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Pétrole : poker menteur entre Téhéran et les Occidentaux
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Bluff ?

Pour mettre fin au programme nucléaire iranien, les pays occidentaux ont décidé de brandir la menace d'un embargo sur son pétrole. Téhéran réplique en préparant un blocage du détroit d'Ormuz, stratégique pour le transit pétrolier. Ni l'un ni l'autre ne semblent pourtant réellement envisageables pour les partis impliqués.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : Les Occidentaux ont brandi la menace d’un embargo sur le pétrole iranien, espérant ainsi mettre fin au programme militaire nucléaire de Téhéran. En réponse, plusieurs officiels ont déclaré que l’Iran pourrait dans ce cas facilement bloquer le détroit d’Ormuz. Le pétrole est-il le point faible de l’Iran ?

Thierry Coville : Le pétrole iranien est exporté par une société publique donc les recettes en devises sont transformées en monnaie nationale et sont propriété du gouvernement. Téhéran en tire 60% de ses ressources budgétaires. Pour les Iraniens, un embargo sur le pétrole, c’est quasiment un acte de casus belli. Le principe de l’embargo avait d’ailleurs déjà été évoqué mais pas aussi concrètement.

Il y a pourtant un manque de sérieux dans la manière dont ce projet d’embargo est venu sur la table. La France en a peut-être parlé un peu vite, sans vraiment mesurer les conséquences. Tout le monde sait que la Chine et l’Inde ont d’immenses besoins en énergie. Ils ne s’offriront pas le luxe de se passer du pétrole iranien simplement pour faire plaisir aux Occidentaux. Cet embargo ne sera jamais respecté par tout le monde.

Pourquoi brandir une telle menace tout en sachant qu’elle sera difficilement applicable ?

Les Américains et les Européens ont brandi cette menace en ayant à l’idée que l’Arabie Saoudite pourrait compenser le déficit en pétrole iranien en augmentant sa propre production. Il y aurait dans tous les cas un impact sur les prix. Mais surtout, suite à un accord récent au sein de l’OPEP, l’Arabie Saoudite ne prendrait pas le risque de se désolidariser des autres pays membres, dont l’Iran fait bien évidemment partie.

L’Iran rappelle que si jamais un embargo était mis en place, ce serait un acte grave et il pourrait répondre en bloquant le détroit d’Ormuz. Avec 40% du transit maritime pétrolier transitant par cet axe, il y aurait là une vraie crise de l’ensemble du marché pétrolier.

Un blocage du détroit d’Ormuz serait aussi catastrophique pour les Iraniens que pour le reste du monde. Eux-mêmes ne pourraient plus exporter leur pétrole. Nous sommes dans une guerre de la communication. Les Iraniens veulent simplement bien faire comprendre aux Occidentaux qu’ils ont les moyens de répondre si un embargo était décidé.

Cet échange de menaces proférées aussi bien d’un côté que de l’autre peut-il avoir dès maintenant un impact sur les prix du pétrole ?

Parler d’embargo pétrolier peut toujours avoir un impact. Certains pays européens comme la Grèce et l’Italie dépendent beaucoup du pétrole iranien. S’il y avait un embargo européen, ils seraient bien obligés d’acheter leur pétrole quelque part, ce qui entraînerait des conséquences sur le reste du marché pétrolier.

Si les intervenants sur le marché pétrolier ont le sentiment que les menaces, d’un côté comme de l’autre, peuvent être mises à exécution, il peut y avoir un impact sur les prix. Il faut déjà attendre de voir quel sera l’impact d’une loi votée il y a deux semaines par le Sénat américain. Elle autorise le Président Obama à geler les avoirs de n’importe quelle institution internationale qui commercerait avec la banque centrale iranienne dans le secteur du pétrole.

Les conséquences seraient visibles sur l’ensemble de l’économie mondiale. Vus la situation actuelle et les chiffres du chômage, notamment en France et en Italie, il ne serait pas souhaitable d’avoir encore en plus des complications sur le marché pétrolier et sur les prix du baril.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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