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219 nouveaux "candidats" dont 10 qui pourraient ressembler à la Terre... Plongez dans le monde des découvreurs de planètes
©Reuters

Almageste

Les découvertes de nouvelles planètes sont toujours des événements très médiatisés. Et pourtant, on ignore tout du processus qui se cache derrière, et comment leur révélation est le fruit de plusieurs années de recherche.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Août 2016, nous découvrions une exoplanète autour de notre étoile voisine, Proxima Centauri. En février 2017, c'est un cortège de 7 planètes gravitant autour de l'étoile Trappist que l'on observa pour la première fois. Enfin, la découverte de 219 planètes par le télescope Kepler fut annoncée il y a quelques jours, dont 10 d'une taille égale à la Terre. Que représentent ces avancées pour la communauté scientifique? Comment découvre-t-on 219 planètes d'un coup? Peut-on expliquer cet effet crescendo?

Olivier Sanguy : Ce sont ce qu'on appelle plus exactement des "candidats planétaires" et la nuance est importante. Elle explique aussi pourquoi on ne découvre pas 219 exoplanètes d'un coup. Nous parlons ici du télescope spatial Kepler de la NASA et des données qu'il a engrangées en observant pendant 4 ans une région bien précise du ciel dans la constellation du Cygne. Kepler n'a pas été conçu pour faire des images comme Hubble. En fait il mesure les variations de luminosité d'environ 100 000 étoiles. Or, lorsqu'une planète passe devant son étoile, elle bloque une partie de la lumière émise ce qui se traduit par une baisse d'éclat de l'étoile concernée. Les scientifiques qui utilisent les données de Kepler travaillent donc sur une masse incroyable de mesures de luminosité et il faut faire attention à ne pas toutes les prendre pour un transit, c'est-à-dire le fait pour un monde de passer devant son étoile. En effet, l'activité d'une étoile peut mener à des variations de luminosité. Il y a ainsi un énorme travail de tri statistique, un "data mining" version recherche des exoplanètes et qui demande du temps. C'est pourquoi au terme d'un tel travail on annonce qu'on a "trouvé", en fait déduit, tant d'exoplanètes. Cette récolte de 219 candidats planétaires est d'ailleurs la huitième effectuée à partir des 4 ans d'observations de Kepler. À chaque fois, les méthodes de "data mining" s'affinent, permettant de débusquer de nouveaux candidats. Et il s'agit bien de candidats, en ce sens qu'il faut vérifier l'existence supposée de ces 219 mondes avec d'autres télescopes pour éviter un biais instrumental, c'est-à-dire une éventuelle erreur de mesure liée à l'instrument, en l'occurrence Kepler. Si on se limite au premier catalogue de données sur les 4 années de la mission principale de Kepler, on en est à 4034 candidats planétaires dont 2335 ont été vérifiés avec d'autres télescopes et même parfois avec d'autres méthodes (comme la vitesse radiale). Sur ces 2335, une trentaine d'exoplanètes ont une taille comparable à la Terre et orbitent dans la zone habitable de leur étoile, donc ni trop près et ni trop loin pour que l'eau liquide à la surface soit possible... si bien d'autres facteurs qu'on ne peut pas vérifier ou que très partiellement, comme l'existence d'une atmosphère, sont réunis.

Quelles sont les caractéristiques de ces planètes qui ont mené à leurs découvertes? Pourquoi la taille d'une planète est-elle importante?

Kepler utilisant la méthode du transit, il faut tout d'abord qu'on ait la chance que le plan orbital soit tel que l'exoplanète passe devant son étoile ! Et ce n'est pas toujours le cas : on peut très bien observer un système stellaire par le haut pour ainsi dire. À ce moment-là, Kepler ne verra aucun transit. C'est aussi pourquoi Kepler observait autant d'étoiles à la fois : afin qu'il y en ait un nombre suffisant dans le bon axe ! Pour la taille, ce critère est important car lorsqu'une planète est trop petite, elle n'a pas un champ gravitationnel suffisant pour retenir une atmosphère. Ensuite, si elle est trop grande, on entre dans le domaine des géantes gazeuses qu'on estime moins favorable au vivant. Car la recherche des exoplanètes est liée à la question de la vie dans l'univers. On cherche à savoir si la Terre est une exception remarquable ou si d'autres mondes sont susceptibles d'abriter du vivant. C'est pourquoi l'autre critère est celui dit de la zone habitable, comme dit précédemment, c'est la distance d'une étoile à laquelle l'eau liquide est théoriquement possible à la surface de l'exoplanète. Cette distance dépend bien évidemment de l'étoile. On se base sur l'eau liquide car c'est un critère qu'on a identifié comme primordial pour la vie. Ce n'est pas parfait, mais il faut bien commencer par des indices dont on sait qu'ils sont importants.

Lancé en 2009 dans l'espace, le télescope spatial Kepler orbite depuis la Terre. Pourquoi n'a-t-on pas découvert ces systèmes plus tôt? Quelles peuvent être les autres missions de Kepler?

Plus exactement, Kepler n'orbite pas autour de la Terre. Il est sur l'orbite de la Terre, donc il tourne autour du Soleil, mais "derrière" la Terre. Bien évidemment, on n'a pas attendu Kepler pour découvrir des exoplanètes. Cependant, Kepler est un télescope spatial spécifiquement conçu pour en trouver avec la méthode du transit donc en mesurant les variations de luminosité. Avec une ouverture de 95 cm de diamètre et surtout un dispositif particulièrement performant pour quantifier les variations d'éclat des étoiles, Kepler a représenté une avancée en performance qui explique son "score" de découverte. Surtout, étant dans l'espace, il n'est pas gêné par la turbulence atmosphérique et il ne fait que ça !

Enfin, la NASA a doté cette mission des moyens informatiques nécessaires au travail sur les données récoltées. Les découvertes annoncées sont issues des données des 4 premières années d'observation. Depuis 2014, Kepler souffrant d'un problème avec ses gyroscopes, il ne pouvait plus maintenir son pointage extrêmement stable vers la même portion de ciel. Il a donc été décidé qu'il observerait successivement plusieurs portions de ciel et cette nouvelle phase de la mission est baptisée K2 pour Kepler 2. L'exploitation des données de K2 a commencé et quelques découvertes d'exoplanètes, plus exactement de candidats planétaires, ont même été annoncées. Enfin, l'autre mission souvent oubliée de Kepler, concerne la physique stellaire. Avec toutes les données de variations de luminosité cumulées, Kepler offre aux astronomes un suivi de la "vie" de 100 000 étoiles. Or son sait que ces variations de luminosité trahissent certains mécanismes internes. Il y a là un trésor à exploiter qui peut nous permettre de mieux comprendre la physique stellaire, mais cela demandera énormément de temps.

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