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Mort de Mamoudou Barry : nouvelle révélation sur la réalité de l’état psychiatrique de son agresseur
©LOU BENOIST / AFP

Entretien inédit

Jonas Haddad, avocat de la famille de Mamoudou Barry, explique que lorsque le drame a eu lieu, le discernement du tueur n'est ni aboli, ni altéré et qu'il est en pleine possession de ses moyens. On parle souvent d'antécédents psychiatriques même s'il peut y en avoir dés l'âge de 10 ans sans être fou à 20 ans.

Jonas Haddad

Jonas Haddad est Conseiller régional de Normandie, Président des Républicains de Seine-Maritime et co-président de la Fondation Concorde.

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Atlantico : Vous êtes l'avocat de la famille de Mamoudou Barry, enseignant-chercheur guinéen tué par un à l'origine présenté comme supporter algérien. L’interruption de la garde à vue de Damien A a eu lieu pour raisons médicales et il disposait d'antécédents psychiatriques. Quelles informations possédez-vous sur cette affaire ?

Jonas Haddad : Nous avons d'autres informations sur cette affaire. J'ai passé beaucoup de temps avec la famille Barry et j'ai remarqué un fait qui a été peu souligné dans les médias. C'est que lorsque l'agresseur de Mamoudou Barry porte les coups qui voulaient être mortels et que sa femme se rend compte que son mari est mort, elle déclare à l'agresseur : "Tu as tué mon mari !". Là, l'agresseur lui dit : "Reste à ta place ou je te réserverai le même sort."

En lui faisant comprendre cela, on se rend compte que son discernement n'est ni aboli, ni altéré et qu'il est en pleine possession de ses moyens. Il y a un autre point intéressant, c'est que ce serait sa compagne qui serait venue indiquer aux enquêteurs où se trouvait ce personnage. C'est donc quelqu'un possédant une vie sociale, qui n'est pas "dérangé" comme on a pu le présenter. Peut-être était-il nécessaire à ce moment de grande tension de lui administrer des soins mais plus on fait le tri dans les informations qui arrivent, c'est que l'on affaire à quelqu'un qui n'est pas si "fou" que cela.

Selon vous, le motif amené à l'origine comme étant la cause de cette agression, à savoir le racisme, serait donc toujours possible ?

C'est notre conviction et c'est aussi celle du procureur puisque c'est ce qu'il a retenu pour ouvrir l'instruction. Nous ne sommes pas dans le domaine de la supposition, judiciairement nous avons avancé sur ce terrain-là. Ça veut donc dire que lorsque le procureur le retient, il a des indices qui le lui laissent penser. Nous avons des témoignages concordants sur les propos adressés par l'agresseur à notre client.

L'argument des problèmes psychiatriques est-il trop souvent brandi lors d'affaires judiciaires françaises ?

Je ne dirais pas cela mais il y a un résumé trop souvent fait dans la sphère médiatique qui n'est pas toujours agréable. On parle souvent d'antécédents psychiatriques, mais on peut avoir des antécédents psychiatriques à l'âge de 10 ans sans être fou à 20 ans. Il y a aussi une véritable ignorance du code pénal. Le code pénal prévoit bien que la responsabilité pénale demeure si une personne a son discernement altéré, c'est écrit en toute lettres dans l'article 122-1 : la personne demeure punissable. L'article prévoit bien sûr un aménagement de la peine mais pas d'irresponsabilité pénale.

Quand on entend le mot "déséquilibré" ou "antécédents psychiatriques" dans les médias, les gens se disent que c'est terminé et qu'il n'y a plus de responsabilité pénale mais c'est faux. Le seul cas de figure où la personne peut être considérée comme irresponsable pénalement c'est si son discernement est totalement aboli, et pour cela il faut que la personne ait perdu totalement le contrôle de ses actes et qu'elle n'ait plus aucun libre-arbitre. Certains auteurs juridiques parlent de "folie généralisée".

On a trop souvent tendance à qualifier le discernement d'aboli alors qu'il n'est qu'altéré. Il faut bien faire la différence entre le moment où le discernement est altéré et le moment où il est aboli. Ce n'est que parce qu'un discernement est aboli qu'il n'y a pas de responsabilité pénale.

Peut-on appliquer cette réflexion au cadre du terrorisme, dans les cas où l'auteur d'actes terroristes est présenté comme psychologiquement déséquilibré ?

Le réflexe d'assimiler directement un terroriste à un individu déséquilibré psychologiquement est évidemment un très mauvais réflexe parce qu'il disqualifie immédiatement l'enquête et la justice alors que ce sont justement elles qui doivent avoir le plus d'influence et de pouvoir dans ce cas-là. Ce sont à elles de déterminer, notamment par le biais d'une étude psychiatrique, le fait que demain quelqu'un soit considéré comme ayant été en capacité de discerner ses actes ou non.

Même si quelqu'un est décrit comme "déséquilibré", bien que juridiquement ce terme n'ait aucun sens et n'existe pas dans le code pénal, cela n'enlève pas la responsabilité pénale de la personne qui commet l'acte. Il est indéniable que quelqu'un qui s'apprête à commettre des atrocités, comme cela peut être le cas dans les actes terroristes, n'est jamais quelqu'un de très équilibré.

Dans les cas politiquement sensibles (suspicions de racisme, sexisme, actes terroristes etc.), ce recours au casier psychiatrique n'est-il pas un acte politique à part-entière qui vise à nier certains problèmes par la facilité de l'argument du "déséquilibre" ?

Sans doute cela peut-il servir d'argument politique. En tout cas, c'est un argument qui juridiquement ne tient pas. En effet, juridiquement, quelqu'un qui est "déséquilibré", c'est-à-dire qui a son discernement altéré et non aboli, à moins qu'il soit sous stupéfiants à haute dose ou bien sous contrainte, sous la menace de leur vie, a une responsabilité pénale complète. Dans ce cas-là, il y a tout un pan du code de procédure pénale qui prévoit la responsabilité de personnes qui sont sous curatelle ou sous tutelle : c'est ce qu'on appelle les "majeurs protégés". Pour qu'on prononce une curatelle ou une tutelle sur quelqu'un, il faut un vrai dérangement psychologique et pourtant, même dans ce cas-là, il est prévu la responsabilité pénale de ces personnes.

En somme, la perte à un moment de son équilibre psychologique ne peut jamais justifier l'irresponsabilité pénale. D'un autre côté, cela peut atténuer la peine si jamais on arrive à montrer que ce discernement était important. Sur cette question-là, ce ne seront jamais les journalistes qui pourront en décider mais toujours des experts psychiatriques

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