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Moncef Marzouki : le nouveau président tunisien
qui compose avec les islamistes
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"Première république arabe libre"

L'Assemblée constituante a désigné Moncef Marzouki à la présidence de la Tunisie. Farouche opposant à Ben Ali, Marzouki est un défenseur des droits de l'Homme, qui se montre conciliant avec Ennahda, le parti islamiste majoritaire.

Faouzia Farida Charfi

Faouzia Farida Charfi

Membre fondateur du Pôle Démocratique et Moderniste.

Professeur universitaire.

Ancienne secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur de Tunisie.

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Ce lundi, Moncef Marzouki a été élu président de la République tunisienne par l’Assemblée constituante tunisienne (ANC), le quatrième de la Tunisie indépendante[1]. Cette élection a été vécue en direct sur la chaîne de télévision nationale, devenue la chaîne préférée des Tunisiens depuis qu’elle transmet l’intégralité des débats de  l’ANC, à l’instar de la chaîne parlementaire française.

Le résultat était sans surprise compte tenu de l’accord passé avant même le résultat des élections du 23 octobre dernier entre la troïka -dénomination adoptée par les médias et l’ensemble des Tunisiens pour désigner la coalition du parti majoritaire islamiste Ennahda- le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) dirigé par l’actuel président de l’ANC et le Congrès pour la République (CPR) créé par Marzouki en 2001.

Moncef Marzouki, né en 1945 dans la région du Cap Bon, a fait des études à la faculté de médecine de Strasbourg et s’installe en 1979 en Tunisie où il fait carrière en qualité de médecin hospitalo-universitaire et s’engage comme militant actif au sein de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme  (LTDH) nouvellement créée. Élu membre de son comité directeur en 1985, vice-président en 1987 puis président en 1989, c’est dans cette association qu’il s’est fait connaître en tant qu’opposant au régime de Ben Ali. Il se porte candidat à l’élection présidentielle du 20 mars 1994 et suite à ce geste que Ben Ali ne lui pardonne pas, il est emprisonné quelques mois.  Après avoir subi de nombreuses persécutions de la part du régime répressif de Ben Ali, il décide de s’exiler en France où il est accueilli comme professeur associé et médecin.

Lorsqu’il rentre de son exil le 18 janvier dernier, quatre jours après la chute de Ben Ali, il annonce déjà sa candidature à la présidence de la République, geste qui ne surprend pas ceux qui connaisse Marzouki, un homme passionné et pressé. Peu après le résultat du vote le déclarant président "de la première république arabe libre[2] ", il a déclaré être "conscient  du volume de la confiance placée en sa personne par les Constituants et le peuple tunisien, considérant cette responsabilité comme étant "un rêve pour tout être humain" .

La Tunisie aujourd’hui libre de s’exprimer, n’est pas unanime face à cette élection présidentielle. Des éditorialistes, des personnalités politiques, de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux[3] font remarquer le silence "éloquent" de Moncef Marzouki suite aux déclarations des dirigeants d’Ennahda relatives au califat ainsi que ses propos "très vagues", voire "diplomatiques" sur les agissements des salafistes à la faculté de lettres de l’Université de la Manouba[4] en vue d’imposer l’acceptation du voile intégral par les universitaires dans cet établissement. Cette attitude ne surprend pas de la part de celui qui, tout en étant militant convaincu des droits de l’Homme, considérait depuis longtemps qu’il fallait composer avec les islamistes.

Les longues heures de débat de ces derniers jours à l’ANC sur les attributions du président de la République que le parti Ennahda voulait limiter au point d’en faire un poste honorifique, n’ont pas altéré la confiance que Marzouki porte à la troïka. A la question d’un journaliste à propos des prérogatives que lui confère la projet de la "petite constitution" régissant le pouvoir présidentiel, il répond : "Je suis satisfait de tous les accords conclus par la coalition entre Ennahda, le CPR et Ettakatol, donc des prérogatives du président de la République"[5]. Le sera-il encore longtemps ?

Les militants de son parti qui vont choisir dans les prochains jours un nouveau dirigeant en remplacement de l’actuel, appelé dès demain à sa nouvelle fonction, entendent bien construire une Tunisie nouvelle démocratique et respectueuse des droits de l’Homme. L’ancien militant de la LTDH aura peut être plus tôt qu’il n’imagine, à choisir entre les principes qu’il a défendus avec acharnement depuis une trentaine d’années  et le silence, prix à payer pour garder le poste tant attendu.



[1] Bourguiba, libérateur de la Tunisie a été le premier président élu en 1957, alors très populaire. Ben Ali a été élu le 2 avril 1989 dans un climat de consensus politique qui allait  jusqu’au mouvement Ennahdha. Foued Mebazaa, ancien président de l’Assemblée Nationale exerce la fonction de président de la République par intérim depuis le 15 janvier 2011.

[2] Titre de sa page Facebook.

[3] La Tunisie compte deux millions et demi d’utilisateurs de Facebook.

[4] Dernièrement, Habib Kasdaghli, doyen de la Faculté de Lettres de la Manouba a été séquestré une journée par des salafistes étrangers à l’établissement qui refusent actuellement de quitter les locaux de l’université.

[5] Quotidien La Presse, le 7 décembre

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