En même temps mais pas au même endroit
Nation, identité, Europe, immigration… : Emmanuel Macron multiplie les déclarations contradictoires, alors auxquelles se fier ?
Durant son allocution aux ambassadeurs, Emmanuel Macron a pu déclarer : "Le vrai Danois n’existe pas, il est déjà Européen. C’est vrai aussi pour les Français." Mais dans le même temps, il n'hésite pas à rappeler le besoin d'identité des peuples : "ceux qui croyaient à l’avènement d’un peuple mondialisé se sont profondément trompés. Partout dans le monde, l’identité profonde des peuples est revenue". À l'arrivée, Emmanuel Macron ne cesse de souffler le chaud et le froid.
Edouard Husson
Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli.
Atlantico : Quelle est vraiment la vision d'Emmanuel Macron sur les identités nationales ? Quelle est vraiment sa position sur la nation, l'identité et les migrants en Europe ?
Emmanuel Macron a été pris pour cible mardi 28 août par Viktor Orban (Premier ministre hongrois) et Matteo Salvini (l'homme fort du gouvernement italien) : "Il y a actuellement deux camps en Europe et l'un est dirigé par Macron. Il est à la tête des forces politiques soutenant l'immigration". Ce à quoi Emmanuel Macron a rétorqué : " S'ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison". Mais au fond, cette attaque n'est-elle pas une aubaine pour le président ? N'est-il pas conforté dans sa position de héros positif de l'Europe ? Quels peuvent être les limites de cette posture ?
Victor Orban voit donc le président de la République comme le leader des progressistes. Comment expliquer qu'il cible Emmanuel Macron plutôt qu'Angela Merkel ? Quel est réellement le poids d'Emmanuel Macron au sein de l'UE ?
Angela Merkel est finie politiquement! La grande question, à Berlin, depuis des semaines, c’est de savoir combien on parie sur la date de son départ. Emmanuel Macron est donc bien en position de force. Après avoir été, pendant un an, beaucoup trop respectueux de l’Allemagne, dont il attendait un verdict sur son plan de refondation de la zone euro, Emmanuel Macron a souligné, durant la Conférence des Ambassadeurs, qu’il entendait consacrer de plus en plus de temps au dialogue bilatéral avec les autres pays que l’Allemagne. C’est indispensable pour faire avancer les positions françaises. Et pouvoir, ensuite, faire avancer l’Allemagne, au moins partiellement, dans le sens des intérêts français. Ou avancer sans l’Allemagne, si cette dernière est enlisée dans le départ sans fin d’Angela Merkel. Il y a bien entendu une limite à la position française: subissant le choc de la réduction du quantitative easing de la BCE, la France ne peut afficher qu’une croissance faiblarde, une stagnation du chômage et des déficits persistants. Cela limite la crédibilité de la position française.
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