Nicolas Sarkozy, le retour sur le front des propositions : politiquement habile, économiquement peu audacieux<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy prépare le terrain pour 2017
Nicolas Sarkozy prépare le terrain pour 2017
©Reuters

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L'ex-président de la République a accordé une longue interview au quotidien le Figaro. Si la verve de l'ancien locataire de l'Elysée fait toujours mouche, ce qui ressort de ses propositions politiques n'est encore qu'une synthèse de ce que propose la droite depuis plusieurs années. Quand à la dimension européenne, elle brille surtout par son absence.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : ISF, 35 heures, fonction publique, entreprises, retraites etc. Les thèmes développés au cours de l’interview que Nicolas Sarkozy a donné au Figaro, sont-ils de simples résonnances des élections de 2007 et de 2012 ?

Nicolas Goetzmann : Il existe effectivement une ligne directrice entre les programmes de 2007, de 2012 et ce qui a pu être proposé par Nicolas Sarkozy dans cette interview. Il s’agit donc plus d’une poursuite des premières intentions que d’une refonte idéologique. Mais qu’il s’agisse de "neuf" ou de "vieux", cela ne nous dit rien sur l’opportunité des réformes elles-mêmes. Ainsi, la proposition de repousser une nouvelle fois l’âge de la retraite peut paraître caricaturale, mais il s’agit d’une évidente nécessité. Car en termes d’années travaillées et d’âge légal de départ à la retraite, la France est très visiblement en décalage par rapport aux autres pays. (59 ans en moyenne pour le départ effectif à la retraite en France contre près de 63 ans dans les autres pays de l’OCDE). Concernant les autres mesures, notamment fiscales, le terrain est largement connu. Et les questions de l’abrogation de l’ISF, de la baisse des charges des entreprises, de la baisse des dépenses publiques sont des questions qui ont un potentiel politique plus important que leur réel potentiel économique. Et c’est ce qui frappe l’esprit dans cette interview ; il n’existe pas de projet, pas de souffle permettant de tracer la ligne vers un objectif. L’impression donnée est de vouloir jouer avec les quelques curseurs économiques traditionnels alors que la France et l’Europe restent engluées dans une crise d’une dimension extraordinaire. On ne peut plus raisonner dans les mêmes termes qu’en 2007.

Lire aussi : Retraites, fonctionnaires, 35 heures, ISF : ce que propose Nicolas Sarkozy en matière d'économie

A partir de ces propositions, est-il possible de déterminer un "nouveau" positionnement économique de Nicolas Sarkozy ? Notamment par rapport aux autres candidats probables de l’UMP ?

C’est à mon sens l’objectif de cette interview. Car l’ensemble des mesures présentées ici forment un condensé de ce qui peut être proposé par les différents candidats de l’UMP. Si l’objectif est de rassembler, la ligne économique développée ici correspond alors à l’intention. Entre une ligne plus libérale défendue notamment par François Fillon, et une ligne plus « souple » lorsqu’il indique sa volonté de baisser les impôts concomitamment aux baisses de dépenses, Nicolas Sarkozy réalise bien cette synthèse de ce qui se fait à "droite" aujourd’hui. Ce qui apparaît, c’est que pour l’ancien Président, la réduction des dépenses publiques n’est pas une fin en soi, c’est un assouplissement de position, même par rapport aux centristes. Par contre, en termes de nouveautés, il faudra attendre, car l’ensemble des points développés font partie intégrante du débat existant depuis plusieurs années. Il est à noter que la notion de "TVA sociale" n’a pas été reprise par le Président de l’UMP, ce qui peut s’expliquer par le fait que François Hollande l’ait plus ou moins mise en place, avec plus ou moins de succès, plutôt moins d’ailleurs.

Les charges menées à l’encontre de François Hollande sont-elles économiquement justifiées, ou volontairement exagérées ?

