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Objectif (retour sur la) Lune : mais au fait, pourquoi ?
©Reuters

Apollo Creed !

Les enjeux politiques sont ceux qui prédominent dans la conduite de missions spatiales en direction de la Lune, reléguant ainsi les enjeux scientifiques au second plan.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : D’après certaines rumeurs, la Nasa serait en train de travailler sur un nouveau voyage en direction de la lune d’ici 2019. Quelques voix affirment que cette idée proviendrait directement de Donald Trump. Quel est l’intérêt politique d’un tel voyage ? Quels sont les enjeux et la signification d’un retour sur la lune ?

Olivier Sanguy : On prête en effet à Donald Trump un intérêt pour la Lune en ce qui concerne les vols habités. Il aurait même consulté dans sa Trump Tower, après son élection et avant d’arriver à la Maison-Blanche, un historien du spatial à propos de l’importance d’Apollo. De plus, certains de ses conseillers, comme le Républicain Newt Gingrich, sont favorables à un retour des astronautes américains sur notre satellite naturel. N’oublions pas qu’un tel retour avait été initié par le précédent président républicain, à savoir George W. Bush. Ce programme appelé "Constellation" fut annulé par Barack Obama qui préféra une logique à plus long terme, mais forcément plus vague, avec pour objectif une mission habitée vers Mars aux alentours de 2030 avec entre-temps l’envoi d’astronautes sur un astéroïde.

On remarquera que la Nasa a un peu négocié ce nouvel agenda en prévoyant de prélever un morceau sur un astéroïde avec une sonde robotique qui l’amènera sur orbite autour de la Lune. Du coup, l’agence américaine développe depuis plusieurs années le lanceur SLS et la capsule Orion qui peuvent amener des astronautes autour de la Lune, officiellement pour examiner le morceau d’astéroïde et en prélever des échantillons ! C’est pourquoi une mission habitée vers la Lune pour 2019 n’est pas impossible. Mais il faudra donner à la Nasa les ressources financières pour accélérer le développement du SLS et d’Orion. Et c’est là que la politique entre particulièrement en jeu. Donald Trump s’est plusieurs fois prononcé contre les programmes gouvernementaux trop coûteux en vue de réduire le déficit de son pays.

Toutefois, d’un autre côté, le retour d’Américains sur la Lune constituerait un symbole fort en accord avec son slogan "Make America Great Again". Et 2019 c’est le cinquantenaire d’Apollo 11. On a là un projet spatial employé comme démonstration de la puissance technologique et industrielle d’un pays. Selon comment le programme sera mené, l’objectif géopolitique pourrait cependant ne pas être le seul. Beaucoup de scientifiques estiment qu’il faut relancer l’exploration lunaire, car on est très loin d’avoir toutes les données nécessaires.

En quoi la question de la souveraineté de l’espace est essentielle pour l’avenir de la géopolitique ? Les Américains sont-ils toujours l’une des premières puissances mondiales dans ce domaine ?

La souveraineté a toujours été une composante importante du spatial. Dans ce milieu, on dit souvent qu’un lanceur est un vecteur de souveraineté. Pour comprendre, imaginez que l’Europe ne dispose pas d’Ariane 5 : nous serions alors obligés de demander aux Etats-Unis, à la Chine ou à la Russie de nous lancer nos satellites. Outre le fait de payer la prestation, ce qui n’est pas bon pour la balance commerciale, on prend surtout le risque d’un refus. Ce n’est pas une hypothèse.

Lorsque l’Europe a voulu lancer son satellite de télécommunications Symphonie dans les années 1970, faute de lanceur suffisamment puissant disponible, elle s’est tournée vers les États-Unis. Ils ont accepté à condition que le satellite reste expérimental et qu’il n’y ait pas d’exploitation commerciale. Ils comptaient ainsi protéger leur industrie. Cette mésaventure a montré aux politiciens européens qu’être indépendant pour l’accès à l’espace était un aspect de la souveraineté. Ce qui a beaucoup aidé à faire d’Ariane une réalité. De plus, le spatial est un excellent moteur d’excellence et d’innovation qui tire vers le haut les filières universitaires et industrielles. La Chine l’a très bien compris avec son ambitieux programme spatial basé sur des satellites de télécommunications ou d’observation de la Terre, mais aussi sur des vols habités (récemment, en octobre et novembre 2016, il y a eu la mission Shenzhou-11 d’un mois vers leur station spatiale Tiangong-2) et des missions d’exploration robotique lunaires et bientôt martiennes. À cette fonction de moteur d’excellence, s’ajoute bien évidemment celle de la démonstration et du symbole.

Les Américains restent ceux qui consacrent le plus gros budget au spatial, qu’il soit militaire ou civil. Notons que dans le budget de la Nasa, le spatial civil reste pourtant une dépense mineure avec 1% seulement du budget de l’État fédéral. Les États-Unis ont une logique qu’ils appellent eux-mêmes de "Spaces dominance" et ils tiennent ce rang. Néanmoins, les budgets ne disent pas tout, car dans certains pays, les salaires sont plus bas. En nombre de lancements, les Etats-Unis, la Russie et la Chine sont ainsi au coude à coude. Pour 2016, chacun de ces trois-là a procédé à une vingtaine de lancements. L’Europe est quatrième avec 9.

Malgré tous les intérêts politiques qui existent concernant un retour sur la Lune, quel sont les avancées scientifiques possibles ? Que pouvons-nous encore apprendre grâce à un voyage sur la Lune ?

La Lune détient, par exemple, des indices très importants pour comprendre la formation de la Terre ou les conditions qui régnaient au début de notre système solaire. Les missions Apollo ont permis de ramener 300 kg de roches lunaires. Mais - et c’est très symbolique - lorsque pour la première fois on a envoyé là-haut un géologue, Harrison Schmitt, ce fut aussi la dernière mission du programme, Apollo 17. C’est un peu comme si une fois qu’on avait atteint l’Antarctique, on avait cessé d’y aller. Or, aujourd’hui, il y a des bases habitées sur ce continent au sein desquelles sont menées d’importantes recherches scientifiques. La superficie de la Lune est égale à celle de tout le continent africain : c’est donc un monde qui reste à découvrir.

On soulève aussi parfois l’intérêt de la Lune pour le futur de l’énergie avec la fusion. Il est vrai que la surface est riche en hélium 3 avec lequel on peut théoriquement procéder à une fusion qui n’aurait pas de déchets radioactifs. Cette solution, qui semble idéale, se heurte toutefois à la difficulté de la fusion en tant que telle (elle est pour le moment expérimentale) et au fait que prélever l’hélium 3 lunaire demandera probablement des infrastructures imposantes. Si on est très loin de l’unanimité sur ce sujet, le débat qu’il suscite - et il peut être vif - démontre que la Lune attise les convoitises. Enfin, des astronautes et ingénieurs avancent que des missions habitées sur Lune constituent une bonne façon de préparer la grande étape martienne.

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