et du chômage dans le discours et les résultats, d’autant plus que François Hollande a plus ou moins conditionné le fait de se représenter à une baisse significative du chômage. Un sondage récent (Les Echos, Radio Classique, Institut Montaigne) démontre enfin la considérable perte de crédibilité de la parole politique en matière d’emploi.

Les divers contrats aidés coûtent à la France 2,5 milliards d'euros, dont 1,2 milliard pour les seuls contrats d'avenir. Ces mesures qui diminuent partiellement le chômage chez les moins de 25 ans, servent-elles réellement la relance de l'emploi ? 

Gilles Saint-Paul : Le problème des emplois aidés, et notamment ceux qui profitent au seul secteur public, c'est qu'ils enlèvent des chômeurs du marché du travail en leur confiant en général des tâches peu utiles. A court terme les statistiques du chômage baissent, mais c'est un effet purement cosmétique. Le fonctionnement du marché ne s'est nullement amélioré. Le chômage élevé résulte d'une mauvaise prise en compte des intérêts des chômeurs dans les négociations salariales.  Ces derniers exercent cependant une forme de discipline sur la formation des salaires, à cause du risque de perte d'emploi associé à des hausses excessives. Dans ces conditions, retirer cent mille personnes de la recherche d'emploi au moyen de contrats aidés réduira cette discipline. Cela se traduira à moyen terme par des pressions supplémentaires à la hausse sur les salaires, ce qui annulera une bonne partie des effets cosmétiques initiaux sur le chômage, avec des effets clairement négatifs sur le P.I.B. Les contrats aidés constituent donc une mauvaise idée pour relancer l'emploi, et il n'est pas étonnant que l'on n'observe pas de résultats probants malgré le recours massif à ce type de mesure.

Eric Heyer :Lorsqu’on parle d’un milliard et demi de coût, c’est ce qu’on appelle le coût ex ante, pas le coût ex post. C’est à dire que cela coute environ 10 000 euros par an et par bénéficiaire, mais ces gens là, la somme qu’ils reçoivent, ils l’a consomment, donc ils payent la TVA dessus. Il y a des effets retours qui ne sont pas négligeables. C’est ceux que l’on appelle les effets ex post. Quand vous faites l’étude bouclée, cela coute en réalité moins que ça. Certains sortent de l’indemnisation au chômage, du coup il y a des dépenses en moins, et il y a des recettes en plus liées à plus de TVA et à l’impôt sur le revenu que les bénéficiaires payent. Ce que montre les études bouclées, c’est que globalement vous pouvez diviser par deux et demi le coût.

Il faut distinguer le traitement social du chômage habituel des emplois d’avenir. D’un point de vue théorique, les contrats aidés standard sont efficaces sous certaines conditions. Ils sont efficaces si vous les appliquez à des chômeurs qui ne sont pas trop éloignés du marché du travail. A des chômeurs qui ne sont pas de longue durée. Si vous les couplez à de la formation, et dans une période de non récession. Il faut qu’il y ait quand même un peu de croissance économique. Si toutes les conditions sont présentes, c’est efficace. A l’inverse, des contrats aidés ciblés sur des chômeurs de longue durée qui n’ont pas de qualifications sans coupler le tout à de la formation, ce n’est pas efficace.
En revanche, les emplois d’avenir sont d’une toute autre logique. Il faut au contraire les cibler sur des chômeurs de longue durée, qui n’ont pas de qualifications. Lorsque vous faites parti de ces 150 000 jeunes qui sortent sans rien du système scolaire chaque année, qu’il y ait 2% ou 0% de croissance, vous êtes au chômage. Ce n’est effectivement pas un emploi aidé, ni une formation de 10 semaines qui va changer la donne. La seule façon de le faire c’est de vous qualifier à un métier.

