Multi-crises et insurrections françaises : comment y répondre <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Multi-crises et insurrections françaises : comment y répondre
©Reuters

Bonnes feuilles

Constatant la "multiplication des fronts du refus", une atmosphère d'insurrection mais également de "festival des contraires", l'auteur réclame un changement de système face à cette multi-crise : crise financière, économique, sociale, environnementale, sociétale mais aussi crise de confiance, crise identitaire et crise de sens. Extrait de "Le Nouvel Optimisme De La Volonté", Jean-Luc Bennahmias, publié chez François Bourin (1/2).

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias a été député européen (2004-2014). il fut le secrétaire national des Verts de 1997 à 2001. Il a appelé sans succès à une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle de 2007. Actuel coprésident de l’Union des démocrates et des écologistes, il a été candidat à la primaire de la gauche de janvier 2017. Après les Verts et le Modem qu'il a quitté à l'occasion des municipales de 2014, il cultive l'aletrnative d'une "démocratie social-libertaire".

Voir la bio »

La France est en crise. Et même en multi-crise. Ce n’est pas une crise conjoncturelle mais structurelle qui appelle à un changement de modèle. La période est instable, propice à la résurgence de doutes identitaires et réactionnaires. Sans vision claire sur l’avenir, que ce soit au niveau national, européen ou mondial, les citoyens, français (mais pas seulement), sont désemparés, pessimistes et pour certains d’entre eux révoltés.

Un peu partout en France, les "fronts du refus" se multiplient. Les Bonnets rouges, pour ne citer qu’eux, sont devenus à la fin de 2013, le nouveau symbole de l’exaspération populaire. Toutes les catégories sociales et de nombreux corps de métiers sont concernés par une exaspération qui transcende les clivages habituels et qui touche notamment aux questions d’emploi, de pouvoir d’achat et bien sûr de fiscalité, mais aussi aux questions de société.

Pour certains, l’exaspération est le signe de quelque chose d’encore plus inquiétant. Fin janvier 2014, la manifestation baptisée Jour de colère a regroupé tous les "anti" et rendu visible l’existence, ou plutôt la résurgence, de forces réactionnaires qui étaient jusqu’alors en sommeil.

L’atmosphère mini insurrectionnelle de la France d’aujourd’hui est le résultat de plusieurs années de crises et d’un cruel manque de perspectives. Plus d’un an et demi après l’élection présidentielle qui a porté François Hollande au pouvoir et suscita d’immenses espoirs, les Français sont fatigués du manque de cap et ne croient plus à la parole politique.

L’atmosphère actuelle résulte ainsi d’une association des contraires. Les Français ne sont pas tous mécontents pour les mêmes raisons, on le voit bien dans le phénomène des Bonnets rouges ou même dans celui de Jour de colère. La contestation agglomère différents types de contestations qui n’ont pas toutes les mêmes intérêts mais qui, dans la conjoncture, s’unissent autour d’un même objectif.

Cette atmosphère d’insurrection pèse sur nos territoires et sur tous les niveaux de gouvernance : elle s’exprime du local à l’international en passant par les manifestations d’ampleur nationale dans de nombreux pays européens (Espagne, Grèce, Bulgarie, Ukraine…). En effet, le constat vaut aussi pour certains de nos voisins — on se souvient du mouvement des Indignés en Espagne né en 2011, des grèves générales en Grèce, et plus récemment du soulèvement Ukrainien. Il vaut aussi pour l’Union européenne en tant que telle car la construction communautaire traverse une crise profonde.

Je parle des crises au pluriel pour évoquer la situation dans laquelle nous sommes car le phénomène est multiforme : crise financière, économique, sociale, environnementale, sociétale mais aussi crise de confiance, crise identitaire et crise de sens. Ces crises sont structurelles : elles nécessitent un changement de système. Les perspectives d’évolution de la société sont différentes en ce début de xxie siècle de ce qu’elles étaient durant les cinquante dernières années. Les capacités de création d’emplois, notamment, sont totalement bouleversées dans un monde en mutation

Face à une situation largement détériorée à tous les niveaux — économique, social, environnemental, moral — la question est de savoir : que fait-on ? On peut choisir « le pessimisme de la raison » et baisser les bras, ou on peut opter pour "l’optimisme de la volonté" et se mobiliser.

