Non, mesdames, la médecine n'est pas gratuite<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les gouvernements successifs ont promis une santé accessible et gratuite pour tous.
Les gouvernements successifs ont promis une santé accessible et gratuite pour tous.
©Reuters

Bonnes feuilles

Le gynécologue de renom Marie-Claude Benattar alerte sur les dérives de patientes devenues "consommatrices de santé". Extrait de "Pilules de 3ème génération, vaccin anti-cancer du col de l’utérus... : La santé des femmes en danger" (1/2).

Marie-Claude Benattar

Marie-Claude Benattar

Marie-Claude Benattar est gynécologue, diplômée en gynécologie psychosomatique. Elle est pionnière dans la technique de l'amplification du point G.

Voir la bio »

Les gouvernements successifs ont promis une santé accessible et gratuite pour tous. Le gel des remboursements des actes médicaux par la Sécurité sociale et la création d’un secteur 2 en 1980 dont l’accès est conditionnel aujourd’hui ont creusé un fossé entre une population aisée pouvant bénéficier d’une mutuelle et donc consulter facilement et les autres.

L'autorisation d’exercer en « honoraires libres » est attribué aux anciens chefs de clinique, aux anciens assistants des hôpitaux, aux médecins ou chirurgiens des hôpitaux des armées, ou aux patriciens hospitaliers nommés à titre permanent ou à temps partiel, mais comptant au minimum cinq années d'exercice dans ses fonctions et pour une première installation. Même la CMU et l'A.M.G (accès gratuit aux soins sous certaines conditions) sont des mesures hypocrites (le patient pense que les soins sont gratuits et en abuse). 23 euros le remboursement (le même que pour un généraliste) d'une consultation auprès d'un spécialiste avec Bac + 10, trente ans d'expérience, et qui consacre vingt à trente minutes pour écouter, diagnostiquer, consoler, rassurer : de qui se moque-t-on ?

Le ressemelage de mes chaussures ou le nettoyage de mon imperméable me coûte le même prix. Mes tarifs qui, certes, comportent un dépassement n’ont pas bougé en trente ans d’exercice.Savez-vous que les médecins en secteur 2 s’arrangent pour faire le bilan et la prescription de votre traitement au cours d’une seule consultation annuelle, ne vous revoyant qu’exceptionnellement en cas de résultats anormaux ? Parfois, en une seule visite, nous réglons trois ou quatre problèmes présentés par une nouvelle patiente : son bilan annuel, sa contraception qui ne lui convient plus, sa « mycose répétitive », son désir sexuel en déclin, et parfois même au passage, des conseils pour sa fille de 14 ans.

On vous a fait croire que la médecine était gratuite, souvent pour des motifs électoralistes. C’est faux, elle a un coût. La consultation d’un médecin occasionne un travail lourd, sérieux et les examens choisis devenus de plus en plus sophistiqués ont un coût eux aussi.Lorsque je me suis équipée de l’appareil de traitement de la carte vitale, pour faciliter les remboursements de mes patientes, la plupart la confondaient avec une carte de paiement…

Comment respecter un diagnostic et une prescription quand dès le départ, vous pensez que votre médecin ne cherche qu’à faire du chiffre ? Le gouffre abyssal des dépenses de santé a été attribué au corps médical, étiqueté « prescripteur invétéré ». Nous avons tellement été stigmatisés qu’aujourd'hui nos patientes sont devenues très méfiantes.

*Mon diagnostic est-il juste ? Cet examen est-il vraiment nécessaire ? Cette décision thérapeutique est-elle bien posée ? *

Combien de fois entendons-nous après une consultation pleine, complète : combien vais-je être remboursée ?

*Combien de fois, à la fin d'une consultation, avons-nous été obligés de dire : « Ecoutez, consultez votre médecin référent ou un autre spécialiste et vous verrez si mon choix thérapeutique est juste ou non ».

Bien sûr, vous ne réagissez pas toutes comme cela, et vous avez appris au fil du temps à évaluer la fiabilité de votre spécialiste, au point de venir demander un avis sur tout autre problème de santé. Le plus souvent, si l’annonce d’un diagnostic ne correspond pas à l’idée que vous vous faisiez vous-même du problème, vous cherchez à vérifier en consultant plusieurs confrères, ce qui alourdit davantage encore les dépenses de santé.Un deuxième avis ou une réflexion auprès du médecin traitant peuvent être compréhensibles, mais il est regrettable que ce soit devenu monnaie courante. Cette profonde crise de confiance est dangereuse. En effet, la relation médecin-malade est essentielle. Elle compte pour moitié dans le succès d’un traitement, d’une prise en charge thérapeutique et de son suivi. Aujourd’hui, faire un diagnostic et établir un traitement n’est pas le plus ardu.

Le plus dur est de convaincre, de se faire entendre, malgré une multitude d’explications et de preuves biologiques ou radiologiques à l’appui. « Vous êtes sûre, Docteur ? J'ai vu sur Internet que... Ma belle-soeur, mon amie, mon autre gynécologue m’a dit que... »

__________________________________

 Extrait de "Pilules de 3ème génération, vaccin anti-cancer du col de l’utérus... : La santé des femmes en danger" (© Editions J.Lyon), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !