Montebourg et Moscovici à des Paroles et des Actes ou le mariage de la carpe et du lapin <!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici ont débattu à l'émission "Des paroles et des actes".
Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici ont débattu à l'émission "Des paroles et des actes".
©Reuters

Je t'aime moi non plus

L'émission de David Pujadas, "des Paroles et des Actes", accueillait deux membres du gouvernement, Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici. Le protectionniste et le social-libéral se sont efforcés de renvoyer l'image d'un couple uni.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, des Finances et du Commerce extérieur, et Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif étaient ce jeudi les invités de David Pujadas dans des Paroles et des Actes. Les deux hommes n'ont pas toujours été sur la même ligne économique. Le social-libéral Pierre Moscovici et le protectionniste Arnaud Montebourg ont-ils fait preuve de cohésion ?

Christian Delporte : Dès le début de l’émission, le ton de l’unité affichée a été donné : pas l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre nous, "tous les jours nous sommes un couple assorti", a remarqué Montebourg. On imaginait mal aussi les deux hommes se déchirer sur le plateau de France 2 ! Mais, au fond, en creusant leur discours, on a noté des divergences. Rigueur budgétaire, disait Moscovici, souplesse budgétaire, répliquait Montebourg. Moscovici a voulu faire passer un message : "cela va aller mieux", alors que Montebourg n’a cessé de répéter que rien n’était gagné. Même sur les chiffres du chômage d’octobre, on a senti plus qu’une nuance : "l’inversion est en marche", a dit Moscovici. "Un signe", a indiqué Montebourg, ajoutant "une hirondelle ne fait pas le printemps". Il aurait été intéressant d’interroger Montebourg sur le travail le dimanche. "Plus de liberté", avait affirmé Moscovici. Pas sûr que Montebourg aurait avancé la même réponse.

L'un des deux a-t-il tiré son épingle du jeu par rapport à l'autre ?

On avait là deux styles différents. D’un côté l’énarque, le technocrate Moscovici, un peu terne, se situant au niveau des grands principes, de l’autre, l’avocat vibrant, bien plus charismatique, souhaitant montrer son volontarisme, indiquer concrètement  qu’il se bat au quotidien. D’un côté, de la macroéconomie désincarnée, une économie un peu vue du ciel, de l’autre le choix d’affirmer que "la politique, ça consiste à s’occuper des gens", en citant les entreprises sauvées et le nombre d’emplois sauvegardés. La froideur économique contre la chaleur de la politique en action, en quelque sorte. Mais au-delà des personnalités et des postures, il faut y voir des responsabilités bien différentes. Le langage technocratique, nourri de langue de bois, a toujours été la marque des détenteurs de Bercy… Reste l’ordre d’entrée en scène. La préséance de Moscovici, qui a parlé avant Montebourg, montre qui, des deux, est le plus influent au gouvernement. Pas très étonnant, à vrai dire.

De manière générale, que faut-il retenir de cette émission qui était intitulée "la France peut-elle s'en sortir ?" ? Aussi bien sur le fond que sur la forme, les deux ministres se sont-ils montrés convaincants ?

Pas sûr qu’on en retienne grand-chose. Qu’attendait-on, notamment de l’intervention de Moscovici ? Qu’il parle de la vie quotidienne des Français. L’économie, ce n’est pas abstrait, cela se concrétise tous les jours dans l’emploi, le pouvoir d’achat, les conditions de vie. Et là, on en est resté à des constats, des analyses, des batteries de chiffres qui passaient au-dessus de toutes les têtes. Qu’a-t-on appris ? Que le poids de la fiscalité en 2014 augmentera de 0,05 %, qu’il y aura sans doute plus de souplesse dans le travail dominical. Montebourg a admis que les collectivités locales devraient sans doute faire moins de dépenses. Il n’est pas certain que tout cela ait pu convaincre des téléspectateurs qui, dans la première partie de l’émission, ont dû sans doute décrocher. Même sur la fiscalité, c’est le flou qui a prévalu. Aucune piste n’a été dessinée. Moscovici s’en est tiré avec une pirouette : "la remise à plat, ce n’est pas la remise en cause". Façon de dire, peut-être, que la montagne accouchera d’une souris.

L'émission a également été marquée par les débats Pierre Moscovici/ Valérie Pécresse et Arnaud Montebourg/Denis Payre. Qui sont les vainqueurs et les perdants de ces différents face à face ?

C’était une erreur de faire s’affronter une ancienne locataire et le nouveau locataire de Bercy, ce qui incitait à un débat bilan contre bilan, chacun étant fier du sien. Valérie Pécresse avait préparé une formule : "M. Moscovici joue sa survie politique", qui a un peu déstabilisé l’intéressé, soudain agressif. Mais, sur le fond, c’est la stérilité qui a caractérisé l’échange. L’autre débat a été sans doute plus intéressant. Des arguments y ont été échangés. La courtoisie y a dominé. Denis Payre a cherché vainement à provoquer Arnaud Montebourg qui, souvent avec humour, a habilement esquivé les charges, au point que l’animateur, tout sourire, pouvait déclarer ironiquement : "Vous êtes d’accord sur tout". Au bout du compte, Payre a fait passer son message libéral et a profité d’un grand moment de gloire pour sortir de l’anonymat aux yeux des Français. Montebourg, de son côté, s’est adressé à lui comme s’il n’était pas un adversaire politique, pour mieux le disqualifier, tactique classique mais efficace. Bref, pas vraiment de vainqueur ou de vaincu. Le seul vaincu, c’est le téléspectateur resté jusqu’au bout de l’émission !

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