« Monsieur Éric » : du Crillon aux bordels de la rue Frochot<!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Ardoin publie "Monsieur Eric" aux éditions Robert Laffont
Arnaud Ardoin publie "Monsieur Eric" aux éditions Robert Laffont
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Bonnes feuilles

Arnaud Ardoin publie "Monsieur Eric" aux éditions Robert Laffont. Il s’appelait Armand-Henri Botey, mais à Pigalle tout le monde l’appelait Monsieur Éric. Il faisait partie du patrimoine de Pigalle. Pendant trente ans, il a tenu des hôtels et des bars à hôtesse, rue Frochot et dans quelques rues adjacentes. Il fut aussi un ami de Jean-Marie le Pen qui le choisit pour être le parrain de sa fille Marine. Patriote convaincu, il participa à la naissance du FN, à sa manière…

Arnaud Ardoin

Arnaud Ardoin

Journaliste reporter de télévision sur la Chaîne Parlementaire Assemblée Nationale (LCP-AN), Arnaud Ardoin anime et coordonne l’émission quotidienne « Ça vous regarde » traitant de tous les sujets de société. Après être passé par France 2, France 3, M6, il a aussi réalisé plusieurs documentaires et magazines TV.

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A Pigalle, il faisait partie de ces personnages de l’ombre. Pas une photo de lui. Un fantôme, ce Monsieur Éric. Ce livre est une fresque de Pigalle, une immersion dans les eaux sombres de ce quartier aux mille visages. Il est aussi un récit haletant de la vie romanesque de Monsieur Éric… 

Comment celui que les mauvaises langues ont baptisé « rase-motte », est devenu un empereur des bordels, avec voitures de luxes, manteaux de fourrure et montre en or au poignet. Armand-Henri Botey, dit « Monsieur Éric » était à lui seul une parabole de ce quartier interlope. Il a connu la gloire, croula sous les billets et tomba en disgrâce, plongeant dans les oubliettes de l’histoire, au moment où Pigalle passait de mode.

Rien ne le destinait à enfiler le costume du proxo. Fils de boulanger dans le Doubs, son destin était tout tracé. Devenir boulanger-pâtissier et reprendre l’affaire du père, résistant, mort en 1944 sous les balles des allemands.

Le petit Armand-Henri que personne n’appelait encore « Monsieur Éric » fit ses classes au Crillon, la voie royale pour devenir un cador du métier. Mais le destin en a décidé autrement.

Il aimait le fric, ce qui brillait et pâtissier n’était pas à la hauteur de ses rêves de fortune. Alors, il bifurqua. Avec Andrée, sa compagne du moment, il se lança dans la gestion d’un hôtel de la rue Frochot, le Shanghai. Le début de la gloire et de ses ennuis. Il voyait toujours plus grand, avait la folie des grandeurs. Alors, il enfila le costume de proxénète.

Pigalle : l’arrière-boutique de l’OAS

Ce livre à travers le personnage de « Monsieur Éric » lève un coin de voile sur les liens troubles entre le monde de la nuit et la politique. Pigalle était bien plus qu’un lieu de fête et de débauches. Il portait en lui une idéologie, une manière de penser le monde.

Monsieur Éric était un patriote convaincu. En 1965, il collait des affiches pour le premier candidat d’extrême droite Tixier-Vignancour, ténor du barreau et avocat des gros poissons de Pigalle.Le premier à se présenter à une élection présidentielle. Le Pen était son directeur de campagne. Après les collages, on partait faire la fête à Pigalle. Éric et Jean-Marie devinrent amis. A cette époque, Jean-Marie était sans le sou, Botey avait les poches pleines. Le Pen, sans mandat, traversait le désert et vivotait avec sa petite société d’édition radiophonique, la SERP. Le soir, il laissait Pierrette à la maison avec ses deux filles et venait s’encanailler dans les bars de Monsieur Éric. La guerre d’Algérie faisait rage. L’OAS frappait dans Paris. Pigalle faisait office de base de repli pour les activistes de ce mouvement Algérie française. Sur les banquettes en velours des cabarets de Monsieur Éric, entouré de femmes affriolantes, Jean-Marie et ses amis refaisaient le monde. Entre deux scotchs, le politique n’était jamais bien loin.

C’est dans un de ses bars à hôtesse que Jean-Marie proposa à Monsieur Éric un étrange marché : placer Pierre Durand, un frère pour Jean-Marie le Pen, comme homme de paille du Yellow dog, un bar à hôtesses de la rue Frochot, un établissement très rentable. Éric accepta. Il n’avait pas trop le choix. La justice l’avait condamné pour proxénétisme aggravé. Il lui était interdit de diriger une entreprise.

Voilà comment Pierre Durand, un ultra catholique devint, sur le papier, gérant d’un bar à hôtesses. En échange de quoi ? Le FN venait de naître, c’était un groupuscule tout au plus, et les caisses étaient vides, alors tous les moyens étaient bons pour les remplir.

Cet ouvrage, avec ses gueules de voyous, ses codes et ses dialogues « audiardesques », ses coups du destin, semble tout droit sorti d’une fiction imaginée par un scénariste documenté. Il n’en est rien, tout est vrai, terriblement vrai.

Dans ce livre très bien documenté, apparaît à la lecture, un Pigalle englouti qui a définitivement disparu et qui vous ouvre grand ses bras. Monsieur Éric a lui seul est un concentré de la vie de ce quartier. Un homme de l’ombre qui a tenu à bout de bras un empire, grand comme un confetti, mais aussi tellurique qu’un volcan.

« Monsieur Éric » Arnaud Ardoin - Robert Laffont

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Monsieur Éric : un miraculé…

Monsieur Éric nait sous la bonne étoile. Il échappa à trois tentatives de meurtres. Un colis piégé, assorti d’une lettre menaçante en 1966. Monsieur Éric avait aussi ses entrées à la police et cela ne plaisait pas dans le quartier. Le colis était un avertissement.

Il savait se faire généreux avec les « condés ». Et ils lui rendaient bien en fermant les yeux sur ses activités. Même le tout jeune pouvoir socialiste n’arrivait pas à s’en débarrasser. Il réussit même à faire disparaître son dossier fiscal. La justice l’envoya en prison, il en ressortit aussitôt et repartit de plus belle.

Il s’était séparée d’Andrée lorsqu’il avait flairé la martingale. Il mit, comme on dit « le grappin », sur Carmen une maquerelle de la rue Fontaine de vingt ans ans son ainée. Mariage de raison…

Il tomba aussi amoureux d’une belle plante, Véronique, une prostituée élégante et mondaine. Il l’emmena en croisière aux Bahamas avec Jean-Marie et Pierrette. Monsieur Éric mena la grande vie. Même la pègre n’arriva pas à se débarrasser de lui. Un soir devant le Manhattan un établissement de la rue Frochot, deux hommes à moto lui tirent dessus. Il s’en sortit une nouvelle fois. Plus tard, il échappa à une tentative de meurtre boulevard Biseau… Son garde du corps décéda sur le coup. Monsieur Éric sortit indemne.

Arnaud Ardoin publie "Monsieur Eric" aux éditions Robert Laffont 

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