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Mondial de l’Auto 2018 : pourquoi la généralisation de voitures électriques pourrait bien mener à plus de pollution
©Valery HACHE / AFP

Effets contre-productifs ?

Le Danemark veut interdire dès 2030 la vente de voitures à essence ou au diesel, Tesla annonce avoir rempli ses objectifs de production pour sa Model 3 et le Mondial de l'automobile à Paris s'est placé sous le signe de la voiture électrique. C'est confirmé, le marché des véhicules « propres » a le vent en poupe. Mais la question demeure, d'où proviendra l'électricité nécessaire pour toutes ces voitures « écologiques »?

Bernard Jullien

Bernard Jullien

Bernard Jullien est économiste.
 
Il est directeur général du réseau international Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’Automobile).
 
 
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Atlantico : Interdire les voitures thermiques n'implique pas forcément d'interdire les énergies fossiles. D'où proviendrait l'énergie alimentant ces véhicules ? Ne serait-on pas forcé de faire appel au nucléaire ?

Bernard Jullien : Effectivement il y a de vrais débats concernant l'importance de l'appel au réseau qui serait lié à l'apport d'énergie. La question se pose aussi de savoir si l'on arrive à rationaliser cela en inscrivant les véhicules électriques dans ce qu'on appelle les smart-grid, donc de faire en sorte qu'elles soient à même d'appeler de l'électricité en réseau mais aussi d'en restituer. Mais pour l'essentiel, le problème n'est pas celui des constructeurs. C'est un cap pris par les politiques qui est celui des véhicules électriques qui peut poser des problèmes en matière de production d'électricité mais ce n'est pas celle du monde de l'automobile mais bien celle des politiques publiques des pays dans les différents pays. Évidemment selon qu'on soit en Pologne, en Allemagne ou en France, le CO² associé à chaque kilowattheure n'est pas du tout le même. Le pari qui est fait collectivement c'est de parvenir à faire en sorte que les productions énergétiques soient moins problématiques.
S'ajoute à cela le fait qu'un des problèmes soulevé par l'affaire Volkswagen entre autres est moins la problématique des gaz à effet de serre que la problématique des pollutions locales. Les particules incriminées dans l'affaire concernaient la pollution locale. Et de ce point de vue là, l'électrique est évidemment attrayant. Parce que même si l'on produisait de l'électricité avec des énergies fossiles, il serait toujours possible de le faire loin des grandes villes. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer en Chine où les grandes villes du type Pékin/Shangai sont en train de régler une partie de leur problématique de pollution locale en éloignant et modernisant les centrales. Dans la mesure où l'on a une capacité d'investissement en Chine qui est assez considérable, l'équation est réglée comme ça.
Il y a également une espèce d'économie politique des pollutions. Les gens puissants politiquement sont plutôt en ville, ils ont des enfants, ils veulent avoir le moins d'asthme possible donc ils exigent que le diesel soit banni. La question de savoir si ça va être favorable au réchauffement climatique et qui est lié à la nature de la production d'électricité est une question qu'ils ne se posent pas forcément.

Au-delà des émissions de carbone, la construction de moteurs électriques fait polémique concernant son « énergie grise » (l'énergie utilisée pour sa production au cours de tout son cylce de vie). Ne déplace-t-on pas le problème en se concentrant uniquement sur les gaz à effet de serre ?

Oui, le problème c'est que l'on raisonne aujourd'hui sur la base d'un contexte dans lequel l'électrique est encore balbutiant. Par conséquent c'est un peu comme pour le cas du thermique il y a plus de 100 ans. Au moment où on s'engage dans cette voie-là il y a une espèce de saut dans l'inconnu. Une partie des questions qui sont aujourd'hui mal résolues seront mieux résolues demain. C'est le cas pour le coût et l'efficacité des batteries. C'est le cas aussi pour la problématique des matières premières. Il y a éventuellement des problèmes autour du lithium mais il n'est pas certain qu'on ait cherché partout. On a longtemps dit qu'il y aurait un gros problème avec le pétrole et on s'est mis à en chercher là où on n'en cherchait pas, puis on a eu les gaz de schistes aux USA.. Ces questions-là ne sont pas gelées.

Concernant les batteries, le problème d'exploitation du lithium se pose. Au-delà de son impact écologique considérable, les réserves sont loin d'être infinies. Peut-on tabler sur un avenir aussi incertain ?

S'agissant des batteries et de leur recyclage, il faut faire cet espèce de pari pascalien qui considère que quand on aura un problème qui deviendra plus ardu, il y a des chances qu'un certain nombre d'alternatives émerge. Aujourd'hui, tout ce qu'on appelle les voies solides sur la production de batteries devraient pouvoir permettre de se passer du lithium et aussi d'avoir des recharges qui se fassent plus vite et mieux. Sur le thème du recyclage, il y a aussi des débats pour savoir si l'on perd beaucoup de lithium lorsqu'on recycle les batteries ou non. Et puis il y a évidemment toutes les questions qui concerne la production des moteurs électriques. Donc on consomme beaucoup de cobalt pour la production de moteurs, mais il y a toute une série de constructeurs qui s'inquiète de sa pénurie. Ils cherchent activement un moyen de produire des turbines électriques sans en utiliser.
C'est le même problème qu'avec l'apparition du thermique quand apparaît le démarreur électrique, on ne savait tout simplement pas distribuer le carburant. Si la voiture électrique devient le standard mondial dans la production automobile, il faudra arriver à produire non pas un million de voitures chaque année comme c'est le cas en 2018 mais 10, 25, 40 millions et dans ces conditions là, il y a évidemment des ressources humaines mobilisées autour qui devraient faire sorte qu'une large partie des équations qu'on manipule aujourd'hui ne soit plus vraies demain.

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