Copycats : mais pourquoi cette épidémie de faits divers copiés-collés à travers la planète ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Faits divers
Copycats : mais pourquoi cette épidémie de faits divers copiés-collés à travers la planète ?
©

Faites mutliplier les accusés

Les faits divers les plus sordides semblent se multiplier depuis plusieurs mois. De la Chine au Canada, en passant par les Etats-Unis, les histoires atroces s'enchaînent et aucun détail n'est épargné au public. Cette "nouvelle" tendance doit-elle nous effrayer ?

Dominique Rizet

Dominique Rizet

Dominique Rizet est un auteur, présentateur et journaliste.

Il est grand reporter et conseiller éditorial au Figaro Magazine et chroniqueur dans l'émission Faites entrer l'accusé sur France 2.

Depuis 2007, il présente également un magazine intitulé Justice Hebdo sur la chaine Planète Justice.

Voir la bio »

Atlantico : De nombreux faits divers liés au cannibalisme ont eu lieu dernièrement un peu partout sur la planète et ont fait la Une des médias, même à des milliers de kilomètres des scènes de crime. Peut-on parler d’une mondialisation des faits divers ?

Dominique Rizet : On peut parler de mondialisation, mais seulement à partir du moment où un fait divers prend une certaine dimension dans l’horreur, avec un certain nombre de victimes. Ce n'est qu'à cette condition qu'on en parle à l'étranger. Ça a toujours été comme ça. Il ne faut pas oublier que cela va plus vite avec Internet, grâce à quoi on s'intéresse plus facilement à ce qui se passe ailleurs. Par ailleurs, il y a une espèce de compétition qui me choque un peu, surtout quand on entend ou lit "c'est le tueur en série qui a fait le plus de victimes" ou "c'est le mass killer qui a fait ci ou ça".

Est-ce une nouveauté ou cela a-t-il toujours existé ?

Je travaille depuis longtemps dans l'actualité du fait divers, au Parisien ou à France soir, et il m'est arrivé d'en faire à l'étranger. En 86-87, j'étais allé couvrir en Autriche le procès des cinq infirmières qui avaient étouffé vingt ou trente personnes âgées. Ça avait fait scandale à l'époque, on en avait parlé dans le monde entier. Pareil en Italie, où j'étais allé suite à un accident entre un ferry et un pétrolier. 160 personnes étaient mortes à Libourne. On s'est toujours intéressé à ce genre de choses. La seule différence, c'est qu'avant, on avait du mal à repérer les affaires, on avait seulement un correspondant ou l'AFP. Aujourd'hui, tout va plus vite, il suffit de surfer sur la Toile pour tout connaitre d'un tueur en série à l'autre bout du monde.

Internet serait donc pour vous le coupable de cette situation ?

Je ne dirais pas coupable, mais c'est vrai qu'il véhicule l'information plus vite. Mais il n'y a pas qu'Internet. Tous les services de police se mondialisent, notamment Interpol qui fait du renseignement et qui regroupe 180 ou 200 pays. Quand une affaire éclate au Brésil par exemple, Interpol français peut rechercher un Brésilien qui a trouvé refuge dans la capitale. C'est d'ailleurs c’est ce qui s'est passé avec le dépeceur canadien quand il est arrivé en France. Les Canadiens avaient en fait demandé à Interpol une diffusion dans le monde entier du portrait du tueur. Rajoutez à ça des moyens de communication qui vont plus vite, comme le portable : un correspondant qui apprend quelque chose, il appelle son journal et le tour est joué.

Les journaliste ont-ils une responsabilité, à force de détailler les crimes dans leurs papiers ou leurs chroniques ?

C'est un aspect embarrassant des faits divers. Prenons pour exemple l'affaire du meurtre de Muriel et Ingrid à Perpignan en 1991 : le meurtrier, Christian Van Geloven, est décédé en août dernier. Les journalistes ont donc écrit des papiers sur la mort du tueur tout en ressortant des détails sordides sur la mort des fillettes, alors que ceux-ci avaient été évoqués uniquement à huis clos lors du procès. J'ai vu les parents de la petite Ingrid et ils étaient effondrés. Aller dans le détail, ça fait partie d'une compétition. Quand on en tient un qui est pire que les autres, on a tendance à le dire, à en parler ou à l'écrire. Je trouve cela assez moche. Cela revient à dire "le mien est pire que le tien". Effectivement, on a une vraie responsabilité. On se demande souvent si on doit raconter ou pas.

En plus, certains criminels prennent plaisir à commettre des actes immondes en se demandant dans quelle mesure la société va les rapporter. J'ai travaillé sur une affaire d'enlèvement il y a quelques années. L'homme avait enlevé neuf enfants, violé et tué quatre. Le juge m'a raconté que devant le juge et les enquêteurs, le coupable savourait ses actes d'horreur en leur racontant. Certaines de ces personnes attendent presque avec délectation le moment où on va les arrêter et qu’ils vont nous raconter leurs actes pour qu’on soit témoin de l’horreur…

Le problème de ces histoires là, c'est que ça ne s’arrête jamais. Une fois que cela s'est produit dans telle ou telle famille, elle sera toujours sollicitée, soit par des associations, soit par des journalistes. Leur histoire devient alors une marchandise, qu’on va utiliser, réutiliser au gré des futures affaires qui vont arriver. On assiste alors à des interviews avec des questions absurdes : "avez-vous réussi à reconstruire votre vie ? Etes-vous contents que le coupable soit mort ?". On connait les réponses à ces questions ! Mais la société n'aura cesse de ramener à la surface ce genre d'histoire. Elle est ainsi faite.

Propos recueillis par Valérie Meret

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !