Noël en famille oui, Pâques non : ce que cette décision nous dit de l’acculturation au catholicisme des Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel Aupetit conduisant le chemin de croix au sein de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, le vendredi 2 avril 2021.
Michel Aupetit conduisant le chemin de croix au sein de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, le vendredi 2 avril 2021.
©Thomas COEX / AFP

La fête de la résurrection, ou du chocolat ?

Alors que Noël, malgré la pandémie, avait pu se tenir à peu près normalement, il n'en est pas de même en ce dimanche de Pâques : les rassemblements sont prohibés. Les Français, peu au fait de l'importance de cette fête, semblent s'en accommoder.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : Contrairement au mois de décembre, où le gouvernement avait tout fait pour que les Français puissent passer Noël avec leurs proches, ce weekend de Pâques est marqué par le reconfinement : impossible pour les Français de se réunir en famille. Alors que la fête de Pâques est, d'un point de vue purement religieux, plus importante que celle de Noël, cette différence montre que Pâques n‘est pas vécue comme Noël. Dans la façon que l’on a de vivre ces deux fêtes, quelles différences y a-t-il ?

Bertrand Vergely : Pour les chrétiens, Noël est le fête de la naissance du sauveur. Pâques est la fête de la résurrection. De Noël à Pâques, il y a la dynamique de ce qui va de la naissance du salut à son accomplissement. Depuis la Révolution Française, la société française est devenue une société laïque. Depuis une cinquantaine d’années, elle n’est plus simplement devenue une société laïque. Elle est devenue une société entièrement déchristianisée. Entre la Révolution Française et la deuxième guerre mondiale, bien que laïque, la société française avait encore une vague idée de ce que peuvent signifier Noël et Pâques. Aujourd’hui, interrogeons les Français à ce sujet. À part les chrétiens qui sont devenus une minorité, plus personne ne sait ce que sont Noël et Pâques. Plus personne n’en connaît la signification.

Les défenseurs de la laïcité ont espéré qu’il serait possible d’effacer définitivement la mémoire chrétienne de la France. Ils l’espèrent toujours. Comme ce n’est pas possible, deux mille ans de christianisme ne s’effaçant pas par un décret de loi proclamant la laïcité ou bien encore quelques dizaines d’années de laïcité, il a bien fallu faire avec les traces du christianisme dans la société française et notamment avec ces traces que peuvent être Noël et Pâques. La société antichrétienne et anticatholique qu’est la société contemporaine a trouvé la solution :

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1. Transformer les périodes religieuses de Noël et de Pâques en périodes de congés.

2. Transformer les fêtes religieuses de Noël et de Pâques en fêtes familiales.

3. Remplacer la symbolique religieuse de Noël et de Pâques par des événements gastronomiques, culinaires et pâtissiers.

C’est ainsi que Noël est devenu un congé d’hiver, une fête de la famille et une célébration du foie gras, de la dinde et de la bûche, tandis que Pâques est devenue un congé de printemps, la fête des enfants et une célébration du chocolat à travers les œufs, les cloches et les lapins. En remplaçant Noël et Pâques par la famille et les enfants la société laïque a transformé la célébration du salut en un culte de la fécondité.

Les Français sont très sensibles à Noël. Ils le sont moins à Pâques. Pourquoi ce moindre intérêt ? Est-ce parce qu’il n‘y a plus aucune culture catholique ?

Noël se prête plus à la fête que Pâques. La fin de l’année est propice à la fête. L’hiver est également propice à la fête. Enfin, la naissance de l’enfant Jésus permet de rassembler ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas. Pâques est moins propice à la fête. On est au tiers de l’année. L’ambiance n’est pas la même que lors d’une fin d’année. La fin d’une année invite à la fête. Le tiers d’une année, non. L’hiver invite à un dîner familial. Le printemps invite à un barbecue. Enfin, on peut se rassembler autour de la naissance. Autour de la résurrection, impossible. Si déjà la majorité des Français n’arrive pas à croire en Dieu, avec la résurrection on frôle l’unanimité. Qui croit qu’il existe une vie après la mort ? Plus personne ou presque. Bien qu’ils se disent chrétiens, bon nombre de chrétiens n’y croient guère.

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Au-delà de ces considérations pratiques, la mutation qu’a subi la culture explique cette désaffection pour Pâques comme fête majeure. Pour s’intéresser à Pâques et derrière Pâques à la résurrection, il faut avoir une préoccupation métaphysique. Il faut se sentir concerné par la question du sens de la vie, de la vie après la mort, du néant et de l’absurde. La société contemporaine a perdu tout sens métaphysique. Elle a congédié la question du sens de la vie en déclarant qu’à part le sens de la vie pour soi, cette question la dépasse. La question du néant passionnait le monde occidental au XIXème siècle et au XXème siècle. Aujourd’hui, tout le monde s’en moque en ne voyant aucun inconvénient à ce que la vie n’ait aucun sens et que tout se termine dans le néant.

Globalement, le pragmatisme utilitariste anglo-saxon a pris le dessus en devenant l’idéologie officielle du monde contemporain. Si on peut bien vivre dans ce monde, se dit-on, ce n’est pas si mal. Plutôt que de s’intéresser à la vie après la mort, on s’intéresse à la vie avant la mort en faisant sienne la formule qui clôt Candide de Voltaire : cultivons notre jardin !

Pâques et Noël ne sont donc plus vécusreligieusement. Est-ce le résultat de la laïcité ?

La laïcité est un concept politique et juridique et signifie la séparation de la religion et de l’État. Que l’État ne soit pas religieux n’interdit pas que la société le soit. Comme cela ne l’interdit pas, on peut fort bien imaginer un jour que la société entière devienne religieuse sans que l’État le soit. Cela ne se fera pas parce que la société contemporaine est devenue une société athée et non plus laïque.

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Aujourd’hui, quand dans un débat quelqu’un exprime une opinion religieuse, cette opinion est immédiatement mise de côté et considérée comme remettant en cause la laïcité. Résultat : la laïcité ne consiste plus à accepter que la société puisse être religieuse mais à refuser qu’elle le soit.

Afin d’informer ses élèves, un professeur propose de faire une exposition sur la Bible et son histoire. L’exposition est sur le point de voir le jour. Tollé d’un certain nombre de professeurs considérant qu’une telle exposition est contraire à la laïcité. L’exposition est annulée.

On s’interroge sur les raisons de la disparition du sens religieux de Noël et de Pâques. On a la réponse. S’il est permis de parler de Noël comme fête de la famille, du foie gras et de la dinde, s’il est permis de parler de Pâques comme fête des enfants du chocolat, des œufs, des cloches et des lapins, il est interdit de parler de Noël comme fête de la naissance du Christ et de Pâques comme fête de sa résurrection.

En 2004, à la demande de jacques Chirac, la notion de racines chrétiennes de l’Europe a été retirée du préambule de la Constitution européenne. Fait sans précédent : dire la vérité a été considéré comme de la propagande.

Si aujourd’hui Noël et Pâques ne sont plus fêtés religieusement, cela ne vient pas de ce que la société est laïque. Cela vient du fait qu’elle ne l’est pas. Si la société était vraiment laïque, il serait possible de parler de la symbolique religieuse de ces fêtes. Ce qui n’est pas possible. Rappeler que Noël et Pâques ont une signification religieuse et pas simplement gastronomique et pâtissière étant considéré comme une transgression de la laïcité.

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