Mais on ne vous qualifie pas à un métier en 10 semaines ou en 8 mois. C’est en cela ou les contrats d’avenir sont intéressants. Si vous formez ces jeunes là à un métier pendant trois ans, vous avez une chance d’avoir un résultat. Surtout avec la façon dont sont faits les emplois d’avenir, le partage entre la formation et l’expérience de terrain. Si vous les ciblez sur les bonnes personnes et sur des métiers d’avenir, vous pouvez obtenir des bons résultats. Il est certain qu’un emploi d’avenir n’est pas intéressant sur des personnes qualifiés, qui n’ont pas besoin de 3 ans. Pareil si vous les formez à des métiers qui n’ont pas d’avenir. L’idée c’est d’essayer de déterminer et de cibler les métiers de demain. Des métiers avec une qualification faible ou moyenne qui risque d’être sous tension d’ici 3 ans. Au bout de ces années, les personnes formées peuvent tenter leur chance sur le marché du travail.

Si vous le faites bien, ce genre de politique peut être efficace, en ciblant les bonnes personnes. Ca peut aussi être une catastrophe si ce n’est pas fait à bon escient. Si, dans le traitement social du chômage vous mettez des chômeurs de longue durée, et si dans les emplois d’avenir vous mettez des chômeurs qualifiés, ca n’aura aucun intérêt. A l’heure actuelle, l’efficacité des emplois d’avenir est impossible à juger. Le devoir de l’Etat est de prendre en charge ces 150 000 jeunes sans rien. Cela nécessite d’avoir une bonne idée du type de métiers auxquels il faut les former. C’est un peu ce que fait le ministère du Travail avec l’Education National. Ce qu’ils appellent le projet métier qualification (le PMQ), qui consiste à anticiper à l’horizon de 3 ans quels vont être les métiers sous tension. Une fois qu’ils auront déterminé cela, il faut utiliser ces résultats pour former via des emplois dans le secteur non-marchand dans un premier temps pour apprendre.

Pierre-François Gouiffes : Dans son ouvrage remarqué de 2013 « Chômage : inverser la courbe », Bertrand Martinot a écrit un chapitre spécifique sur « la drogue dure des contrats aidés », une politique qui a une trentaine d’année et que François Hollande est loin d’avoir inauguré et que Bertrand Martinot considère comme un véritable fléau.

Les contrats aidés correspondent à un traitement social, politico-statistique et budgétaire du chômage. Social car il s’agit de créer des emplois notamment dans le secteur non marchand sans avoir à s’attaquer aux tabous du fonctionnement du marché du travail français (contrat de travail, salaire minimum, flexibilisation, seuils…). Politico-statistique car il permet de montrer un activisme gouvernemental qui peut être utilement rappelé lors de la présentation mensuelle des chiffres du chômage qui devenue un véritable rituel républicain. Budgétaire car il y a un subventionnement public massif des contrats aidés qui génère d’ailleurs un effet d’éviction sur les autres actions envisageables en matière de politique de l’emploi.

Tout cela pour un résultat de plus en plus contesté puisque différentes études démontrent que le passage par un contrat aidé qui a une forte dimension occupationnelle diminue l'employablité des personnes qui y sont passée et donc réduit leur capacité à véritablement être partie prenante à un marché du travail assaini.

Le Cice a eu un impact sur la sauvegarde de l'emploi, les salaires, mais pas sur la compétitivité. Pour quelles raisons cette mesure n'a pas eu l'effet escompté sur les entreprises ? 

Gilles Saint-Paul : Malgré la baisse substantielle des charges représentée par le CICE, le coût du travail continue à augmenter, ceci en dépit de la hausse du chômage. C'est préoccupant parce que cela signifie que l'effet de discipline du chômage sur les salaires est faible, ce qui a permis aux "insiders" de s'approprier les gains du CICE sous la forme de hausses de salaires, au détriment de la création  d'emploi. Au total, à cause de ces effets, le CICE aura eu un impact limité sur l'emploi et n'aura pas résolu nos problèmes de compétitivité. Notons cependant qu'une partie de la hausse du coût du travail est due à des mesures en  contradiction avec la philosophie du CICE, parce qu'elles tendent à augmenter les coûts des entreprises: mutuelle obligatoire, portabilité de l'assurance-chômage, taxation des CDD, etc. Quoi qu'il en soit, la leçon à tirer de ces observations c'est que l'on ne résoudra pas le problème du chômage à moins de remettre en cause les mécanismes de négociation collective, comme ont d'ailleurs commencé à le faire les Espagnols.