L’optimisme de la volonté, décrit par Antonio Gramsci (1891-1937) traduit ce que nous devons faire aujourd’hui à trois niveaux : national, européen et mondial. Je l’évoquerai ici à travers trois grands défis qu’il nous faut relever impérativement.

— En France, nous avons besoin d’un nouveau compromis national. Pour moraliser la vie publique, tirer le pacte républicain vers le haut, définir un nouveau contrat social, afin de lutter effectivement contre la pauvreté et contre les discriminations mais aussi réussir la transition énergétique, le dialogue social et politique sont des impératifs. La France doit se réconcilier avec elle-même. Dans une société fragmentée, notamment sur les questions sociétales, ce n’est pas une mince affaire.

Pour ma part, je plaide pour une vision libertaire de la social-démocratie, qui implique la promotion de l’intérêt général tout en demeurant plus que vigilants sur l’existence des libertés individuelles et collectives.

Je prône une société de la responsabilité face à une société des interdits en tout genre.

Alors que le vivre ensemble est en péril, que la perte de confiance est généralisée et la rupture entre les citoyens et le monde « politico-institutionnel » consommée, nous devons trouver, pour mener les grandes réformes structurelles, une union démocratique nationale, rassemblant tous les corps intermédiaires, syndicats, associations culturelles et cultuelles. Ce compromis doit être du même niveau que ce qu’avaient fait nos Anciens avec le Conseil National de la Résistance. Ce qu’avait imaginé le CNR fut la règle du jeu durable et assez exceptionnel qui reconstruisit et fortifia les solidarités de notre pays, après le désastre et la ruine de la seconde guerre mondiale.

Il s’agit de sortir notre pays des crises actuelles. Cela demande beaucoup de responsabilité. Aujourd’hui, François Hollande s’appuie sur une majorité loin d’être représentative du peuple français. Que représente réellement dans l’opinion publique la majorité PS à l’Assemblée nationale, même si on additionne les Verts et le Front de Gauche ?

Un cap et une majorité politique pour assurer et assumer son soutien, tels sont les deux impératifs indissociables pour sortir de l’impasse. La France se cherche depuis au moins trente ans à ce sujet, il est temps d’avancer dans cette voie.

— En Europe, nous devons réaliser cette Europe sociale qui nous fait tant défaut. Les gouvernements n’ont pas pris conscience de l’impact des « non » successifs au projet européen. Nous avons continué à faire l’Europe contre le gré des populations. Mais aujourd’hui, la dimension sociale de l’UE est une condition nécessaire à la poursuite de l’aventure européenne. Sans harmonisation sociale et fiscale progressive nous ne redonnerons pas à l’Union un sens positif. Aller dans le sens du progrès social doit être la priorité politique européenne.

— Enfin, au niveau mondial nous devons renverser la tendance qui est au retour du productivisme et remettre le développement durable au centre. La dernière conférence climatique qui s’est tenue à Varsovie (COP19) nous montre combien ce défi est difficile dans un monde marqué par le retour des énergies fossiles et l’arrivée massive des gaz de schiste, notamment en Amérique du Nord.

Seuls des avancées et des résultats concrets sur ces trois leviers d’action seront à même de recréer la confiance chez nos concitoyens. Nous nous devons d’y arriver car sans confiance, il n’y a pas de société. C’est l’objectif de cet ouvrage : donner quelques perspectives pour retrouver les clés du vivre ensemble.

Extrait de "Le Nouvel Optimisme De La Volonté - répondre à la multi-crise", Jean-Luc Bennahmias, François Bourin éditeur, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !