Nouvelle loi antiterroriste : voilà pourquoi le coût en libertés publiques excède de loin l’efficacité attendue<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors d'une conférence de presse en avril 2021.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors d'une conférence de presse en avril 2021.
©LUDOVIC MARIN / PISCINE / AFP

Technique de l'algorithme

Un nouveau "projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement" a été présentée ce mercredi en Conseil des ministres. Il contient notamment un volet renseignement. Le gouvernement souhaite pérenniser la technique controversée de l'algorithme.

Cédric Levieux

Cédric Levieux

Cédric Levieux est Porte-parole du Parti Pirate.

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Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : Pour lutter contre le terrorisme, le gouvernement va présenter un projet de loi pour pérenniser la technique controversée de l’algorithme, introduite jusqu’à maintenant uniquement à titre expérimental. Quelles sont les informations que ce système permet de recueillir et que les services de renseignements ne pouvaient pas recueillir auparavant ?

Pierre Beyssac : Rappelons qu’il n’y a rien de magique derrière le terme “algorithme”, nous en croisons tous les jours. Un algorithme est simplement une liste d’instructions. Une recette de cuisine est un algorithme.

D’abord, le ministre souhaite pérenniser les boites noires, introduites par la loi renseignement sous le mandat Hollande, qui étaient soumises à une « clause de revoyure » devant conditionner leur prolongation à leur efficacité réelle. Ce retour d’expérience n’a cessé d’être repoussé depuis et nous ne savons toujours rien de l’efficacité réelle du procédé.

Les boites noires ont instauré un renversement de la doctrine des écoutes : d’une écoute ciblée aux suspects identifiés par d’autres moyens, nous sommes passés à des écoutes larges pour identifier les comportements répréhensibles. En somme, nous sommes tous devenus suspects.

Ensuite, le ministre souhaiterait faire entrer les URL — c’est à dire les adresses web — dans le périmètre de la surveillance, ce qui présente deux écueils majeurs.

La surveillance de type « boites noires » est censée être limitée aux données de connexion, alors que les URL relèvent du secret des communications, bien plus protégé par les législateurs français et européen. Ainsi, la France a reçu ces derniers mois un rappel à l’ordre de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) sur l’encadrement des « données de connexion » et des boites noires, auquel le Conseil d’État a récemment répondu en demandant sous 6 mois une mise en conformité à divers titres de la loi française. Le ministre de l’Intérieur va devoir respecter ces critères, se heurtant ainsi à des obstacles juridiques protégeant nos libertés fondamentales.

Par ailleurs, et surtout, le chiffrement, qui protège la confidentialité de nos échanges, rend techniquement impossible l’écoute des URL. Or le chiffrement a été massivement déployé suite à l’affaire Snowden (écoutes illégales de la NSA) et concerne une part toujours croissante du trafic Internet, environ 80% actuellement.

Pour contourner cet obstacle, Gérald Darmanin a annoncé vouloir s’assurer de la collaboration avec les plateformes pour accéder directement à nos communications privées. À ce stade, nous ne savons pas ce qu’il entend par là. C’est un autre point de vigilance.

Les expériences passées ont-elles montré l‘efficacité de l’algorithme dans la lutte contre le terrorisme ?

Pierre Beyssac : Il est difficile de le savoir avec certitude, l’opacité étant la norme sur ces sujets. Les boites noires tirent ce surnom de l’absence d’information sur leur fonctionnement. Mais en raison du chiffrement évoqué précédemment, on peut penser que l’efficacité des boites noires est assez limitée.

Quels sont les risques en termes de menaces pour la vie privée et nos libertés numériques en général ? Ce risque est-il proportionné à l’efficacité du dispositif ?

Pierre Beyssac : La nature des menaces contre la vie privée s’étend, puisqu’au-delà des boites noires, il s’agirait potentiellement de demander aux plateformes l’accès à nos conversations privées par des modalités qui restent à préciser. Le ministre de l’Intérieur a également exprimé l’intention d’élargir sensiblement la quantité des écoutes.

Une extension de l’accès aux conversations privées constituerait une nouvelle atteinte à notre vie privée dans un contexte général d’« effet cliquet » concernant les lois sécuritaires, où il n’existe jamais de retour en arrière. Son efficacité peut être légitimement mise en doute, l’État n’ayant pas montré de volonté particulière de transparence sur les précédentes mesures.

Cédric Levieux : À cela s’ajoute la question des faux-positifs, soit parce que la méthode de détection va ratisser large, soit parce que les personnes qui auraient un comportement “similaire” à celui recherché seraient des universitaires, des journalistes, des personnes qui ont la légitimité d’enquêter mais qui noieront dans la masse les résultats pertinents. Quoi qu’il arrive, l’usage d’algorithmes ne saurait donc se passer d’une intervention humaine pour effectuer le travail pour lequel ils sont déployés, en l’occurrence ici le renseignement.

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