Eric Heyer : Ce qu’on peut dire, même si c’est trop tôt pour faire des bilans bien nets, c’est que le Cice a eu un effet emploi, c’est ce qu’on a montré dans une étude sortie en décembre. Il y a eu un effet création/sauvegarde d’emploi. Mais pour des montants qui sont quand même assez conséquents, en l’occurrence 20 milliards pour le Cice. La question que l’on peut se poser est de savoir si on n’aurait pas pu faire mieux avec les mêmes montants. C’est une question compliquée parce que le Cice est un crédit d’impôts mais compétitivité/emploi. Il y a un effet positif sur les salaires, un effet positif sur les emplois et un effet négatif sur les prix. Donc l’effet compétitivité peut avoir lieu. Ce qui est étonnant est l’effet sur les salaires, auquel on ne s’attendait pas. Quand vous faites des baisses de cotisations pour les entreprises, ce n’est pas pour qu’elles le redistribuent en forme de salaire. C’est soit pour qu’elles embauchent, soit pour qu’elles restaurent leurs marges, ou qu’elles baissent leurs prix et gagnent en compétitivité. Les entreprises se plaignaient d’avoir un coût du travail trop élevé, comme le disait le rapport Gallois. Pourtant il y a eu un effet d’augmentation des salaires. Mais on ne peut pas être assez précis pour savoir qui en a bénéficié. Les bas salaires ? Les hauts salaires ? Est ce que c’est sous forme de prime ou est ce une rémunération au sens large que l’on a évalué ? Si c’est sous forme de prime, ce n’est pas si grave puisque les primes vont disparaître.

Cela peut être sur des salaires élevés, ce qui serait un peu gênant. Ca laisserait entendre que globalement il y a deux marchés du travail. Le marché du travail des peu qualifié et le marché du travail des qualifiés. Celui des bas salaires et celui des hauts salaires. Sur le premier, il y a du chômage de masse et sur le deuxième, il n’y a pas de chômage. Donc les tensions crées font que vous augmentez les hauts salaires pour les garder. C’est une possibilité et donc vous utilisez le Cice pour le redistribuer aux hauts salaires. Et dans ce cas ce serait injuste puisque le Cice n’est pas fait pour ça, d’autant plus qu’il est financé par une augmentation de la TVA. Ca reviendrait à augmenter les impôts pour tout  le monde et en verser une partie pour les hauts salaires. Cela creuse les inégalités. 

Pierre-François Gouiffes : Avant de parler du CICE, il faut rappeler que la France a connu de 2011 à 2014, à cheval sur les deux quinquennats, un choc fiscal d’une ampleur inédite depuis le début des années 1980 avec une augmentation de 3,4% des prélèvements obligatoires en proportion du PIB soit un prélèvement supplémentaire sur l’économie de 75 à 80 milliards d’euros par an. Il faut également rappeler que le CICE au mécanisme un peu compliqué a servi de substitut à la TVA sociale mise en place en toute fin de mandat par Nicolas Sarkozy, retirée ensuite par François Hollande qui semble toutefois avoir exprimé en la matière des regrets rétrospectifs.

Le CICE a eu toutefois la vertu de rappeler l’importance de la compétitivité économique et constitue un déplacement non négligeable du poids fiscal des entreprises vers les ménages avec un effet positif sur le coût du travail redevenu plus favorable que le coût du travail allemand. Il n’est pas de nature à régler les problèmes importants du marché du travail français marqué par le fait que le coût du travail ne s’ajuste pas à la baisse en situation de chômage élevé comme c’est le cas aujourd’hui.

Le plan de formation de 500 000 chômeurs annoncé par Hollande, qui coutera près d'un milliard d'euros est-il un tour de passe-passe du président pour diminuer les chiffres du chômage avant la prochaine campagne présidentielle ? 

Gilles Saint-Paul : Oui, oui et oui.  Je ne vois pas d'autre explication pour cette tentative désespérée  d'utiliser à nouveau des méthodes qui ont prouvé leur inefficacité. Dans la mesure où Draghi et la Commission de Bruxelles laissent financer ces plans par de la dette, ils pourraient bien fonctionner par le simple jeu du retrait de 500.000 chômeurs "en formation" des statistiques,  alors que les effets négatifs de ces politiques associés à la fiscalité et à la pression salariale ne se feront sentir que plus tard, après les élections. C'est pourquoi, pour se faire une idée de la santé du marché du travail français dans les mois qui viennent, il faudra s'intéresser à d'autres indicateurs que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A qui fait la une des journaux. Je songe notamment à l'emploi marchand et à la durée du chômage. 

