NUPES : ces compromissions que François Mitterrand n’avait jamais accepté lors de la négociation du programme commun<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président François Mitterrand s'exprime lors de la première conférence de presse depuis sa réélection à l'Elysée à Paris, le 18 mai 1989.
Le président François Mitterrand s'exprime lors de la première conférence de presse depuis sa réélection à l'Elysée à Paris, le 18 mai 1989.
©DANIEL JANIN / AFP

Alliances

François Mitterrand n’a rien cédé au Parti Communiste lorsque le programme commun a été signé le 27 juin 1972, il y a 50 ans. Aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon trahit celui qu’il a admiré. Les socialistes ne doivent pas être complices de cet abandon.

Bernard Poignant

Bernard Poignant

Bernard Poignant est un homme politique français. Bernard Poignant a été maire de Quimper, député,  député européen, conseiller général du Finistère et conseiller régional de Bretagne.

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Jean-Luc Mélenchon veut être nommé Premier Ministre par le Président Macron au lendemain des élections législatives qu’il espère emporter. C’est une ambition honorable. Il le veut pour appliquer son programme d’Union Populaire dans son intégralité. Il faut donc le lire dans sa totalité. Il a été publié dans quatre carnets intitulés « L’Avenir en commun » puis prolongé par un livre titré « Le programme d’Union Populaire ». Ces documents forment un tout. On a connu dans l’histoire des talents oratoires qui enflammaient les foules et masquaient leurs intentions. Citoyens français, nous devons rester fidèles à notre lucidité et à notre esprit critique.

Plusieurs propositions respirent un parfum du 10 mai 1981 : 6ème semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, les 32 heures de travail par semaine, ces trois mesures votées par la loi. Puis vient une cascade de nationalisations qui vont de toutes les banques généralistes à toutes les infrastructures numériques et de télécommunications en passant par Sanofi et Arianespace et quelques autres entreprises. Cela coûte très cher mais peu importe puisque le dette est un « prétexte », n’est « pas un problème », et la Banque centrale européenne est invitée ou sommée à annuler une partie de la dette des Etats. Pas sûr que ça emballe nos créanciers dont nous aurons toujours besoin. Pas sûr non plume que les 18 autres pays qui partagent l’euro avec nous obéissent au doigt et à l’oeil à Mélenchon. Il y a de la nostalgie dans cette partie du programme et on comprend qu’il peut séduire de nombreux électeurs venant de la Gauche. Le candidat va d’ailleurs plus loin et s’en prend aux dirigeants qui ont privatisé des entreprises. Il propose de créer « une mission parlementaire spéciale pour faire le bilan des privatisations depuis trois décennies et permettre la mise en examen et la détention préventive des suspects ». Bigre..!! Ça nous ramène à la loi des suspects du 17 septembre 1793 et à Robespierre. Il a dû mal calculer : son délai rétroactif englobe le Gouvernement de Lionel Jospin dont il fut membre et qui a beaucoup privatisé…!!!

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Avant cela, il pose deux préalables. Le premier concerne l’Europe et il affirme : « Notre programme n’est pas compatible avec les règles des traités européens. Il nous faudra donc désobéir aux traités dès notre arrivée au pouvoir. La sortie des traités s’impose à nous. L’Union européenne, on la change ou on la quitte ». Cette position a le mérite de la clarté et on la retrouve au fil de la lecture des carnets. Ainsi « Chaque année, la France paie une somme de plus en plus importante pour se faire dépouiller. Elle reçoit toujours moins par rapport à ce qu’elle paye ». Hommage posthume à Margaret Thatcher et dos tourné à l’internationalisme.! Jean-Luc Mélenchon propose « d’annuler la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz », de « refuser la mise en concurrence du transport ferroviaire »,de « s’opposer aux directives de l’Union européenne ». De façon générale il rappelle que « le projet politique doit être repensé », ajoutant : » Il est temps de rompre avec le marché unique et la libre circulation des marchandises »,précisant même que « en finir avec le marché unique est une étape nécessaire à toute politique de transformation sociale et écologique de l’économie ». Il propose également « d’établir une taxe kilométrique aux frontières nationales ». Enfin, comme la candidate battue, il se prononce pour le « retrait du drapeau européen des bâtiments publics ». Tout cela nous conduit sans le dire à un Frexit sur le modèle du Brexit anglais. C’est une crise européenne immédiate et une sortie à petits pas de l’Union européenne.

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Le second préalable concerne nos alliances. Il est écrit dans ces carnets : « Sortir de l’Alliance Atlantique est un préalable », privilégiant la Russie, la Chine et « nos partenaires historiques latino-américains », sur le modèle du Vénézuéla de Chavez et Maduro. On sent l’anti-américanisme derrière cette stratégie. Le projet de défense européenne est évidemment rejeté et la France deviendrait un pays non-aligné, forme adoucie de neutralité. Dans ces conditions, il n’est rien dit de l’aide militaire à l’Ukraine, conséquence logique de ce non-alignement.

Sur ces deux dossiers, l’Europe et nos alliances, François Mitterrand n’a rien cédé au Parti Communiste lorsque le programme commun a été signé le 27 juin 1972, il y a 50 ans. Il se montrait audacieux sur les questions sociales et sociétales, souple sur l’économie et les nationalisations, intransigeant sur l’Alliance Atlantique et l’engagement de la France dans le projet européen. Aujourd’hui le candidat trahit celui qu’il a admiré et les socialistes ne doivent pas être complices de cet abandon.

D’autres propositions sont difficiles à accepter mais nécessaires à connaître : la révocation des élus en cours de mandat, concession au dégagisme ambiant ; le refus de la décentralisation qualifiée de « dissolvant de la nation » ; la suppression des métropoles et le remplacement des Conseils régionaux par des « Assemblées régionales citoyennes » comme si les élus n’étaient pas eux-mêmes citoyens ; la fin du financement public des écoles privées sous contrat au risque certain de relancer la guerre scolaire aujourd’hui apaisée depuis quarante ans.

Voilà quelques points qu’il faut avoir à l’esprit avant d’installer Jean-Luc Mélenchon à l’Hôtel Matignon avec son compagnonnage d’Insoumis. Il n’est pas sûr que la France sortirait renforcée d’une cohabitation entre un Président européen et un Premier Ministre anti-européen, entre en Président qui veut rester dans l’Alliance Atlantique et un Premier Ministre qui veut la quitter. De beaux jours en perspective..!!

Le PS et Mélenchon discutent pour aboutir à un accord dont le but est de sauver les meubles de quelques circonscriptions. Ils trouveront bien dans ces carnets quelques mesures pour faire semblant de s’entendre car cette union ne serait qu’une façade qui ne trompera aucun électeur. Les socialistes doivent savoir qu’ils s’engagent à avaler ce programme qui les poursuivra pendant tout le quinquennat.

Bernard Poignant

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