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La réélection d'Obama 
se jouera-elle le 2 août ?
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Crise budgétaire

Si le Congrès américain ne rehausse pas le plafond d'endettement du pays d'ici le 2 août, les Etats-Unis se retrouveront en situation de cessation de paiement. Et si Républicains et Démocrates ont tant de mal à trouver un accord, c'est que l'issue de la crise budgétaire pourrait bien influencer le résultat de la prochaine élection présidentielle, en 2012...

François Vergniolle de Chantal

François Vergniolle de Chantal

François Vergniolle de Chantal est maître de conférence à l'université de Bourgogne, et co-rédacteur de la revue Politique Américaine.

Il est également l'auteur de L'empire de l'exécutif (Armand Colin, 2007).

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Atlantico : Sur quoi porte le désaccord entre Républicains et Démocrates sur le rehaussement du plafond de la dette ?

François Vergniolle de Chantal : Les deux partis sont d'accord sur la nécessité de baisser le niveau d'endettement à moyen terme : les Républicains insistent sur des baisses des dépenses dans les programmes nationaux, alors que les Démocrates mettent l'accent sur les économies militaires, notamment avec les retraits d'Irak et d'Afghanistan.

Mais le calendrier à court-terme n'est pas le même. Les Démocrates voudraient une augmentation claire et nette du niveau d'endettement légal, tandis que les Républicains sont favorables à une série de petites augmentations régulières, sous l'impulsion d'Eric Cantor, le "whip" [chef de parti, ndlr] républicain au Sénat. Le calcul politique derrière cette position est clair : accepter d'augmenter le niveau d'endettement petit à petit, c'est maintenir la pression de l'opinion publique sur Obama en le faisant passer pour celui qui n'arrête pas de demander de plus en plus de dépenses... Dans ces conditions, l'objectif est de ternir sa réputation de gestionnaire d'ici aux présidentielles.


Comment se partage le pouvoir entre le Sénat et la Chambre des Représentants ? Quelles sont les possibilités d’intervention de Barack Obama?

En gros, la Chambre des Représentants a le pouvoir d'initiative budgétaire, et le Sénat les pouvoirs de confirmation des nominations et de ratification des traités. L'initiative législative est symétrique : chaque chambre peut adopter des lois, et les deux doivent être d'accord sur le même texte.

Obama ne peut pas gouverner avec le Sénat, qui est un chambre ingérable : l'obstruction procédurale, appelée "filibuster", y est systématique, car comme chaque sénateur peut parler sans être interrompu, le moindre prétexte est bon pour paralyser le débat. Le président ne peut donc compter que sur la Chambre.

En termes d'initiative politique, c'est la présidence qui a toutes les cartes en mains. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, tous les présidents ont été forts ! Ils ont les moyens institutionnels et légaux d'imposer leurs vues mais, à chaque fois, il y a un risque d'être puni aux élections.

Sur la question de la dette, il y a un débat entre les constitutionnalistes sur le 14ème amendement : l'une des interprétations consiste à dire que le Président n'a en fait pas besoin du Congrès pour augmenter le niveau de la dette, ce qui lui permettrait d'agir malgré le désaccord des deux camps. Peut-être Barack Obama attend-il que les Républicains se soient bien enfoncés avant d'agir par ce biais...


Une situation similaire s'est-elle déjà trouvée dans l'histoire des Etats-Unis ?

Le précédent le plus immédiat est la confrontation budgétaire entre Newt Gingrich et Bill Clinton, au cours de l'hiver 1995-1996. Le Speaker - Newt Gingrich - a essayé d'imposer un budget extrêmement dur au Président, qui a refusé de l'endosser. Derrière l'enjeu budgétaire, la question était de savoir quelle institution était en mesure de diriger. Le Président a joué avec habileté la carte de l'opinion publique : il a réussi à présenter la majorité républicaine du Congrès comme des extrêmistes prêts à sacrifier le fonctionnement du pays pour des objectifs purement partisans, et il a réussi.

L'impasse budgétaire a conduit à la "fermeture" de certains services de l'Etat fédéral ("government shutdown") en décembre 1995 puis en janvier 1996. Ce blocage a fait un tort considérable aux Républicains et a contribué à la réélection de Clinton, qui a réussi à apparaître comme le modéré responsable face à un Congrès radical. C'est ce qu'on appelle la tactique de la "triangulation". Il y a fort à parier qu'Obama tente de jouer la même carte.


Ce conflit est-il simplement lié à la présidentielle  à venir ?

Oui c'est un conflit essentiellement partisan. Le niveau de dette a été augmenté sans problèmes très régulièrement sous la présidence Bush. Personne n'en parlait.

Le jusqu’au-boutisme des Républicains vous semble-t-il dangereux ?

Les risques sont grands pour les Républicains s'ils maintiennent une tactique jusqu'au-boutiste. Ils peuvent contribuer à faire réélire Obama, un peu comme Clinton après son face-à-face avec Newt Gingrich.

Les Républicains sont prisonniers d'une surenchère idéologique qui est d'autant plus dévastatrices qu'ils n'ont pas de leader incontestable et crédible, à l'image de ce qu'est Obama pour les Démocrates. Cette abence relative de leadership laisse la porte ouverte à des "stars" pipolisées, qui multiplient les propos outranciers sans avoir la moindre responsabilité : Sarah Palin en est le meilleur exemple, au même titre que Glenn Beck.


Quel rôle le mouvement du Tea Party joue-t-il dans cette crise ?

Un rôle majeur ! Les membres de la Tea Party sont des "conservateurs fiscaux". Ils sont une quarantaine à la Chambre des Représentants, ce qui est largement suffisant pour influer sur le groupe. Ils sont pour l'instant la force motrice du parti, surtout depuis l'élection de nombre 2010, où les Républicains ont emporté la majorité des électeurs "indépendants". Dans le contexte d'une société sur-endettée, tout discours sur l'augmentation possible des impôts fédéraux est certain d'être bien accueilli.

Mais il est aussi possible que ces élus Tea Party deviennent aussi le principal problème des Républicains. Ils incitent le parti à être inflexible sur les questions budgétaires et, dans le contexte de la séparation des pouvoirs, cela peut avoir des conséquences rédhibitoires.

En cas d’absence de compromis entre Républicains et Démocrates, le pire est-il à envisager ?

Le pire ? Un "government shutdown", oui bien sûr. Un effondrement du standing financier des Etats-Unis sur le mode grec, certainement pas. Pour la simple raison que personne au monde n'a intérêt à ce que les Etats-Unis s'effondrent, ni les Européens, ni les Chinois. C'est le privilège d'une grande puissance....

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