Eric Heyer : J’hésite entre malin et naïf. C’est malin parce que personne ne peut être contre la formation national. Il vaut mieux avoir un objectif de 500 000 qu’un objectif trop peu élevé.  C’est un objectif, mais on ne se limite pas dans l’ambition. On sait très bien qu’un des scandales dans la formation professionnelle serait que les chômeurs n’y aient pas accès. Un des problèmes du chômage est qu’il y ait des chômeurs qui n’ont pas du tout de qualifications. Or tout le monde s’accorde pour dire qu’il leur en faut. Et qu’une partie du chômage structurel en France est lié à ça. Donc dire : « on va qualifier les chômeurs », personne ne peut être compte. C’est malin de se point de vue là. Ensuite en faisant passer un maximum de chômeurs d’une catégorie à une autre, ca va diminuer le nombre de chômeurs de 10 000 tous les mois.

Dans une période pré-électorale, où l’enjeu est d’inverser la courbe du chômage, c’est assez malin aussi. Aucun économiste ne critiquera le gouvernement en disant qu’il ne faut pas former les chômeurs. C’est aussi naïf dans le sens où on a l’impression qu’il découvre maintenant que le problème du chômage est la qualification alors qu’on le sait depuis un moment. Il aurait fallu se réveiller plus tôt et faire différemment. Encore une fois, on en revient au fait de savoir qui va cibler cette formation. Si vous prenez des chômeurs de très longue durée, comme ça semble être le cas, ca ne sert pas à grand chose. Aujourd’hui, en dix semaines vous n’allez pas reformer un chômeur de très longue durée. Avec 1,5 de croissance économique, ce n’est pas lui qui sera embauché. Cela va faire baisser transitoirement le chômage avant les élections mais après ca reviendra. D’un point de vue efficacité et pour le même prix, on aurait pu créer 100 000 emplois d’avenir qui seront plus efficaces. Un emploi d’avenir qui va durer trois ans, vous êtes surs qu’à la fin, vous leur aurez appris quelque chose. En 10 semaines, je ne pense pas qu’ils puissent apprendre autant.

La France est l’un des pays qui a le plus réformé sur les dix dernières années. On a des performances économiques qui, alors qu’elles étaient toujours meilleures que celles de la zone euro, commence à être moins bonnes. C’est un problème de croissance économique. Une partie de l’erreur a été que les grosses politiques, qui coûtent le plus cher, sont des politiques d’offre financées par un choc de demande de moindre ampleur. Les milliards dont on parle sont en fait un transfert de revenus des ménages vers les entreprises. C’est un choc d’offre et aussi un choc de demande, mais négatif. Or à court terme on sait que les chocs de demande l’emportent sur les chocs d’offre, mais à moyen terme ce n’est pas vrai. Donc les effets négatifs du choc de demande l’ont emporté sur les effets positifs du choc d’offre. En revanche les effets positifs vont arriver maintenant, donc le meilleur est à venir. 

Pierre-François Gouiffes : J’ai rappelé en début d’article la situation politico-médiatique un peu inédite dans laquelle s’est placé François Hollande coincé entre une communication ritualisée sur la baisse du chômage - dont le lien entre baisse du chômage et retour devant les électeurs – et une absence totale à ce jour de retournement de tendance à quinze mois du premier tour des élections présidentielles.

François Hollande a précisé lors des vœux aux français les trois - nouveaux - axes de son plan d’action (avant il y a surtout eu les contrats aidés et le CICE) : la réforme du droit du travail (mais dans le cadre probable d’un exercice a minima du fait de la gestion de sa majorité parlementaire), l’apprentissage (qui n’a clairement pas été une priorité en début de quinquennat notamment d’un point de vue budgétaire) et enfin la formation des demandeurs d’emploi, pour laquelle le soupçon de gestion « statistico-médiatico-budgétaire » ne peut effectivement pas être totalement levé. L’impératif reste à mon sens davantage un véritable assainissement du marché du travail.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !