Non, la capitalisation n’est pas la solution qui permette d’échapper au défi démographique <!-- --> | Atlantico.fr
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Pourquoi les libéraux sont-ils convaincus que la capitalisation est la panacée dans le cadre de la réforme des retraites ?
Pourquoi les libéraux sont-ils convaincus que la capitalisation est la panacée dans le cadre de la réforme des retraites ?
©JOEL SAGET / AFP

Douche froide

Il y a d’autres arguments pour souhaiter un système de retraite par capitalisation mais il est malheureusement faux d’affirmer qu’elle nous permettrait d’échapper au ratio déclinant entre actifs et retraités.

Yves Montenay

Yves Montenay

Yves Montenay est centralien, Sciences Po et docteur en démographie politique (pays arabes), ancien chef d'entreprise et ancien directeur d'une école de management Il a enseigné à Sciences-po et à l'ESCP et est actuellement blogueur et enseignant au géopolitique

Son site web : http://yvesmontenay.fr/

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Atlantico : Pourquoi les libéraux sont-ils convaincus que la capitalisation est la panacée ?

Yves Montenay : Premièrement, les libéraux connaissent généralement bien l’économie et la finance. Il y a donc une différence culturelle avec d'autres courant politiques hostiles à l'économie de marché et à la finance. 

Deuxièmement, les libéraux s'imaginent que la capitalisation permet de contourner les contraintes démographiques. Ils disent : « Si un smicard économise le montant des cotisations de retraite de sa vie, et les place à 5 %, il aura une très bonne retraite ». Mais l’important est de savoir d’où l’argent viendra au moment de dépenser leur épargne. 

Je suis d'accord avec les libéraux pour dire que la capitalisation favorise la liberté, car on décroche alors de l’Etat. Les gens épargnent ce qu’ils veulent et partent quand ils veulent. 

Par contre les libéraux supposent que les sommes  épargnées, étant placées par des professionnels, nourrissent des investissements meilleurs que ceux générés spontanément par le marché à partir des dépenses des retraités  par répartition. J'avoue être sceptique et de toute façon c'est invérifiable.

Quels seraient les problèmes posés par le système par capitalisation ?

Le retraité par capitalisation aura une retraite de X, mais ce qui compte, ce n’est pas X, c’est ce qu'ill peut s’acheter avec. Or on ne peut acheter que ce qui a été produit. Pour produire, il faut des gens. Le retraité veut acheter des soins, donc il a besoin de médecins, mais il a aussi besoin de boulangers, de camionneurs, de prestataires en tout genre.

Or tous ces producteurs manquent. : le secteur hospitalier demande aux médecins retraités de revenir aider leurs. collègues en activité Les restaurateurs ont du mal à trouver des employés etc.. Donc ce qui compte, c’est ce qu’on peut avoir comme services ou biens avec sa pension, et ça ne dépend pas d'es systèmes de retraite. 

Par exemple, en capitalisation, supposons une épargne rapportant 5% théoriquement tous les ans. Qui va payer ces 5% ? Les entreprises, s'il s'agit d'obligations. Mais ces entreprises doivent bien se porter économiquement pour qu’elles payent, alors que la démographie va se concrétiser par des difficultés de recrutement. Ensuite, quandle retraité liquide son épargne. Il faut que quelqu’un achète ses titres. Il est probable que pour les mêmes raison que pour le système par répartition, il manquera des producteurs, donc des acheteurs. D’autant que les actifs n’ont pas seulement à s’occuper des retraités, mais également d’eux et de leur progéniture.

Pourrait-on imaginer des placements à l’étranger, là où les actifs ne manquent pas ?

Non, car les actifs sont encore plus rares ailleurs qu'en France. En Chine, quand les générations en activité était nombreuses, cela favorisait la croissance : il y avait des actifs et proportionnellement moins de « bouches » à nourrir. Maintenant que les jeunes actifs sont moins nombreux, c’est plus compliqué, alors que le nombre de gens âgés explose. On ne peut donc pas diversifier les placements car c’est pire ailleurs. En Italie, les jeunes, déjà peu nombreux, quittent le pays et vont dans d’autres pays européens, en particulier en Allemagne.

Que doit-on faire pour résoudre le problème démographique ?

On pourrait favoriser l’immigration, mais tout le monde n’est pas d’accord. Aujourd'hui les immigrés produisent et cotisent beaucoup mais il en faudrait encore davantage. Sinon il faudrait que les producteurs produisent plus, et donc travaillent plus. Un des moyens est de passer l'âge de départ de 62 à 64 ans ( nos voisins sont à 67 ans) : il y a deux ans de production de plus et 2 ans de retraités de moins à nourrir. Si on était en capitalisation, le nombre insuffisant de producteurs pousserait chaque épargnant à épargner quelques années de plus. Ce serait une autre façon de retarder l'âge réel de départ. À l'échelle nationale, les deux systèmes se ressemblent finalement beaucoup.

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