Les charges à l’encontre du pouvoir actuel sont plutôt factuelles, puisque chiffrées. Les trois années de stagnation économique, la question des déficits, les nombre de chômeurs, tout y est, mais le problème est qu’avec ce type d’approche, Nicolas Sarkozy se verra reprocher son propre bilan, qui n’est pas plus enthousiasmant à ce titre que celui de François Hollande. La nouveauté dans la critique, c’est la comparaison avec les autres pays européens. Et c’est sans aucun doute la ligne qui sera suivie à l’avenir parce qu’elle est la plus favorable à l’ancien Président. La France sous Nicolas Sarkozy a plutôt surperformé la zone euro, alors que la France sous François Hollande a plutôt sous performé ses partenaires européens  Avec un tel angle, François Hollande est fragile, car il s’agit de comparer des résultats relatifs, en abrogeant un contexte économique partagé par tous. Et ces résultats lui sont très défavorables.

Mais une telle comparaison cache peut être l’essentiel, c’est-à-dire le diagnostic macroéconomique européen. Car les deux Présidents ont été confrontés à un contexte de crise très lourd, auquel ils n’ont pas su faire face. Alors qu’un Président Français peut, et doit, influer sur les choix économiques européens.

Quelle est la cohérence économique de l’ensemble proposé par l’ancien président de la République ? Quels en sont les points forts et les points faibles ?

Pour le moment, ce "programme" est une addition de mesures porteuses politiquement mais elles ne forment pas une réponse à un objectif précis. Un point fort politique et une faiblesse dans la construction économique. Parce qu’il faut déjà établir un diagnostic. Le pays est confronté à sa pire crise depuis la seconde guerre mondiale, et ce n’est pas à cause des charges ou de l’ISF, il est donc nécessaire d’établir un diagnostic de crise. Une fois le diagnostic posé, l’étape suivante est de proposer un objectif, un horizon, comme le plein emploi, avec une échéance à moyen-long terme. Puis, une fois cet objectif fixé, on construit un programme avec des mesures, des propositions, des réformes, qui reposent sur une colonne vertébrale solide et dont les contours sont tracés. Ainsi, tous les acteurs savent où ils vont, avec un calendrier fixe. Si cette colonne vertébrale vient à manquer, on se retrouve avec une énumération de mesures désarticulées. Et c’est précisément ce qui est reproché à François Hollande depuis le début de son quinquennat. Mais aussi longtemps que le diagnostic macroéconomique européen ne sera pas correctement posé, toute tentative de repousser la crise échouera. Avant de traiter le mal, il va falloir commencer par l’identifier.

Comment interpréter le "silence" de Nicolas Sarkozy  relatif à la dimension européenne ?

Ce silence est tel qu’il en devient éloquent. La position économique européenne de la France n’est pas abordée, La politique de la zone euro non plus, aucun avis n’est formulé relativement aux actions de la Banque centrale européenne. Alors qu’il s’agit évidemment du débat économique fondamental et structurant l’ensemble de la politique du pays. Cela démontre sans doute le caractère exclusivement politique de cette l’interview. En évoquant les vacances des fonctionnaires, l’ISF, ou les charges sociales, on agite des marqueurs politiques, mais on ne fait pas un programme. Et pourtant, l’incroyable absence de François Hollande sur ces questions offre un boulevard à Nicolas Sarkozy et à L’UMP. Parce que discuter deux mois de la loi Macron alors que Mario Draghi lançait un plan de relance monétaire relève du surnaturel. Et cela n’a à proprement parler aucun sens. Ce sont ces questions "macro" qui structurent le débat mondial ; la stagnation économique de la zone euro, la quasi déflation, les déséquilibres des balances commerciales etc... Ce sont ces points qui devront être abordés pour offrir une véritable perspective au pays, pour le situer dans le monde, au sein de l’Europe, et de la zone euro. Mais ces questions ne sont pas encore tranchées au sein de l’UMP, du moins, apparemment pas.  

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